Livre n°36

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J'aurais pu l'appeler. Peut-être même que j'aurais dû, mais une part de moi s'en est retenue. On pourrait dire que c'est la fierté ou peut-être bien que c'est autre chose, mais je trouvais ça trop "facile". Trop facile de juste faire ça, de se contenter d'écrire un chapitre et de le balancer à la vue du public. Je connais Hugo, du moins j'ose aujourd'hui prétendre après tout ce temps connaître cet homme en grande partie et je sais qu'il est capable de "plus". Plus que d'envoyer son larbin pour qu'il me transmette un message indirect.

Mais de l'autre côté, même si je pense tout ça, l'autre part avec laquelle je débats ne veut qu'une chose ? Aller le trouver. Aller le voir et lui dire tout ça. Lui dire que ça ne me suffit pas. Lui dire que ça ne me satisfait ça. Lui dire que cette situation ne me plait pas. Lui dire que...lui dire quoi ? J'y pense encore alors qu'au final, je suis convaincu qu'il suffirait que je tire un trait simple, net et efficace sur cette histoire.

Je devrais brûler ce livre d'ailleurs. Mais je ne le ferais pas. Non pas que je sois un écolo amoureux des arbres et honorant leurs sacrifices pour qu'on puisse avoir des livres ou du papier toilette, quoique parfois certains bouquins sont si nuls qu'on pourrait presque se torcher avec.

Non, je ne brûlerais pas ce livre, car il reste finalement tout ce qui me raccroche à Hugo. Je le sais. C'est comme si nous n'étions plus que liés pas un invisible et très fin fil. Un rien pourrait le casser tout comme l'un de nous deux détient en sa main le pouvoir de le couper. Lui comme moi pouvons définitivement mettre un terme à cette histoire, mais je ne suis pas sûr de vouloir en arriver là. En fait, je ne suis sûr de rien. Jusqu'à aujourd'hui j'étais persuadé d'être finalement très bien tout seul parce que je me suis rendu compte que j'étais capable de faire énormément seul. Je ne doute plus. Je ne me questionne plus. J'avance et honnêtement, ça ne m'était pas arrivé depuis une éternité.

Les trois dernières années de ma vie n'ont été que doutes, hésitations, questionnements et craintes. Constamment je me suis remis en question. Quotidiennement je m'interrogeais sur ma journée, sur mes capacités à affronter ce qui se passait sous mon nez et moins j'avais de responsabilités, mieux je me portais, mais je sais que je ne peux pas fuir la vie elle-même. Je ne peux pas fuir ce qui m'attend.

Tout comme je sais, au plus profond de moi, qu'il est inutile de me convaincre sur la question "Hugo". Je sais et je l'ai toujours su que rien ne se réglera si je ne l'affronte pas. J'en ai conscience. Si je veux avancer sans marcher forcément dans ses pas, il faut que je le voie. Il faut que je lui parle. Il faut que je lui dise.

J'aurais pu l'appeler. Peut-être même que j'aurais dû, oui. Mais si Hugo m'a bien appris une chose, c'est qu'au final, le courage ne se trouve que quand on décide d'affronter en face à face la personne elle-même.

Et c'est comme ça que je me suis retrouvé dans ce café, pas très loin de chez moi, assis, caché serait plus correct à dire, derrière le menu tandis qu'Hugo me fait face, les bras sur la table. Je sens son regard sur moi. Je sens ses genoux contre les miens tant il est grand et ce simple contact me déstabilise au possible. Il le sait et il en profite. Pour lui, tout est un jeu. La vie est une gigantesque cour de récréation de laquelle il est le roi. Hugo est un grand enfant, un "Peter Pan" et moi je ne suis que son garçon perdu.

Le silence est pesant, presque malaisant. S'il n'y avait pas quelques couples de personnes autour de nous, je pense que j'aurai fini par partir. Moi qui faisais de grands discours et qui semblais avoir pris de grandes résolutions, me revoilà redevenu le petit garçonnet qui se fait intimider.

- Vas-tu te cacher derrière le menu pendant encore longtemps Léon ?

J'aimerais dire que "non". Dans ma tête, c'était la folie et j'avais presque réussi à me convaincre que j'avais pris du poil de la bête. Que j'avais gagné en témérité. Sauf que ce n'est pas le cas et je suis mort de trouille. J'ai peur de lui faire face. J'ai peur de lever les yeux, de plonger dans les siens et de m'y noyer. J'ai peur d'être incapable de lui dire ce que j'ai à lui dire. J'ai peur qu'à la fin, Hugo gagne que moi...je finisse par n'avoir que mes yeux pour pleurer. Mais peut-on parler de gains ou de pertes en amour ? Je ne sais pas. Je n'y connais pas suffisamment sur le domaine en tout cas.

Sous ta plume (BxB)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant