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Je m'appelle Jahia Sow mais dans mon village tout le monde a pour habitude de m'appeler « Peulh bou rafett » ( jolie peulh). En effet mon nom laisserai facilement deviner que je suis une Al-Pulaar même si mon prénom est tout aussi rare que mon histoire.
J'ai arrêté mes études après l'obtention de mon brevet. Dans mon village, il n'y avait qu'une seule école et j'étais classée parmi les meilleurs élèves . Malheureusement pour aider ma mère dans les travaux ménagers à cause de sa maladie qui l'affaiblit de plus en plus chaque jour, j'ai dû abandonner . Mon père, est décédé il y'a maintenant 2 ans.
Nous vivons donc avec le grand frère de ma mère, tonton Souleymane. Ce dernier a toujours été contre ma scolarisation parce que selon lui la place d'une fille, c'était au près de sa mère à effectuer les travaux ménagers. C'est la pensée qu'a la majeur partie des habitants de ce village.
Même si je n'oserais jamais lui dire en face parce qu'il est mon aîné, je lui en veux vraiment d'avoir contribué à ma déscolarisation.
Je sais que tata Aïssata, sa femme, y est pour quelque chose. Elle a toujours été jalouse du fait que j'aille à l'école et pas ses deux filles Fatoumata et Salimata. Mais est-ce ma faute ?
Elle a réussi à me monter contre les filles même si nous ne nous sommes jamais vraiment entendues. Elles font tout pour me rendre la vie impossible mais je m'y suis habituée au fur et à mesure.
Atoumane, leur frère aîné, par contre, je m'entend vraiment bien avec lui ce qui énerve sa mère au plus haut point.
La seule personne qui me motive chaque jour qui passe est ma mère .
Elle est tout ce que j'ai; elle a su être un père et une mère en même temps, une confidente car oui je ne lui cache jamais rien et elle a toujours été la meilleure des conseillères.
Je lave la vaisselle, dans la cour tout en chantonnant comme toujours.

- Eh ! Criait une voix derrière moi.

Je me retourne et vois Salimata qui me dévisageait mais je fais comme si je n'avais pas remarqué.

- Oui Salimata ? Dis-je calmement.

- Répond à mon père. Me dit-elle avec une insolence qui lui est propre. Et sans attendre ses restes, elle s'en va.

Je rince mes mains, refait bien mon pagne avant de me diriger vers mon oncle qui était assis sous l'arbre à palabres avec ma tante Aïssata et ma mère.

- Oui mon oncle ? Dis-je une fois à leur hauteur.

- Tire le banc et viens t'asseoir. Dit tonton Souleymane .

Je regarde ma mère inquiète avant de prendre le banc qui se trouvait juste derrière moi et m'assois près d'elle. La tête baissée, j'écoutais attentivement ce que mon oncle avais à me dire.

- Jahia, je crois que tu as remarqué que je vieillis de même que ta pauvre mère. Au champ , pour Atoumane, ça ne marche plus comme avant. Nous avons de réels problèmes avec les dépenses journalières de la maison. Donc nous avons décidé que tu vas aller en ville pour chercher du travail afin de nous envoyer l'argent tous les mois et tu ne rentreras que quand les récoltes seront fructueuses de notre côté . Je te fais confiance et je sais que tu es une fille brave. Dakar est une ville vicieuse et j'espère que tu resteras respectable et tu ne te laisseras pas influencer. Dit-il comme si c'était tout à fait normal.

- Mon oncle, loin de moi l'idée de contredire tes propos, mais comment voulez-vous que j'aille à Dakar alors que je n'y connais rien ni personne ? Dis-je dépasser par tout ceci.

- Tu as Dieu Jahia. Et je ne débattrai pas sur ce sujet . Tu peux y aller. Dit mon oncle.

Je regarde intensément ma mère qui n'avait pas intervenu jusque là avant de retourner à mes corvées.
Tout au long, mes larmes ne cessaient de se verser. Je n'arrivais même pas à réfléchir correctement. Quand je finis, je me douche avant d'aller dans notre chambre à ma mère et moi. Je la trouve assise sur la natte en égrainant son chapelet . Je m'assois donc près d'elle et pose ma tête sur ses cuisses. Elle me caressait les cheveux.

Jahia Sow: Aléas d'une vieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant