Grosse de la tête aux seins

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En média CESAR, le beau, le magnifique.

Bonne lecture !

J'y étais enfin.

Mes yeux se couvrirent d'un léger voile d'appréhension tandis que j'ouvris d'une main tremblante le premier carnet, celui qui me semblait le plus ancien. Mes tempes se mirent à suer atrocement. Installée, où plutôt étalée comme un gros tas de chocolat fondu sur le canapé en pyjama pikachu, j'allais enfin savoir.

J'éclatai d'un rire plein de mépris envers moi-même en constatant que sur la première page, se trouvaient dessiner un nombre incalculable de licornes et qu'un gros " Carnet de Diane" noir pailleté servait d'intitulé pour les générations futures qui découvriraient ce carnet. Tout cela contrastait avec les têtes de mort faites au blanco qui ornaient la couverture.

Je tournai délicatement la page, emplie d'une pointe de nostalgie stupide et futile.

C'était pas le moment de devenir dégoulinante de niaiserie comme toutes ces Barbies qui dévoilaient avec un visage barbouillé de rimmel dû à des yeux larmoyants et surmaquillés, leur parfois pathétique histoire sur YouTube !

Avec un petit sourire moqueur, je lus les premières phrases, aux fautes d'orthographe parfois atrocement malaisantes.

" Cher Carnet Je me sens un peu bête devant cette page blanche, moi qui aime pourtant tant écrire. Mais écrire n'est pas un problème. J'aime inventer, créer des mondes un peu plus parfaits que celui-ci, faire sortir de ma plume, des petits bonshommes que je considère comme des véritables enfants.

Non le problème, c'est que ici, sur ce carnet, je vais parler de moi. Et moi, je suis grosse. "

J'interrompis ma lecture avec un froncement de sourcil. Grosse, avais-je réellement eu l'impression de l'être un jour ? Je ne m'en souvenais pas, constatai-je avec un soupçon d'effroi. Aussi loin que remontait ma mémoire, mon apparence physique ne se résumait pas à mon poids, et je m'étais toujours trouvée jolie !

Un peu fébrile, je repris ma lecture.

" C'est bien la seule raison pour laquelle j'écris ce journal. Grosse.. On ne cesse de me répéter ce mot en l'utilisant comme une insulte alors qu'il est si beau! Gro-sse! Les lèvres qui forment un rond, net, précis, beau : "Gro". Et puis, la bouche en cur devient sourire pour susurrer le "Sse".

C'est comme un bonbon, qui glisse sur la langue, au doux goût sucré.

Grosse!

Oui, je suis grosse mais est-ce qu'il faut systématiquement faire du 34 pour être belle ? Moi qui fais du 42, me trouve un peu démunie pour répondre à ça.

Je fais actuellement 68 kilos pour 1m 65. Le médecin dit que je suis au dessus de la courbe de poids pour une enfant de mon âge mais je l'empaffe ce vieil olibrius au nez de sagouin. Il ne fait rien que me répéter ça, même quand j'y vais pour un rhume, pour une grippe ou une quelconque maladie.

Il prend une voix de crécelle rouillée, vous voyez ce petit grincement de porte qui "heiiiiiin", qui couine, qu'on a envie de casser la porte après? Et bien c'est avec ça qu'il finit ses phrases.

" Quelques kilos en trop heiiiiiin ? Faudrait-voir à commencer un régime heiiiiin? A quinze ans, quand même heiiiiiin ! "

Je me suis promise de lui faire avaler ses "heiiiins" un jour ! Ou mieux ! De lui faire bouffer par le nez, faire en sorte que ça ressorte par les oreilles et lui enrouler autour de ses testicules - sans doute molles et bouffies comme sa vieille tête de ragondin - pour le castrer. "

Une porte qui claque me sortit de ma lecture. César entra dans la pièce, l'air passablement exaspéré.

- Ben alors Césarinouchou ? Qu'est-ce qui va pas ? m'enquis-je avec un air moqueur tout en posant le carnet sur la table basse.

Il s'affala sur le canapé à mes côtés et grogna, sans répondre.

- Olala ça va pas toi ! Qu'est-ce qui t'es arrivé ? Allez raconte tout à ta Diane, fis-je en l'attirant à moi.

Il blottit sa tête contre mon épaule et soupira.

- C'est Jules, il en a rien à foutre de moi ! fit-il en explosant en sanglots bruyants.

- Ben mon pingouin, il en vaut pas le coup de se foutre de toi s'il te fait pleurer comme ça !

Il enfouit sa tête contre ma poitrine et renifla.

- Tu peux pas comprendre Dianou, toi t'as Joshua ! C'est l'homme de ta vie et il le sait ! Moi j'ai Jules, c'est l'homme de ma vie mais il le sait pas !

- Tu veux un conseil Césounarouchet ?

Il hocha la tête, renfonçant un peu plus sa tête dans ma poitrine. Je souris doucement en caressant ses cheveux tressés.

- T'auras deux conseils même mon Césaroubidou. Primo, tu devrais éviter ce mec autant que possible. Enfin, je veux dire, c'est cliché, mais la technique de l'élastique ça a toujours marché ! assurai-je.

- Cette légende urbain comme quoi deux personnes seraient liées par un élastique invisible ? Que plus tu t'en éloignes, plus il voudra te voir, comme un élastique que l'on tend trop ? demanda-t-il.

J'acquiesçais, contente qu'il est compris de lui même.

- Ce que je veux dire, c'est que fait en sorte que rien ne soit acquis à ses yeux. Fabule un peu, dis lui que tu fréquentes d'autres personnes, raconte lui que tu as passé une super soirée avec une fille par exemple, puis que ton après-midi avec tel mec était génial. Exagère les détails mais sans jamais vraiment le délaisser. Continue à rire avec lui, mais en te moquant un peu de lui. En te croyant inaccessible, il voudra forcément t'avoir !

César releva ces yeux vers moi, bloquant son menton sur ma poitrine.

- Tu crois vraiment ? s'enquit-il d'une toute petite voix.

- Bah bien sûr mon pingouin !

- Et le deuxième conseil ? plaida-t-il le regard brillant d'espoir.

Je soupirai.

- Tu devrais t'acheter des nouvelles lunettes, tu confonds mes seins avec un oreiller là !

Ma remarque lui arracha un petit rire et il regarda mes seins avec un air espiègle.

- C'est pas ma faute, ils sont si beaux, si confortables. Je suis jaloux de Joshua ! Moi, le seul homme que j'ai trouvé porte un nom qui ne va pas avec le mien et en plus, il s'en fout de moi.

J'éclatai de rire et ripostai d'une voix malicieuse.

- C'est vrai que t'aurais pu trouver mieux que Jules, César !

- Gnagnagna, grogna-t-il.

J'enserrai sa tête pour un énorme câlin et lui chuchotai doucement :

- Promets-moi que tu laisseras jamais personne te faire du mal.

- Promis.

GrosseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant