Chapitre 1

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8 octobre ~ Violette

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8 octobre ~ Violette

— Tu te rappelles ce qui s'est passé le 8 octobre 1994 ?

Affalée sur le canapé, je vois les images de la télévision défiler sans réellement les regarder. Depuis ce matin, je suis patraque. Mon ventre se tord dans tous les sens, mes seins sont durs comme du béton et un bouton disgracieux pointe sur le bout de mon nez. Comme tous les mois, mon horloge biologique s'amuse à me rappeler qu'encore une fois, je n'ai pas utilisé l'ovocyte qu'elle mettait à ma disposition pour procréer, et que je me rapproche chaque jour un peu plus de la ménopause. Je ne peux pas embêter Otis avec ça. Il a beau me comprendre comme personne, il va dire que je dramatise.

Et il n'a peut-être pas tort...

— T'as encore envie qu'on s'entraîne pour Qui veut gagner des millions ?

Je lève les yeux au ciel, dépitée qu'il ne se souvienne pas de ce jour merveilleux où nous avons scellé notre amitié. Nous avions quinze ans et déjà à l'époque, nous étions hors normes. Je dépassais le mètre quatre-vingt, si bien que mes camarades de classe ne se gênaient pas pour m'affubler de surnoms débiles et dégradants. Je me rappelle aussi du visage bouffé par l'acné d'Otis, alors qu'il commençait ses premiers entraînements de boxe. Dans la classe de seconde B, nous n'avions pas notre place. Nous étions trop différents pour nous fondre dans le moule. Alors, tout naturellement, nous nous sommes rapprochés. Au bout de quelques jours à peine, j'ai su qu'il serait mon ami le plus fidèle, celui qui m'épaulerait et me protégerait.

Comme un frère que je n'ai jamais eu.

Je lui montre la paume de ma main et soudain, il est pris d'une illumination.

— Oh.

Ses prunelles vertes pétillent à ce souvenir qui lui revient enfin.

— Déjà vingt-cinq ans ?

— Déjà, ouais.

Avec le temps, la cicatrice s'est estompée. On en oublierait qu'elle a existé un jour. Pourtant, en ce 8 octobre 1994, Otis et moi nous sommes retrouvés dans la forêt de Brocéliande, haut lieu de mythologie bretonne. Le voyage scolaire organisé en début d'année pour créer une cohésion de groupe nous avait donné des idées. Avec mon nouvel ami, nous avions décidé de faire le mur et de partir à l'aventure. Inconscients. Totalement inconscients. Nous avions parcouru plus de deux kilomètres à pied pour rejoindre la forêt. C'était un soir de pleine lune et comme nous étions friands de frissons et de sensations fortes, nous avons joué à nous faire peur. Au beau milieu de la nuit, au cœur des crissements de branches et des hululements des chouettes, nous nous sommes tailladés la main et avons mélangé notre sang. Quand j'y repense, je trouve ça ridicule.

Mais nous n'étions que des enfants...

Après ce pacte d'amitié, nous avons rédigé une longue lettre qui décrivait nos objectifs dans la vie, puis l'avons enterrée sous un vieux chêne. Malgré les années passées, je me souviens de son contenu par cœur.

La solitude des poissons rougesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant