Yellow
Je peaufine ma chevelure d'un léger coup de peigne, un dernier coup de mascara puis quitte enfin la salle de bain tout en fredonnant un air jovial. Salama est avachi sur le canapé du salon, son regard se fige sur moi dès mon entrée dans la pièce, ignorant totalement bob l'éponge qui se dandine sur l'écran de la télévision.
- Tu parlais avec qui hier ? M'interroge-t-elle d'une voix beaucoup trop calme. Je sais qu'elle se contient, je la connais par cœur. Ses yeux brûlent de curiosité. C'est à ce moment précis même que je réalise, elle ne me laissera pas quitter cet appartement sans qu'elle ne sache tous les détails. Je dis bien TOUS les détails.
- Ken.
- Ken, genre Ken de la troupe là ?
- Oui, Ken.
- Ken, le gars avec qui t'avais fugué je sais pas où pendant des heures ?
- Fugué ! T'exagères ! Je lève les yeux au ciel.
- Ken, le putain de beau gosse que si j'avais pas Karim j'aurais bien tenté ?
- Oui ! Oui ! Oui ! Ken ! J'en connais pas trente six mi-. Attend, quoi ???Salama explose en éclat de rire, tandis que je prend un air faussement hébété ?
- Enfin, à moins que tu me dises que c'est le tiens...
Elle déclare un regard lourd de sens, tandis qu'elle enfile une cuillère à soupe de chocopops dans la bouche.
- Non ! On est juste... Enfin, on se connaît quoi.
- Vous vous connaissez ? Reprend-t-elle perplexe. Yellow, dans les relations cette phrase ne veut rien dire. D'ailleurs comment t'as eu son numéro ? Questionne-t-elle soudain plus sérieuse.
- Je lui ai demandé.
- PARDON ???? J'ai l'impression que ses yeux vont sortir de leurs orbites. Mais c'est pas possible...
- Quoi ? M'énervais-je tout à coup. Je ne vois pas ce qui a de mal. J'aime bien lui parlé, puis c'est la première fois de ma vie que je le fais. Y a un début à tout !
- Ouais bébé, mais faut que t'apprennes à te faire désirer. Là il va croire que t'es à donf.
- Je suis à quoi ?
- A fond. Il va se dire c'est du tout cuit. Bon pour rattraper cette gourde, tu l'ignores jusqu'à ce que ce soit lui qui revienne vers toi.
- T'es quand même pas sérieuse ? C'est le seul gars avec lequel j'arrive à avoir un minimum de discussion autre que tous ces contrats ou ces chiffres d'affaires et tu me demandes de l'envoyer se faire bouler ?! Même pas en rêve Salam' !J'entre dans la cuisine en trombe, puis attrape une tasse de café. Je déprime en voyant l'heure affiché sur le four 6h56 du matin et me voilà déjà à bout de nerf. C'est le cas de le dire, ça va être une belle journée de merde... Salama me suis.
- C'est pas ce que j'ai dit Yellow. Je te dis juste qu'il faut que tu lui manques un peu. Comme ça s'il revient, ça prouve qu'il t'apprécie un minimum aussi. Parce que si c'est toujours toi qui fait le premier pas, c'est toi qui montre que tu tiens à lui et non l'inverse. Tu vois le truc ou pas ?
- Je tiens pas à lui.
- Si tu le dis, mais tu l'aimes bien.Je soupire, elle a raison. Je vous dit pas l'acide qui a traversé ma gorge, lorsque j'ai du ravalé ma fierté.
- Ok, je susurre à peine.
- Promis ?
- Oui, c'est bon.Salama, s'approche puis me prend dans ses bras. Elle sent la fraise.
- T'as un nouveau gel douche ? Chuchotais-je.
- Oui, c'est Ka' qui me l'a offert. Qu'est-ce t'en pense ?
- Il est mieux celui à la pêche.
- Je lui ai dit pareil.On se met à rire toute les deux. Qu'est-ce que je ferais sans elle ?
***
En ce début d'après-midi au tribunal, l'ambiance est à son comble. Une trentaine d'avocats se bousculent sur les marches de l'entrée principale. Des greffiers se pressent dans tous les sens, des salles d'audiences sont ouvertes au public fortement présent aujourd'hui. A cause de toute cette agitation, et du stresse qui coule à flot dans mes veines, j'ai failli trébucher deux fois dans ma toge. Or on connaît le proverbe, '' jamais deux, sans trois ''. Alors au bout du couloir, tandis que j'ai la tête noyé sur un dossier plus épais que l'encyclopédie, je percute de plein fouet quelque chose qui me fait partir à la renverse. Des centaines de feuilles s'éparpillent sur le sol, dans un désordre chaotique. La panique s'empare de moi, je dois plaider dans à peine trente minutes !
- Bon sang ! Vous ne pouvez pas regardez où vous allez ?! Je râle sans gêne.
- C'est plutôt à moi de vous posez la question, rétorque une douce voix masculine à l'accent anglophone.Intriguée, je lève automatiquement la tête pour tomber nez à nez avec deux prunelles vertes. Un jeune homme d'une trentaine d'année à la carrure plutôt bien bâti me scrute, un timide sourire incrusté sur ces lèvres.
- On ramasse ? Questionne - t - il, toujours d'un air amusé.
- On a pas vraiment le choix, je répond d'un ton sarcastique.Ma réplique, lui décoche un large sourire. Il est magnifique... Je secoue la tête pour mettre de côté cette pensée, je n'ai pas le temps pour ça. Tandis que je me presse à fourrer tous cette paperasse dans mon chemisier, je le sens qui m'observe par moment.
- Tenez, dit-il tandis qu'il me tend un paquet.
- Merci, je murmure presque.Il faut que je mette fin à cette situation extrêmement malaisante. Je me relève alors, il fait de même en rajustant son parfait tailleur. Outre sa beauté, ce qui me met dans une gêne immense c'est ce sourire persistant. J'ai quelque chose sur le front ou quoi ?
- Pourquoi est-ce que vous souriez ? Ca m'échappe, mais je ne regrette pas pour autant. Mieux vaut que je sache, je ne peux pas prendre le risque de me présenter mal en point devant les magistrats.
Il se met à rire.
- Parce que nous sommes à Paris, que vous êtes belle, et que le hasard fait bien les choses. Vous ne trouvez pas ?
Les mots bloquent dans ma bouche. Mon cœur est transpercé par une vague de sentiment, surtout lorsque je perçois par la vitrine de ses pupilles que cet inconnu scintille de bonne foi. Il n'est pas en train de blaguer, il est sincère.
- Je m'appelle Jonh McGame, il m'annonce tout en me présentant sa main. Je la serre alors, abasourdi, les joues en feu, les mains tremblantes un peu.
- Yellow. Yellow Stones.
- Yellow, ça vous va bien. Que diriez-vous de prendre un café ? Ses prunelles émeraudes ne quittent pas les miennes.
- Je-je ne pourrais pas, j'ai des audiences toute l'après-midi, je suis désolé, annonçais-je avec une certaine forme de regret.
- Ce n'est rien, on reporte. Vous êtes chez quel cabinet ?
- Celui de Maître Viguer, dans le seizième arrondissement.
- J'ai mon propre cabinet avec mon père dans le huitième, celui de Maître Charles McGames. Je vous enverrai un email, si vous me le permettez. D'ailleurs, je peux vous tutoyer ? Son accent anglais est à craquer, je résiste à peine.
- Il n'y a aucun soucis Jonh, je lui souris alors pour la première fois depuis le début.
- Parfait ! Alors bonne chance pour ta plaidoirie tu vas tout déchirer ! S'exclame-y-Il soudain.
- Merci, dis-je toujours embarrassée.Je ne me fait pas prier, puis lui tourne le dos pour courir aussi vite que je le peux vers ma salle d'audience. Toujours la tête dans les étoiles, c'est lui qui trotte dans ma tête maintenant. Jonh McGames...
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Au-dessus des étoiles
RomanceDebout au milieu de la pièce, Yellow doit prendre la plus grande décision de sa vie. Le genre de décision qui chamboule tout. Rares sont ceux qui y sont confrontés. Pourtant ça arrive et Yellow a du mal. Rester sur la chaise, ou s'élance dans le vid...