XI.

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Point de vue de Melione :

Tomber depuis le Paradis ça paraît durer une éternité surtout lorsque l'on a des guerriers célestes aux trousses. Sans ailes, je ne peux que freiner ma chute grâce aux ombres mais cela me rend vulnérable aux attaques des anges armés qui me suivent de près. J'attends patiemment d'atterrir sur le sol terrestre alors qu'un clairon résonne et fait disparaître les troupes qui me suivaient. Lorsque j'arrive sur Terre, je protège mon corps des éventuels dommages physiques en me couvrant de fumée épaisse mais ça ne m'empêche pas de faire un trou énorme en tombant.

Fort heureusement, autour de moi c'est le désert, et au sens propre du terme. Des dunes de sables rouges m'entourent et le soleil tape sur ma peau clair. J'essaie de me situer, le Sahara peut-être ou celui de Gobi. Ce n'est pas comme si une dizaine de milliers de kilomètres sépare l'Afrique et l'Asie.

Je n'en reviens pas que quelqu'un ait eu le culot de nous dénoncer Asaliah et moi, comme si nous faisons quelque chose de mal. Nous ne sommes qu'amies que je sache, on a pas prévu de renverser le Parlement démoniaque ou angélique ! Le pire dans tous ça, c'est qu'il y a des tas de personnes comme nous qui se cachent pour vivre leur amitié ou leur amour car nos coutumes sont archaïques et sans fondements. Mais non, il a fallu que la dénonciation porte sur l'ange et moi ! Je dois être maudite il n'y a pas d'autres explications.

Au dessus de moi le ciel prend une teinte grise menaçante, sans doute Michel qui pète un boulon. J'espère qu'il ne va pas trop faire monter le vent parce que je ne veux pas avoir à affronter une tempête de sable. Déjà que j'ai des anges aux trousses alors autant limiter les dégâts. Une tempête oui, mais de sable non. Après on ne voit plus rien et c'est assez handicapant. Je crois même que je préférerait affronter une légion à cet instant. Enfin, je ne peux décemment pas combattre dans une tenue aussi ridicule que la toile de jute que je porte. Je suis une démone, pas un lépreux.

Être un démon c'est cinquante pour cent de paraître, quarante pour cent de combat, et dix pour cent de défauts. Je ne mens pas, je ne pille pas, je ne suis pas lâche, je n'attaque pas en traître mais je suis froide, distante, avec un coeur de pierre pour accompagner le tout. Mon attirail et mes tenues permettent de me faire passer pour quelqu'un de plus dangereux alors que parfois je suis aussi innofensive qu'un agneau. Il faut juste éviter de me marcher sur les pieds parce que sinon, je deviens aussi teigneuse qu'une hyène. Et en ce moment, j'aurai bien envie de dévorer une bestiole à plumes et à bouclettes.

Michel, l'archange qui a terrassé la Bête pour la renvoyer dans sa cage. Ce n'était surtout qu'une petite dispute entre frères ! Je ne sais pas pourquoi on vante les mérites de l'archange alors qu'il est facile de battre un homme déjà à terre. Lucifer à souffert de son bannissement, c'était simple de le surpasser.

Enfin, il n'empêche que je suis coincée au beau milieu d'un désert. Je ne peux pas retourner en Enfer et les Cieux ne vont pas m'ouvrir leurs portes. Je suis comme qui dirait, dans la merde. D'autant plus lorsqu'une odeur nauséabonde me chatouille les narines et que je reconnais la puanteur d'une goule en approche. Ces satanés bestioles sont classés comme des djinns mais je préfère nettement les vrais génies maléfiques. Les goules ne sont que des monstres assoiffés de chaires, avec un manque d'intelligence flagrant en plus.

- Un démon dans ces contrées ? Tu t'es perdu ma belle ?

La créature rampe dans le sable brûlant tout autour de moi, un liquide noirâtre s'échappant des pores de sa peau en décomposition. Je dois m'efforcer de retenir un haut le coeur, sinon je vais vomir mes tripes sur cette chose.

- Ne m'adresse pas la parole, stupide créature. Mes affaires ne regardent que moi.

Le rire du démon est entrecoupé d'une respiration saccadée et de relents gastriques semblables à de la bile. Ces monstres incarne à eux seuls la définition du mot horreur tant ils sont dégoûtants et abjects.

- La trompette sonne, les anges sont en alerte. Est-ce une nouvelle guerre qui s'annonce ? Peut-être devrais tu rentrer en Enfer, ton seigneur à besoin de ses guerriers.

- De quoi parles-tu, goule ?

- Tu n'entends pas la mélodie ? Le clairon de la guerre retentit, comme lors de la Grande Guerre qui a opposé anges et démons. L'instrument sonnera à nouveau lors de l'Apocalyspe, c'est ce qui est écrit.

Anges et démons se sont déjà battu sur Terre tant de fois qu'une nouvelle guerre réduira à néant toutes vies sur la planète. Les Hommes ne sont pas prêts à encaisser les combats sanglants de légions angéliques et diaboliques. Un nouveau conflit éveillera les Cavaliers, il faut éviter ça. Si nous devons nous battre, autant que ce soit pour une bonne raison et non pour une simple histoire d'amitié. Je ne vais pas avoir d'autres choix que d'annoncer ma version des faits. Et si je peux mener les troupes au Paradis pour profiter du combat afin de récupérer Asaliah, je le ferai.

- Merci.

Je disparais dans un nuage de fumée, direction les Enfers, ou du moins mes quartiers pour commencer.

Dans les couloirs c'est l'effervescence et je profite de cet instant pour passer en douce vers la salle du Trône après avoir enfiler ma sempiternelle combinaison de cuir et mes couteaux. Belial est assis tranquillement sur son trône et me fixe d'un air perplexe. Je viens, en effet, de me condamner toute seule.

- C'est vrai, Seigneur, je suis amie avec un ange. Mais après avoir enduré les sévices de Michel j'ai compris que cette amitié n'était rien d'autre qu'une erreur. Je veux combattre à vos côtés au Paradis afin de montrer la supériorité des démons face à cette bande d'emplumés.

- Les anges te traquent déjà, Melione. Est-tu revenu simplement pour bénéficier de ma protection ?

- Loin de là, Seigneur. Je veux vous prouver que cette ange ne représente rien pour moi. Je la tuerai de mes propres mains.

Belial sourit, visiblement satisfait de ma réponse. Intérieurement je soupire, le prince est tombé dans le panneau.

Pulvis Et Umbra Sumas. Où les histoires vivent. Découvrez maintenant