Point de vue de Melione :
Le clairon diabolique sonnant une mélodie plus funeste que l'angélique résonne dans tout l'Enfer. Les troupes se préparent au déferlement sur le Paradis. Notre forgeron renforce les armes et les aiguise tandis que les soldats revêtent les armures en acier noirci. C'est une cohue sans nom, l'excitation est à son comble, les démons ont visiblement hâte d'aller se faire massacrer. Je ne suis pas idiote moi, je sais qu'on l'a perdu d'avance la guerre. Les anges ont des armes et des pouvoirs que nous ne pouvons contrer. Mais moi je ne pars pas pour combattre, enfin si un peu, mais j'y vais surtout pour récupérer Asaliah. Le Paradis n'est pas tendre avec ses propres anges.
- Melione, ton armure.
Le forgeron démoniaque me tend mon attirail plus costaud mais aussi plus lourd que ma combinaison habituelle. Mais moi je suis une force de la Mort, j'attaque avec rapidité et je me déplace telle une ombre. Alors il est hors de question que je m'encombre avec une armure.
- Quand tu auras trouvé le moyen de la rendre aussi légère que ma combinaison je la mettrait mais pour l'instant je n'en veux pas.
- Prends au moins ces dagues alors, je les ai affûtées exprès pour toi.
Altaïr me tend une paire de dagues à la garde sombre et à la lame rayée de noire. J'attrape l'une d'elle afin de la faire glisser sur la langue. Le picotement et le goût de fer qui suit prouve que le poignard est suffisamment aiguisé pour un combat.
- Fait attention à toi, Melione.
J'ai travaillé à ses côtés durant quelques années avant que mes techniques de combat ne soient remarqués. Il m'a appris à forger et à manier les armes de n'importe quel type. Puis j'ai été élevé au rang de soldat du Trône pour servir Belial. J'étais si fière à cette époque qu'aujourd'hui je me demande comment je suis devenue une traquée. Durant longtemps j'ai servi mon seigneur sans broncher, j'ai combattu dans ses armées et désormais ma tête est mise à prix juste pour une histoire d'amitié. Les Enfers ne tournent pas rond.
Altaïr s'approche de moi pour me prendre dans ses bras mais je recule vivement. De nos jours on ne peut plus faire confiance alors je ne peux risquer un coup de poignard dans le dos. Le forgeron ne sert aucun seigneur en particulier, il fait des armes pour tous le monde mais il reste néanmoins loyal envers les dirigeants des Enfers. Il est suffisamment aveuglé par eux pour me jeter en pâture aux loups.
- Je dois aller chercher les chiens.
C'est sur ces mots que je laisse Altaïr en plan malgré mon irrépressible envie de lui faire mes adieux. Il a été mon mentor pendant des lustres, ce n'est pas quelque chose qui s'oublie du jour au lendemain malgré la traîtrise qui gangrène nos rangs. Peut-être que ce seront les derniers mots que je lui dirai mais au moins nous nous ne quittons pas en mauvais termes.
Je rejoins les cages afin d'en faire sortir les chiens des Enfers. Ce sont de grosses bestioles voraces et agressives, en majorité composées de fumées et d'ombres. Mais un coup bien placé les fait redevenir poussières en un instant. Ils ne survivent pas bien longtemps mais ce sont des bons éléments pour une attaque surprise. Même si le clairon qui résonne ne laisse plus planer l'effet de surprise.
Ça y est, tout est prêt. L'armée à laquelle j'appartiens sera sur la première ligne. Alors nous nous réunissons afin d'attendre le portail créé par Azazel. Seul un ange ou un ange déchu peut nous offrir l'opportunité d'entrer au Paradis. Et fort heureusement, nous avons une horde d'anges déchus en Enfer.
Les troupes avancent doucement en scandant dura lex, sed lex, la loi est dure mais c'est la loi, un précepte si cher aux coeurs de dirigeants qu'on se retrouve à faire la guerre contre le Paradis.
En un instant, on se retrouve devant les grilles du Paradis qui sont déjà affaissée. Les premières troupes ont servit de chaire à canon afin de faire rentrer Azazel puis nous. Désormais, nous avançons, déterminés, entre les décombres des statues effondrés et les corps de nos congénères morts au combat.
Des soldats anges se dirigent vers nous en volant. Leurs lames angéliques brûlent la peaux des soldats de mon armée mais j'avance sans prêter attention au massacre qu'il se passe derrière. De toute façon, ils étaient condamnés à mourir à la minute même où ils ont rejoint les troupes. Mes pas se font rapides et discrets, j'avance mètre par mètre en plongeant mes lames dans les entrailles des anges que je croise. Des autres démons me suivent ainsi que des chiens des Enfers qui se jettent toute gueule ouverte sur les bestioles à plumes. Des grâces angéliques flottent dans l'air, s'ils ne retrouvent pas de corps, leurs âmes seront définitivement perdues. J'étripe des soldats sans me soucier de leur classe, ange ou démon, n'importe qui passe sous mes poignards s'ils me freinent dans ma course vers Asaliah. D'ici je vois la chevelure blonde qui vole au grès des courants d'airs aux côtés d'un ange plus grand et surtout tout près d'Azazel. Le pire, c'est que Belial arrive aussi donc j'ai peu de temps pour agir.
- Melione !
La voix fluette d'Asaliah me fait stopper net. Désormais, je n'ai plus l'effet de surprise. Moi qui pensais attaquer Azazel par derrière, je vais devoir trouver un autre plan. J'aimerai qu'un jour elle arrête de parler plus vite que son cerveau !
- Melione, Belial m'avait prévenu que tu allais abattre toi-même cette poulette.
Je ne regarde pas l'ange déchu pour que mes yeux ne trahissent pas mes pensées. Mais devant moi le visage d'Asaliah se tord d'incompréhension en entendant les paroles d'Azazel. Je m'efforce de garder mon masque de dureté et fixe l'ange avec un air mauvais.
- Tout à fait, je vous laisse la traîner dans nos geôles et je me ferai ensuite le plaisir d'arracher ses ailes avant de l'éventrer comme un porc.
Ma voix est froide sans une once de douceur. Je fais exprès de paraître monstrueuse et sadique mais au fond de moi la tristesse qui se lit dans les iris bleutés d'Asaliah me tord les entrailles. Elle ne semble pas comprendre que je joue un rôle. Elle ne comprend jamais rien de toute façon !
Azazel s'approche de la petite ange de manière menaçante. Gabriel son frère n'ose pas intervenir de peur d'envenimer les choses. Mais j'attends le moment propice où les doigts de l'ange déchu vont entourés le poignet d'Asaliah pour pouvoir faire ça.
Le cri de l'ange déchu est guttural alors qu'il défait ma lame plantée dans sa cuisse. Je lui fais un signe de la main, volontairement provocatrice avant d'attraper Asaliah par l'épaule pour courir. Nous progressons en zigzag pendant que j'égorge les démons qui se mettent au travers de notre route. C'est tellement la cohue que l'armée n'a pas encore remarquée ma tentative de fuite mais ça ne serait tarder. Mais mes pieds s'arrêtent net alors que l'épaisse silhouette de Belial se dessine entre les cadavres. Il me fixe de ses yeux écarlates avant d'éclater de rire.
- Tu pensais sérieusement que je te faisais confiance, Melione ?
Par instinct de protection je me place devant Asaliah, ma dague dirigée vers mon seigneur. Il secoue lentement sa tête de droite à gauche avant que son ombre commence à faire sa route jusqu'à moi. Je m'efforce de rester calme mais avec un Prince en face de moi, c'est compliqué. Dans un dernier espoir de victoire, je laisse s'échapper un nuage noir qui se dirige instinctivement vers la menace. Mon ombre s'enroulent autour de celle de Belial mais elle se fait dévorer toute crue. Je soupire et dans un dernier élan de courage je glisse sur le sol avant de planter ma dague pile entre les jambes du démon tandis que je me relève derrière lui.
- Navrée, Seigneur.
Je ris bêtement avant de reprendre ma course effrénée avec une Asaliah collé à mes bottes. La petite ange sort ses ailes et nous plongeons tête la première à travers les portes du Paradis.
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Pulvis Et Umbra Sumas.
Siêu nhiênNous ne sommes que poussières et ombres. Asaliah vit dans la blancheur la plus pure au sein du Paradis. C'est une ange juste et généreuse qui ne vit que pour aider son prochain. Melione vit dans la noirceur la plus intense au sein des Enfers. C'est...