Oo Panique 0O

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Les nuages glissaient avec une étonnante facilité.
Un homme était assis sur un banc où j'avais passé tellement d'heures à regarder le ciel qu'il m'était devenu familier.

Le spectacle était assez déroutant. Cet homme m'était inconnu.
Il n'y avait pas de douleur dans son regard ; non, plutôt une sorte de regret empli de nostalgie.

Il se retourna et ses yeux vifs croisèrent les miens. Je reculai, surpris.
À partir de ce moment là, je sus. J'avais compris. J'avais compris qu'on pouvait lire la douleur de tout un homme rien qu'en fixant son regard. C'était assez effrayant la première fois. J'avais l'impression d'avoir transgressé une limite qu'imposait jusqu'alors la règle de la vie privée, mais j'étais impuissant et je n'y pouvais rien.

Depuis, tout s'était enchaîné vite. Il me suffisait de croiser un regard pour déceler les tourments qui hantaient son propriétaire. Si celui ci était paisible et heureux, je ne voyais rien de plus que des yeux bleus rieurs, verts lunatiques ou marron pensifs. Mais s'il était animé de colère, en revanche...

Un jour, cela changea. J'étais à bout de force et je n'avais pas trouvé le sommeil de toute la nuit, autant dire que la fatigue se faisait sérieusement ressentir.
Je levai les yeux. En face, ce que je vis m'horrifia. C'était un jeune homme assez pâle aux cernes marqué. Et son regard... son regard était indescriptible. Il ne reflétait rien, même pour moi, pourtant affublé de cette capacité à analyser les yeux des autres.

Je ne sais combien de temps il me fallut pour comprendre qu'il s'agissait de moi. De mon reflet, plus précisément. Cela me fit un choc.
Ainsi, quand on me croisait, c'était ce qu'on voyait de moi. Un type d'une blancheur inquiétante, au regard sombre et vide.

J'étais maudit.
Que dire d'autre quand on connaît mieux les sentiments des autres que ceux qui nous sont propres?

Tout et rienOù les histoires vivent. Découvrez maintenant