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C'est en me réveillant que j'ai compris. La nuit d'hier ne c'est pas rembobinée devant mes yeux à peine ouverts. Je ne m'en rappelle toujours pas, je crois que c'est une sorte de troue noir, je ne me souviendrais jamais de cette nuit. Et ça m'agace. Ouais, je suis agacé, par énormément de choses actuellement. Moi, la nuit d'hier qui m'a entraîné dans ce lit, ma mère et ses regards inquiets, et pour finir ce foutu médecin.

Ça fait 12h que je suis dans ce lit d'hôpital recouvert de draps bleu et blanc, 2h que j'ai du supporter les regards de pitié de ma mère, 1h que j'ai entendu les paroles acides et sans saveurs du médecin. Et là j'attends qu'une idiote d'infirmière vienne me donner un plat spécial «anorexique». Car oui révélation je suis anorexique, ce qui est faux. Je suis loin de l'être, au contraire je suis grosse.

Ce que j'ai compris des mensonges de cet idiot de médecin, est que mon poids est trop inférieur à la moyenne de ma taille. Donc mon malaise d'hier soir serait le résultat de mes semaines sans nutrition. Et toujours dans la joie, il a continué en fixant ma mère pour lui faire peur et la baratiner plus facilement de ses mensonges.

Selon sa sérieuse et totale analyse, je serais déshydratée, mon rythme cardiaque ralentirait. Et bien évidement, ceux seraient les exacts symptômes d'une anorexie assez poussé. Par conséquent, me voici à l'hôpital dans un lit attendant -sans grande impatience, si on ne l'a pas deviné- le repas du midi, une hospitalisation de 3 mois minimum d'après l'abruti. Il a aussi dit à ma mère bien évidemment, car je suis incapable de prendre soin de moi même, que le remède sera bien sûr la nourriture, la rencontre 2 fois par semaine pour commencer avec un psy, et si il le faut une séparation avec les proches. 

Pour l'instant juste la famille peut venir me voir, à vrai dire c'est à ce moment là que j'ai failli me prononcer. Même si ça faisait une demi heure que je n'existais plus dans la discussion, quand il a annoncé les visites j'ai tout de suite voulu faire un commentaire. Après tout ma mère n'est pas au courant que j'ai perdu tout ce qui ressemblait à un ami depuis 1 ans. Et pour ce qui est de la famille ce n'est pas avec une soeur en Angleterre qui me déteste et une mère égotique, dépressive et un père dans une tombe, que je peux réellement être ravi de ces visites. Pourtant quand j'ai ouvert la bouche, prête, préparée pour mon sarcasme j'ai vu le regard de ma mère sur le médecin. 

Je coupe vos espoirs il n'était ni désespéré, ni embué de larmes. Au non, se serait mal connaitre ma mère. Son regard était lascif, son attention était tourné vers ce putain de médecin qui venait d'enfermer sa fille dans un hôpital de malade mental. C'est à cet instant, que j'ai eu honte, si honte, je le jure, je voulais qu'elle parte, qu'ils partent tous. Au moment de partir elle ne s'est pas retournée, elle ne se retourne jamais de toute façon.

De légers toquement à la porte me réveille, et laisse apparaître le visage d'une jeune infirmière avec un sourire professionnel au visage.

- « Bonjour. » accentué par un ton hypocrite à me faire grincer des dents.

Son chariot à roulettes vient jusqu'à moi, je me redresse lentement et laisse ce bout de femme poser le plateau sur mon lit.

- « Bonne appétit. » Elle ajoute en me fixant comme si j'avais perdu ma famille entière dans une explosion nucléaire.

Son air d'enfant niais, car c'est l'étage des anorexiques, m'agace profondément. Comme ce foutu repas que je n'ose pas regarder car je parie qu'il a été fait spécialement et affectueusement pour mon « cas ».

- « Je pourrais sortir quand ? » Je réponds lassée en maintenant mon regard sur la porte de la chambre.

- « Je n'en sais rien mademoiselle. Je ne suis pas votre médecin traitant. »

- « Je veux dire de mon lit, quand est ce que je pourrais aller ailleurs ? » J'ajoute rapidement la laissant à peine finir. « Vous savez dehors, dans le jardin ? »

- « Oh.. je ne sais pas vraiment. » Elle détourne le regard tout en relevant sa main pour se gratter derrière la nuque. « Je venais juste vous servir votre plat. » Se prononce-t-elle de sa petite voix qui m'irrite de plus en plus.

- « Donc vous savez rien en faite ? » J'attaque en affermissant mes yeux dans les siens.

- « Vous pourriez peut-être demander à votre médecin attitré. Il a du vous accueillir plus tôt. »

Ha. Accueillir.

- « Ouais, d'accord, merci. » Je veux juste que tu disparaisses, maintenant, avec ton plat, ton chariot, ton tons niais et ton sourire hypocrite. Ne le dis pas.

- « Je dois vous informer que je dois assister à votre repas. » Elle ajoute en déployant un nouveau sourire.

- « Je suis obligée de manger devant vous ? » Merde c'est de pire en pire, je savais que j'allais devoir manger mais là je vais devoir tout manger, quelqu'un va devoir me voir manger. J'ai envie de crier si fort, mon dieu. Elle va voir que je mange trop, comme un porc, que je me goinfre. C'est horrible je suis immonde.

Elle ne me répond pas mais pousse seulement le plateau plus proche de moi. Je vais pas y échapper. Je vais devoir manger.

Après une demi heure, il ne reste plus rien sur le plateau et j'ai l'impression que je vais exploser. Que mon corps va triplet de volume en 1 seconde. Mais quand je relève mes yeux trempés vers elle, elle me tourne déjà le dos et repose le plateau sur le chariot. La porte se refermant derrière elle.

AnorexiqueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant