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J'ai réussi à sortir, du moins de ma chambre. Le médecin m'a fait toute une leçon morale pour ma santé faible, pour mon corps faible et enfin mon esprit faible. Ils continuent à me donner ces foutus repas écœurants, sérieusement si c'est pour me gaver comme une oie tant me donner quelque chose qui aurait l'air appétissant. J'en suis venue à même préférer la cuisine de tante Marie, qui on peut deviner était horrible, elle avait l'habitude de venir au anniversaire accompagnée de sa fameuse tourte aux fruits et légumes dont elle choisissait toujours les ingrédients au hasard.

En compagnie de ces succulents repas, on me fait passer des séances de psy. Le psy s'appelle Marc. Oui c'est ce qu'il m'a dit avec un accent tout particulier au « c », comme un arrêt exprès . Je parie que c'est un simple diminutif, et que je trouverai son nom complet avant de partir de ce foutu Hopital. Et j'ai peut être pris cette mission un petit peu trop à cœur, mais il faut pas m'en vouloir il n'a rien à faire dans cet hôpital d'enfer.

Mais le pire, je pense est le fait que je prends du poids. Je le vois, je le sens. Mon corps se difforme, je deviens grosse. Du moins plus que je ne l'étais déjà. Je ne peux rien faire, j'ai déjà essayé de me faire vomir il y'a 3 jours, mais bien sûr une infirmière est rentrée pile pendant que je le faisait, ce qui finalement n'a été conclu que par une grosse embrouille par le foutu satan -médecin- . Sérieusement je ne sais pas quoi faire, comment je vais pouvoir me sortir de cette situation, je suis surveillée à tous mes repas et je ne peux même pas faire du sport.

Alors me voilà sur un vieux banc marron foncé, que j'exploite depuis une heure, au milieu d'un faux jardin d'hôpital à attendre que la foutue Sophie -vieille infirmière qui me suit tout le temps et qui crie énormément- vienne me chercher en criant que « je suis une idiote de sortir sans veste avec ma pauvre santé ». Car c'est devenu officiel, on ne me définit que par pauvre ou faible. Je ne suis plus rien et je ne peux plus rien faire toute seule car je me mets très facilement en danger. Bien évidemment.

A vrai dire je n'attends que ça être malade, tellement qu'on devrait me mettre sous médicaments, que ça me fasse dormir énormément. Que je me souvienne ni de l'heure, ni du jour et ni même de l'année. Que je devienne folle, perdue, heureuse. Que le temps passe vite, à vitesse lumière. Que mes problèmes s'évanouissent en me droguant de médicaments, que ça devienne grave, et que le seul remède serait de me tuer.

Ouais, j'aimerais être malade comme dans les livres. Mais voilà, je vois déjà Sophie avec ses chaussures blanches en cuir, son legging rose, sa tunique fuchsia, et sa jolie couleur de cheveux jaune acre venir vers moi. Je vois déjà son visage rouge colère, son pas rapide, ses bras se balançant sur ses côtes.

Et je me pose la question, mieux, je me partage entre deux choix :
Choix numéro 1 : l'attendre et repartir avec elle vers ma chambre pour m'ennuyer jusqu'à l'apport du repas du soir.
Choix numéro 2 : partir en courant, être libre pendant quelques heures mais au retour me faire engueuler par satan si fort je ne sortirais plus de ma chambre avant longtemps.

Je me relève du banc, j'hésite, j'avance d'un pas dans sa direction. Sophie se rapproche, j'attends déjà sa voix rocailleuse de fumeuse, son air réprobateur, je recule d'un pas, je sens l'air dans mon dos me pousser vers l'avant, mes cheveux s'envolent devant mes yeux.

Je cours.

AnorexiqueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant