There were four of us

Le début de la fin

Cette fois, j'étais cuit. Le soleil m'avait trop tapé sur la tête. Ou alors, la bouteille de Cris ne contenait pas que de l'eau. Et en même temps, le regard soutenu de Charity et la tension qui émanait de Mercedes et Lachlan m'amenaient à penser que je n'hallucinais pas complètement. Ce qui me bouscula brutalement et je bondis sur mes pieds. J'ouvris la bouche mais aucun mot ne passa. Lucas se leva et plaça fermement ses mains sur mes épaules pour me faire asseoir à nouveau. Charity secoua doucement ses mains et l'eau retourna en ruisselant à la mer. Lachlan m'adressa un sourire.

-J'y croyais pas non plus, au début. 

Charity me scrutait de ses grands yeux.

-Je ne veux pas que tu flippes, mais il faut qu'on parle.

-Qu'on parle de quoi ? C'est quoi cette histoire ? Et puis t'es qui exactement ?

Elle leva les mains.

-Je ne te veux aucun mal...

-C'est bien une réponse de méchant dans un film !

Mon ton était acerbe. Une peur panique transperçait mon cerveau de part en part, m'interdisant toute forme de réflexion. Une lueur étrange passa dans ses yeux.
Exaspérée.
Elle n'avait aucune envie d'être là à me parler. Lucas prit la parole.
-On comprend que tu n'aies pas envie d'entendre quoi que ce soit maintenant. Je te laisse ce numéro, si tu sens que tu en as besoin, appelle. On répondra à n'importe quelle heure.
Lachlan et Charity se levèrent d'un commun ensemble. Mercedes les imita et Lucas me tendit une main amicale. Je la saisit avec méfiance. Il se releva, et s'en fut avec les trois autres. Ils remontèrent dans la voiture et s'en furent en quelques minutes.

Et pendant une semaine, j'ai cru qu'ils ne réapparaîtraient jamais dans ma vie. Que j'étais tranquille. Je me suis concentré sur ce fichu bal de promo. Sur Cris, qui était intenable. Sur les cours, qui avaient le malheur de n'être pas terminés. Et sur la musique. 

Et puis il y eut ce soir. J'étais épuisé, sans vraiment savoir pourquoi. J'avais laissé Cris avec ses copines sur la plage, j'avais même renoncé à faire rentrer ma soeur avec moi. La lune éclairait parfaitement la route, mes phares aussi et je n'avais rien bu. L'autre voiture est arrivé à toute vitesse de lin derrière moi et s'est rabattu devant mon capot, me forçant à quitter la route. J'eus juste le temps de reconnaître le range rover kaki avant que ma propre voiture ne roule sur elle-même. Par dessus le garde fou, droit dans le ravin.

Quand je rouvris les yeux, je ne voyais plus rien. Je compris rapidement que la voiture s'était éteinte, et que les airbags me bloquaient de toute source de lumière extérieure. Je secouais rapidement mes membres endoloris et fut surpris de ne rien avoir de cassé. A part une tension dans le ventre - le stress - et une nuque un peu endolorie, je ne ressentais aucune douleur. Je détachais ma ceinture avec précautions et bénis mes parents d'avoir restreint mon budget voiture et donc de m'avoir imposé des fenêtres manuelles. Je tournais la manivelle pour faire descendre la vitre (qui n'était même pas coincée) et respirais avec avidité l'air frais qui s'engouffra dans l'habitacle. 

Puis j'entendis leurs voix.

-Je t'avais dit qu'il suffisait de le pousser un peu.

-Tu es complètement inconscient ! Charity, enfin !

La voix lasse de Charity fit taire Lachlan et Lukas.

-Le principal, c'est qu'on soit fixé et que lui aussi. Il doit être terrifié. Matt ?

Je ne sais toujours pas pourquoi je n'ai pas prétendu être mort.

-Charity ?

-Tu remontes ?

-Comment tu veux que je remonte ?!

Un silence suivit mon éclat de colère. 

-Regardes par ta fenêtre.

Au début, je ne vis rien. Rien que le bord rocheux de la falaise, à un bras tendu de moi. Puis, je levais les yeux et m'aperçus que de grosses cordes avaient été lancées pour retenir la voiture. Et en regardant mieux, je compris que ce n'étaient pas des cordes, mais des racines des grands pins californiens qui s'étaient extraites du sol pour s'enrouler autour de la carrosserie. Et juste en les regardant, je réalisais que la tension qui les faisait tenir venait directement de mon estomac.