Le vrai commencement

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Mes mains adhéraient parfaitement à la paroi de pierre sèche. La pâle lumière qui me parvenait des lampadaires suffisait amplement à ma vision et chaque aspérité m'apparaissait aussi clairement qu'en plein jour. Je m'étais lancé dans l'escalade sur les encouragements de Charity et Lachlan, et sous les commentaires prudents de Lukas. La paume de mes mains et la pointe de mes pieds nus collaient à la falaise et me permettaient de me hisser progressivement.

-Tu n'as pas besoin de prendre autant de temps, tu sais!

-Lachlan, rentre dans la voiture !

Je n'étais pas mécontent que le bellâtre se fasse remettre à sa place par Lukas. Il ne dut pas obtempérer de suite car Charity insista.

-Va dans la voiture, on y est presque. 

Quand la portière eut claqué, j'accélérais. En quelques secondes, sans aucune gêne si ce n'est le frottement de l'air, j'atteignis le rebord et me hissais sur le bord de la route. Mercedes, appuyée contre le gros Range rover kaki, me regardait fixement, et par dessus son épaule j'aperçus à travers la vitre la silhouette de Lachlan.Charity me regardait, une sorte d'appréhension dans les yeux. 

Elle avait raison d'avoir peur.

-ça vous arrive souvent de pousser les gens dans un ravin ?

Lukas lança un regard vers la voiture, vers Lachlan.

-C'était pas une idée collective, si ça peut te rassurer.

A travers l'énervement de sa voix un vague accent européen refit surface. La vitre de la fenêtre se baissa et Lachlan intervint.

-En attendant,  mon idée a fonctionné. L'homme araignée s'est réveillé !

Charity retint un sourire avec difficulté. Lachlan lui renvoya un regard plein de chaleur et une jalousie étrange naquit dans mon esprit. 

-Je te propose quelque chose, reprit Lukas. Ta voiture est au fond du ravin. Tu te laisses porter disparu pendant...une semaine. Cinq jours. Après ça, tu décides. On te fournies un alibi en béton, tu as erré à la suite d'un trauma crânien sans souvenirs avant de tomber sur un gentil anonyme qui te conduit à l'hôpital où on s'est bien occupé de toi. Ou alors, tu restes avec nous.

-Pourquoi est-ce que de base j'accepterai de venir avec vous ?

Lukas laissa Charity répondre.

-Parce que c'est à cause de moi que tu arrives à jouer le super héros le long d'une falaise.

Dans un film ou une série, l'épisode se serait arrêté à cette réplique et on aurait ensuite eu droit à un saut dans le temps où le héros aurait bien évidemment accepté la proposition du groupe étrange qui va devenir ses amis. Sauf que là, je n'avais qu'une seule envie : rentrer chez moi. J'étais épuisé, et seul mon lit me paraissait une condition nécessaire à ma survie. Grimper à main nue le long d'une falaise ? ça pouvait attendre que je me sois reposé. Alors j'ai hoché la tête.

-D'accord.

Mercedes se redressa et ouvrit la portière. D'un geste du menton, elle indiqua à Lachlan de dégager de la place conducteur. Il s'installa sur la place passager tandis qu'elle prenait le volant. Je me retrouvais coincé entre Charity et Lukas. Celui-ci sortit immédiatement son téléphone et entreprit d'envoyer des mails. Charity se tourna vers moi.

-On a loué une grosse baraque à quelques kilomètres d'ici. Il y a de la place pour un régiment, et tu vas rencontrer le reste de l'équipe. Tu parles espagnol ?

-Pas un mot.

-Bon, on te traduira. Notre équipe est internationale, Lachlan et moi sommes Australien, Lukas vient du Danemark et Mercedes du Portugal. Le petit génie des archives qui bosse avec nous est mexicain et ne parle pas un mot d'anglais, enfin c'est ce qu'il prétend. 

-Vous êtes combien ?

-Douze. Mais tu ne verras pas tout le monde tout de suite.

-Et il y en a d'autres qui peuvent...

Je m'arrêtais, ne sachant trop comment finir ma phrase. Charity me sourit.

-Non. Il n'y a que toi et moi.

Lukas toussota et elle se reprit.

-Enfin, ici. 

Je sentis que cette information était importante mais la fatigue me rattrapait et ses chevaux galopait bien plus vite que mon cerveau. Dans un état semi comateux, je sentis la voiture s'arrêter et suivit Charity à l'extérieur. L'air frais dissipa vaguement les brumes qui m'empêchaient de voir clair, gravant dans ma mémoire la première vue d'une immense villa californienne blanche, dans laquelle Lukas me guida à travers ce qui me semblait être un labyrinthe jusqu'à une pièce dans le lit de laquelle je m'effondrais.

There were four of usWhere stories live. Discover now