L'enfant et le chiot

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     L'enfant et le chiot sortent en courant de la maison, le dernier sur les talons du premier, la queue frétillante, les yeux vifs. L'air printanier accompagne le chant des oiseaux perchés sur la clôture. L'enfant sourit. Le chiot se dresse sur ses pattes arrières et les pose sur le torse de l'enfant, et ce dernier lui caresse la tête avec affection. Puis d'un mouvement identique, les deux amis s'élancent et font la course, l'enfant riant aux éclats, le chiot tournant autour de l'enfant en bondissant.


Paix, Joie, Insouciance.


      L'enfant est devenu adolescent, le chiot est devenu chien. Il s'élance, son corps svelte n'ayant aucun mal à suivre la courbe que décrivait en chutant le bâton que l'adolescent avait jeté. Ce jeu constituait celui que le chien préférait. Fier de lui, il revint vers son partenaire de jeu et unique ami. L'adolescent tenait dans les mains une lettre, et le canidé observa avec perplexité le visage de son maître. Celui-ci avait l'air soucieux. Le chien dépose le bâton aux pieds de l'adolescent qui le regarde, les bras ballants et le regard triste.


Arrêt, Ombre, Peine.


      L'adolescent est devenu soldat, le chien l'observe. L'armée stationne dans le village, la nervosité se fait sentir. Le soldat s'accroupit auprès du chien assit en face de lui. Il ne comprend pas. Son maître à l'air triste. Mais il sait. Il doit partir, loin de lui. Le soldat enlace son ami dans une dernière étreinte. Le chien pose sa patte sur la cuisse de l'homme et gémit. Essaie de le retenir. Les yeux embués, son maître se relève lentement, se retourne et grimpe dans la voiture qui l'attend. Et regarde en arrière. La voiture démarre, l'emmenant loin. Le chien observe.


Larme, Peur, Regret.


      Le soldat n'est pas revenu et le chien attend. Assis sur le chemin menant à la petite maison, le regard perdu droit devant lui. La bise d'automne attise sa douleur. Il se couche, la tête sur ses pattes. Une feuille morte tombe près de lui. Est soufflée par le vent. L'arbre est désormais nu.


Solitude, Nostalgie, Désespoir.


      Le chien redresse la tête. S'élance sur le chemin. Traverse le village qui l'a vu naître, franchit la clôture. Laissant derrière lui les quelques maisons épargnées par le temps. Le clocher de l'église domine, le chien le fuit. La cloche résonne, écho de ses tourments.


Décision, Véhémence, But.

Il court.


      Le chien est en ville. La pluie battante ruisselle de ses côtes, ses pattes glissent sur les pavés, l'odeur de l'usine proche l'insupporte, les parapluies noirs et les longs manteaux bruns lui barrent la route, des voitures semblables à celle qui avait emmenées son maître loin de lui l'effrayent.


Il court.


      Le chien traverse la montagne. Le blizzard souffle, la neige gèle ses pattes, le ralentit.

Il court.


       Le chien grimpe les collines. La nuit est tombée. Au loin, une trainée blanche éclaire le ciel. Touche le sol. Explose. Puis une autre. Le vrombissement d'un moteur parvient aux oreilles du chien en même temps qu'un coup de feu. Il passe à côtés de barbelés.


Il court.


      Le chien lève la tête. La lune ronde et brillante est encadrée par une myriade d'étoiles. Il pense à l'enfant, à son visage rond et son sourire lumineux.


Il court.


      Le chien est sur le champ de bataille. Les obus fusent, les armes crachent, les hommes crient. Un long sifflement vient dans sa direction. Le percute. L'éclat d'obus a laissé une marque rouge sur son épaule.


Il s'effondre.


      Le chien est étendu sur le flan. Il souffre. Et il rêve. Il rêve de l'enfant qu'il vient de réveiller, un sourire canin sur ses babines. L'enfant le dévisage avant de sourire. L'enfant lui caresse le ventre. Il rêve de l'enfant regardant un dessin animé, le chiot couché à côté de lui. Il sursaute et l'enfant rit. Il se blottit contre lui et l'enfant l'enlace. Il ouvre les yeux. Il ne rêve plus. Le chien se relève avec une dernière bouffé d'espoir. Refuse de l'abandonner.


Il boite.


     Au loin, un soldat git dans son sang, sa jambe gauche arrachée. Il attend, peut-être que la mort le prenne. Le chien arrive à sa hauteur. Ils se fixent. Le chien remue la queue, le soldat sourit. Le chien se blottit contre son maître et son ami.


Retrouvaille, Cicatrice, Paix.


                                                                                                ***


Ce texte est une petite histoire que j'ai écrite après avoir écouté et regardé " Waiting for Love " de Avicii. Vous trouverez facilement la version images de cette histoire sur youtube.

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