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-N'oubliez pas... Vous êtes le sang. Ecoulez-vous, apportez l'oxygène... Et le cerveau continuera à fonctionner.

C'était les dernières paroles adressées par Kuroo au club de Nekoma, peu après la fin des Nationales et le dur retour à la réalité. Il avait souri aux secondes et aux premières, en particulier Kenma, et avait eu un petit mot pour chacun ; puis, il était sorti, suivi par les autres terminales, et avait affecté de rire des larmes de Yaku.

Ce sentiment de la fin d'une époque était déstabilisant, et plus encore après la remise des diplômes, où la rupture avec le lycée promettait d'être totale. Plus de cours dans cet établissement où il avait passé trois belles années, plus de « Kuroo-saaaan ! » hurlés par Lev au détour d'un couloir ; et surtout, plus de visites régulières à Kenma. Kuroo passait de la banlieue à la ville, fort satisfait d'avoir été accepté dans une équipe prestigieuse ; et en conséquence, il déménageait, quittait son quartier tranquille, le filet de volley monté sur l'herbe au milieu d'un terrain vague, et son meilleur ami de voisin.

Les loyers à Tokyo étant chers, il s'était décidé à partager un appartement avec quelqu'un d'autre, de préférence un étudiant dans le même cas que lui. Il avait donc publié une annonce sur les réseaux sociaux, amplement partagée par sa famille, ses amis et connaissances susceptibles de l'aider, et finalement, c'était d'une personne proche, mais pour le moins inattendue, qu'il avait obtenu un retour.

Il avait un instant espéré que Sawamura Daichi serait son colocataire. L'ancien capitaine de Karasuno l'avait en effet contacté à la suite de l'annonce, et Kuroo n'aurait pas pu se trouver mieux loti –c'était une de ses proches connaissances, quelqu'un de bien, de respectueux, sérieux et mature, qui comme lui avait eu des responsabilités dans son équipe ; et ils avaient le même âge. Mais Sawamura avait simplement proposé de le mettre en relation avec un autre joueur de sa connaissance, qui, par hasard, cherchait lui aussi à trouver un colocataire sur Tokyo.

Le profil du joueur en question n'avait pas spécialement convaincu Kuroo à première vue –un sourire plastique, un clin d'œil travaillé, un signe de paix beaucoup trop superficiel et un filtre pour rendre une peau impeccable et un regard étincelant. Mais apparemment, cet Oikawa Tooru était capitaine d'une excellente équipe, régulièrement qualifiée pour les demi-finales et finales de son département quoique n'ayant jamais été aux Nationales, et avait lui-même reçu des distinctions pour ses talents de passeur et de serveur. Après avoir trouvé quelques vidéos de ses matchs, Kuroo s'était décidé à donner sa chance à ce qu'il avait jugé –trop tôt, saura-t-il plus tard- comme un modèle de frivolité.

Ils avaient parlé un peu via les réseaux, et les choses semblaient bien se passer –ils avaient déjà un socle de relations communes, bâti sur une même passion. Tous les deux connaissaient Karasuno et les joueurs en vue de leur époque, et avaient la même hâte d'intégrer leur équipe –ils étaient dans la même université, et l'idée de jouer ensemble acheva de les pousser dans le même appartement.

Deux grandes chambres, un vaste séjour avec cuisine ouverte, une salle de bains et assez de rangements pour eux deux ; il n'en fallait pas plus pour leur plaire. Daichi, de son côté, semblait assez amusé de voir ces deux joueurs en contact, et prenait régulièrement des nouvelles pour savoir si tout se passait bien.

Oikawa, avait appris Kuroo un peu tard, avait été l'aîné au collège de Kageyama Tobio, le passeur titulaire de Karasuno. Il fut un peu déçu de l'apprendre par Daichi, et le reprocha à son nouveau colocataire –mais le sujet paraissait sensible, et il n'insista pas. Lui se souvenait parfaitement du passeur, le pilier de son équipe en technique, qu'il avait eu l'occasion d'observer lors de camps, de matchs d'entraînements et même aux Nationales ; une machine bien huilée à faire des passes parfaites, une réflexion infaillible sur le jeu, le tout derrière des yeux scrutateurs et une expression blanche. En soi : un monstre.

StabilisateurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant