03 L'Homme Qui N'Existait Pas

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Mon ange gardien s'est donc manifesté à moi pour me prévenir que j'étais en danger de mort.

Après quoi il a passé une heure et demi à essayer d'expliquer qu'il avait conscience de cette information sans exactement la connaître, que "c'est dans le chant des âmes que nous ressentons l'urgence de la réalité", que "l'inévitabilité de l'événement ne fait aucun doute, mais ses circonstances sont encore à découvrir" et que "on m'a beaucoup parlé du chocolat, c'est si bon que ça, vraiment ?"

J'ai cru ne jamais réussir à m'endormir. La rupture avec Lise, l'apparition de l'ange, le fait que l'ange reste assis sur mon canapé pendant que je me recouche et qu'il ne puisse s'empêcher de me regarder dormir ("J'ai veillé sur toi pendant toute ta vie et c'est maintenant que ça te dérange ?") auraient dû me maintenir dans un état de panique total. Ça m'a assommé.

8h45. Première alarme.

D'habitude, j'en laisse passer entre trois et huit selon le retard à la première heure que je souhaite m'accorder, mais à mesure de l'éveil, la soirée revient à moi. Chaque image, chaque souvenir de cette nuit devient un signal électrique qui me parcourt le corps et me fait ouvrir les yeux comme si je remontais à la surface après une interminable plongée que je n'aurais jamais désirée.

J'émerge. Sa tête était au-dessus de ma tête. Il tenait mon téléphone et pointait l'écran vers moi.

- Quelqu'un essaye de t'appeler.

Je saisis le téléphone, le pose à côté de moi, me retourne, et enfonce la tête dans l'oreiller.

- C'est mon réveil matin.

- Et tu ne décroches pas ?

Je me retourne, le dévisage, ne réponds rien. Ça n'a pas l'air de le fatiguer.

- Alors, poursuit-il, où est-ce qu'on commence ?

Je me lève d'un coup, ce qui appuie mon mal de tête.

J'avais beaucoup de raisons d'avoir mal à la tête.

- La mission ?

- La mission bien sûr, me rétorque-t-il, mais aussi le petit déjeuner.

- Je ne suis pas sûr de pouvoir t'être d'une grande aide, malheureusement.

- Tu as rendez-vous à La Parenthèse dans 71 minutes avec Camille.

Il m'énerve. Je m'énerve.

- Comment tu le sais, ça, exactement ? Parce que Camille ne te l'a pas dit. Je ne t'en ai pas parlé non plus. Est-ce que tu lis mes messages ? Est-ce que c'est ça que vous faites, les anges gardiens ? Parce qu'à part m'annoncer que j'allais mourir, ce qui va évidemment arriver tôt ou tard, je ne comprends pas bien à quoi tu sers !

Je lui tourne le dos, cherche des vêtements. Il soupire.

- Antoine, quand je dis que je te vois, je ne suis évidemment pas en train de dire que j'ai passé chaque seconde de ta vie à t'épier de l'extérieur. Ton âme et la mienne sont intimement liées. Chaque sensation que tu éprouves, chaque émotion qui te traverse, chaque colère, chaque tristesse, la moindre joie, le plus petit plaisir et le plus grand des bonheurs, je les ressens aussi. J'entends tes pensées parce que je ne suis pas un Ange dans le ciel, je suis une partie de toi qui existe dans un autre plan. Je te complète, et tu me complètes. Nous sommes en symbiose totale et la personne que je suis aujourd'hui correspond à une partie de toi qui a toujours été là, que tu connais, que tu as toujours sentie, que tu as ignorée parfois. Je ne t'espionne pas, nous sommes la même personne, toi et moi, mais sur deux plans différents. Toi sur Terre, moi, ailleurs et nulle part à la fois.

J'ai Tué Mon Ange Gardien [Bientôt en librairies !!]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant