Chapitre VIII

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Le noir...Le noir absolu et la douleur...C'étaient  les deux seules choses sur lesquelles arrivait à se focaliser Dean pour ne pas lâcher prise.

Il aurait bien voulu bouger mais il lui semblait naviguer entre deux eaux. Les sons lui parvenaient dans d'étranges échos et même la sensation de son propre corps lui paraissait irréelle.

Il devrait avoir peur, il devrait s'en inquiéter mais il n'en avait ni la force ni la volonté et ni au fond, l'envie.

Parce qu'il aimait cette sensation de plénitude qui soudain l'emprisonna et que se concentrer sur la réalité lui rappelait avec trop d'intensité qu'il était seul, abandonné dans les ténèbres, et que respirer lui était devenu la pire des tortures.

Il décida alors d'arrêter de se battre et se laissa glisser irrémédiablement vers le néant, peut-être était-ce cela ce passage dont tout le monde parlait à propos de la mort ?

Les paupières closes, il perçut pourtant une lumière trouble et dans celle-ci le visage souriant de sa mère qui depuis cette brume jaunâtre, lui posa délicatement la main sur sa joue. Inconsciemment ou non il s'y fondit, recherchant la chaleur de celle-ci. Elle disparut comme elle était venue. Ne restait plus alors que le vide et le froid de l'absence.

Il sombra dans les pénombres, tombant dans un puits sans fond, chute longue où il se voyait hurlé sans  qu'aucun son ne sorte de sa bouche. Il battait des bras, tentant de se raccrocher à tout et à l'invisible.

Quand soudain, une main saisit la sienne. Une voix, un murmure, un prénom...
« Dean » si loin, trop loin, ses doigts lâchèrent prise et la chute sans fin reprit. La brume s'effaça pour ne laisser plus place qu'à l'ébène. Il se retrouvait aveugle face à sa propre mort.

Et dans cette nuit infinie et glaciale, surgit de nulle part :  l'ambre. Seule lumière dans cette uniformité oppressante. Deux yeux qui se rapprochent si vite et si lentement à la fois. Il voudrait tendre les mains vers eux mais il ne sent plus son corps, il ne sent plus rien que son cœur qui s'emballe et lui fait mal.

Derrière ce regard fauve apparaissait alors la tête d'un puma au pelage roux clair, unique être vivant qu'il arrive à percevoir dans l'indicible.

« Dean ».

Cette voix qui l'appelait.

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Novak, torse nu et treillis noir, assis à même le sol, jambes à moitié repliées, le regardait se débattre avec ses démons. De temps à autre, il trempait un tissu dans un bol d'eau et lui rinçait le visage avec une douceur qu'il ne se connaissait pas, lui murmurant son prénom à l'oreille pour éviter qu'il ne s'égare et ne revienne plus.

Il pressait ensuite le tissu sur ses lèvres faisant couler le mince filet d'eau dans sa bouche entre-ouverte.

Même si la pièce était plongée dans l'obscurité, il pouvait le percevoir, le sentir. Il le voyait.

Sa blessure s'était infectée et la fièvre ne l'avait plus quitté depuis qu'il l'avait retrouvé, planté comme un pantin désarticulé sur ce tronc.

Il se souvint de cette sensation de terreur froide quand il l'a aperçu. La pluie avait effacé une partie de ses traces et le temps qu'il trouve le corps sans vie de Baki et qu'il finisse par le retrouver lui, il n'avait cessé de pleuvoir ralentissant ses recherches.

C'était une de ses averses courtes et violentes qui balaient quotidiennement cet immense enfer vert et qui érodent tant le sol que les âmes.

Il s'est approché de lui et comprit à son regard vitreux qu'il délirait déjà. Il a posé une main tremblante sur son front. Il était brûlant.

L'œil du pumaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant