Virus, tome 1: Mortel

Chapitre 7

Jack

Le soleil est à son zénith et le vent tiède emporte les cheveux foncés de Lauren qui mâche une bouchée de son sandwich face à moi. La pause midi que son père nous laisse est assez longue et nous en avons profité pour nous installer sur un banc du parc sous un vieux chêne. Je contemple les quelques arbres qui égaient le parc de leurs branches rabougries. Ils ont l'air chétif avec le peu de feuilles qui tiennent bon et s'agrippent coûte que coûte. Les végétaux s'éteignent au fur et à mesure pour laisser place aux bâtiments, aux panneaux publicitaires électroniques qui affichent les nouveautés « indispensables ».

Les Dirigeants ont instauré qu'on devait veiller à garder des parcs dans tous les Secteurs, mais c'est simplement pour l'oxygène naturel sinon ils les auraient déjà tous rasés, ce qu'ils sont finalement en train de faire. Pour gagner de la place, comme ils disent, des scientifiques ont mis au point de faux murs et façades de bâtiments qui ont un rôle photosynthétique. J'ignore comme ils s'y sont pris, mais comme aucun membre de la Communauté n'est mort pour manque d'oxygène alors je suppose que ça fonctionne plus que bien. En tout cas, leur discours nous rabâche les oreilles sur l'ingéniosité de ce nouveau système révolutionnaire. Personnellement, je ne crois pas une seule seconde qu'un faux mur de plantes puisse remplacer irrémédiablement le véritable oxygène qui nous maintient en vie.

— À quoi tu penses ? demande Lauren, intriguée.

Je reporte mon regard sur elle. Lauren est le parfait mélange entre une asiatique et un Américain, ses jolis yeux en amandes me scrutent et ses lèvres fines sont incurvées en un petit sourire.

— Pas à grand-chose. Aux Secteurs, aux arbres et ce qu'ils vont devenir.

— Mmh, je vois. Tu t'inquiètes pour beaucoup plus que ça j'ai l'impression. Ne panique pas pour la garde et les Privilégiés, on va remédier au problème de la montre.

Une journée de travail complète ainsi qu'une matinée et elle me parle déjà comme si elle me connaissait depuis longtemps. Je reste convaincu de l'avoir déjà vue quelque part. Sans elle, nous n'aurions pas passé la nuit Heather et moi.

— C'est vrai. Je suis fort tendu ces derniers temps. Mais pas que pour la montre...

Elle emballe la fin de son diner et le pose sur ses genoux.

— Si ce n'est pas trop indiscret...je peux te demander pour quelle autre raison ?

— À cause de ma sœur. Elle a contracté le Virus.

Ma voix se fait rauque.

La peine se peint sur le visage de Lauren lorsqu'elle pose une main rassurante sur mon bras.

— Si tu veux en parler...je suis toujours disponible, s'empresse-t-elle d'ajouter pour me réconforter.

Mais rien ne peut apaiser les émotions qui flottent en moi.

La tristesse se mélange à la haine que je voue à Darius. Cette alliance d'émotions néfastes ne cesse de s'accroitre.

Il me faut à tout prix des nouvelles de ma sœur. Je ne sais pas encore comment m'y prendre, mais je sais que je vais avoir besoin de Heather.

Maintenant que je sais qu'elle est différente des humains, je ne sais pas à quoi m'attendre, elle peut toujours me sortir une information qui m'était jusque-là inconnue et je pourrais me retrouver abasourdi une fois de plus. Elle me doit encore un tas de réponses. Elle a l'air de s'être donné corps et âme à mon père, elle lui tant dévouée que ça ne m'étonnerait pas si on m'annonce qu'elle veut mourir pour lui sauver la vie. Ça s'entend dans sa voix. Je le ressens de cette manière, car mon cœur suit le même chemin envers ma sœur.