3. Dessine moi un monstre...

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The greatest prison people live in 
is the fear of what other people think.

David Icke

   « Je t'en prie, assieds-toi. »

Pétrifiée, la blonde recula d'un pas. Puis d'un autre, laissant ses chaussures racler désagréablement le sol avant de s'écrouler sur une chaise qui plia sous son poids. Ses sentiments se mélangeaient à nouveau... Mais cette fois, la peur trompait la douleur avec la gêne sans en avoir aucune, tant le regard du Lucilfer se révélait intense. L'éclat de ses yeux transperçait presque les siens, et la jeune femme ne résolut à les baisser qu'après les quelques instants d'une lutte silencieuse. Debout, lui attendait avec délice le début des festivités, goûtant du bout des lèvres au calvaire de sa victime. Entre ses doigts serrés, l'œil noirâtre d'une caméra se dissimulait. Une fois l'installation du trépied et des éclairages soigneusement finalisée par les quelques pions du chef de la Brigade, qui, muets, étaient déjà repartis à l'étage, l'homme à la croix daigna enfin ramenait son attention sur elle.

   « Je pourrais m'amuser un peu avec toi, qu'en penses-tu ? Tes nerfs doivent sûrement être rongés d'ennui à la suite d'une si longue attente... »

Quelques secondes s'écoulèrent, et le voleur reprit :

« J'oubliais... Comment t'appelles-tu ? Pour ma part, les gens me nomme Kuroro Lucilfer, et me connaisse comme étant le chef de l'Araignée. Ils me craignent probablement, mais c'est une autre histoire... »

   Relevant lentement la tête, sa prisonnière redressa son dos avec légèreté avant de lui répondre, d'une voix clair qui contrastait étrangement avec ses tourments :

« Je m'appelle Inuzuka. Inuzuka Sayoko.
- Etrangère à York-Shin, je me trompe, Mademoiselle ? »

   Le courage de la plus jeune fondit comme de la neige au soleil quand les lèvres de l'Araignée effleurèrent furtivement son visage. Son ravisseur s'était rapproché, d'un pas silencieux et souple, pour franchir en quelques instants le mètre qui les séparait. Son long manteau virevoltait paresseusement contre son corps au moindre de ses gestes, mais rien ne permettait à son otage d'anticiper un quelconque mouvement. Cette dernière déglutit, et articula d'une voix troublée les premiers mots qui lui traversèrent l'esprit :
« Vous êtes un monstre...
- Peut-être bien. »

   D'un clic, la caméra se déclencha. Le chef de la Brigade revint tranquillement vers sa victime, et la présenta à l'œil noir qui les fixait désormais. Au-delà de ces murs, des milliers de japonais fixaient avec angoisse l'écran de leur télévision, tous leurs programmes interrompus remplacés par l'image du même homme... Et de son nouveau jouet.
Bien sûr, ils pouvaient éteindre. Faire taire le grésillement imperceptible qui déformait ces quelques voix en temps orageux, laisser le noir de l'ignorance apportait paix et sérénité au cœur de leur salon. Mais plus l'audience baisserait, plus les chances de survie de la jeune femme s'amenuiserait... Après tout, la décision leur appartenait : assister à ce spectacle d'un nouveau genre et sauver une vie, ou choisir de renier l'insanité et condamner une âme à l'errance éternelle de la mort. 

   Posté devant son propre écran, Sharnalk tirerait les fils. Les chiffres de l'audience s'exposaient sans pudeur sous ses yeux, et la commande de la chaise électrifiée du sous-sol lui appartenait. Différentes décharges, pour différents niveau d'audience. Insignifiante. Minime. Sensibilisante. Douloureuse. Mordante. Insupportable. Intenable...
Létale.

   A l'entente de ces mots, la blonde tenta en vain de s'extirper de son fauteuil : sa taille, autrefois libre, heurtait désormais le cuir râpé des sangles à chaque nouvelles tentatives. Plus bas, ses chevilles caressaient sans tendresse le métal froid d'une paire de menottes. Seuls ses poignets demeuraient légers et vierges de toutes entraves. Le vide encaissa quelques coups, l'audience baissa, la première décharge lui fit frémire l'échine et ses cris moururent enfin dans sa gorge. Une fois le calme retrouvé, le chef de la Brigade posa nonchalamment un carnet de croquis sur les genoux de la jeune femme. Canson, 110g/m². Sa couverture écarlate brillait, l'éclat du cuir encore vif malgré les assauts du temps. Sur le côté droit de l'objet, un élastique décharné retenait difficilement un vieux Bic au corps couvert de cicatrices. Les spectateurs restants apprirent alors que dix étapes seraient à compléter pour libérer la jeune femme de ses liens, et ce pour un montant de trois jours au total, avant qu'à nouveau le même manège ne recommence... 

[H x H] 24h LeftOù les histoires vivent. Découvrez maintenant