Keridan ne réapparut pas de la soirée. Après avoir couvert le foyer et rangé comme il pouvait ce qui risquait d'attirer la faune locale, Angarad se résolut à aller s'abriter dans sa cahute pour passer la nuit. Il dormit mal, mais pas seulement à cause du lit défoncé de Keridan et de sa cabane pleine de courant d'air. Il n'avait pas l'habitude de dormir comme ça, quasiment dehors, exposé aux vents et à tout ce qui pouvait rôder sur une plage Thalasséenne. Les dernières heures nocturnes eurent raison de lui, mais la chaleur et la lumière du soleil le tirèrent du sommeil au beau milieu de la matinée.
Angarad se leva avec l'impression d'avoir été démonté par tout l'équipage d'un croiseur militaire, la satisfaction en moins. Il n'y avait toujours pas de trace de son hôte, ecepté une corbeille de fruit dans son bordel de récupération et la citerne était encore remplie d'eau potable. Est-ce que Keridan se contentait vraiment de ne bouffer que des fruits et du poisson, quand il restait ici ?
La bouche encore pâteuse, et la cervelle ensuquée, il finit par échouer sur la plage pour contempler l'horizon.
C'était toujours aussi beau, mais il sentait aussi que voir le même paysage tous les matins allait rapidement devenir très chiant. Surtout maintenant qu'il avait contrarié son hôte.
Il n'aurait pas cru que Keridan serait si chatouilleux à l'évocation de son passé dans les arènes de Klavitosk. Avec toutes ses cicatrices, et sa vie de reclus sur cette île déserte, c'était plutôt évident de deviner ce qu'il avait traversé. Angarad se foutait bien de ce genre de choses. Il était bien placé pour savoir que tous ceux qui s'étaient retrouvé dans ce genre d'endroits ne l'avaient pas vraiment fait de leur plein gré. Mais Keridan, malgré son air décontracté et son calme de façade, avait apparemment encore du mal à assumer les choses qu'on l'avait poussé à faire là-bas.
Dommage pour lui. Quoiqu'il ait pu subir, faire subir, ou bien les deux à la fois, Angarad pensait que ça ne servait à rien de s'attarder là-dessus. Personne ne pouvait changer le passé.
Les genoux ramenés vers lui, il était en train de cuire doucement sous le soleil lorsqu'il entendit des bruits de pas dans le sable. Il fut surpris de voir Keridan approcher, ses vêtements amples et rapiécés flottant autour de son corps comme les voiles d'un vieux bateau. Pendant une toute, toute petite seconde, Angarad eut peur qu'il ne soit revenu pour lui casser la gueule. Mais non. Le Thalasséen n'avait pas l'air en colère. Il marchait d'un pas vif, mais son visage était plus neutre que contrarié malgré ses sourcils froncés.
– Salut ? dit-il pour tâter le terrain.
Keridan se planta devant lui.
– Viens nager avec moi.
Angarad cligna des yeux.
– Pardon ?
– Lève-toi et vient nager, répéta Keridan.
L'étonnement mis quelques secondes à passer. Puis Angarad haussa les épaules. Il se sentait bien, là, en train de rougir sous le soleil brûlant, la figure rafraîchie par la brise marine et les embruns.
– Désolé, mais j'y tiens pas trop. Je suis pas très bon en apnée
Keridan le toisa un long moment, sans rien dire. Puis il fit demi-tour en direction de sa cabane, et Angarad se gratta la nuque. Il l'entendit fouiller plus qu'il ne le vit faire, puis revenir vers lui d'un pas décidé, quelque chose à la main.
Cette fois, Angarad flippa vraiment. Il chercha à se redresser.
– Tu viens nager avec moi, répéta Keridan en revenant à sa hauteur.
Il plaqua quelque chose de froid contre sa gorge. Angarad sentit des aiguilles percer sa peau alors que l'objet s'accrochait à ses chairs. Paniqué, il poussa un cri de surprise et de douleur mélangées, portant aussitôt la main sur le petit boîtier, qu'il tarda à reconnaître. La terreur se calma aussitôt, mais son cœur battait encore la chamade.
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Naufragé
Science FictionUn vaisseau fend le ciel au dessus d'une île paradisiaque. Keridan, son unique résident, assiste au crash et porte secours au pilote naufragé. Comme les autres Thalasséens, le peuple des mers, il devrait se méfier des étrangers mais pour lui, ce con...