Chapitre 2

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Angarad décida de mettre le conseil de son hôte à exécution et passa un long moment étendu sur la couchette avant de trouver l'énergie de bouger. Ce n'était pas vraiment le crash qui l'avait sonné, plutôt la course poursuite qui l'avait provoqué. Maintenant que l'adrénaline était retombée, c'était plutôt perturbant de se retrouver coincé dans un endroit aussi tranquille.

La cahute de Keridan n'était pas immense : ce n'était que trois murs et un toit, faits de planches et de feuilles. Des objets en coquillages ou en bois flottés s'entassaient au milieu de matériel électronique hors d'âge. Quelques câbles pendaient du plafond jusqu'à une batterie de secours, sûrement alimentée par des cellules solaires. C'était plutôt austère, mais pas non plus totalement dénué de confort.

Angarad étendit sa combinaison sur le sable pour qu'elle sèche plus vite. La carcasse de sa capsule luisait à l'horizon, piteusement échouée sur un récif. Son vaisseau avait probablement été saisi par la garde orbitale. Sa cargaison allait être détruite, et lui, conduit en prison pour une durée indéterminée.

Il poussa un soupir résigné. Quelle merde.

Keridan possédait un poste de communication vétuste, mais il lui faudrait sûrement plusieurs heures avant de réussir à en tirer quoi que ce soit. Angarad récupéra de vieilles fripes en toile qui traînaient au milieu du bordel ambiant, et une paire de sandales de corde. C'était beaucoup, beaucoup trop large pour lui, mais ça suffirait à le protéger du soleil. Il fallut quelques temps pour que ses yeux s'habituent à la luminosité intense de la plage. Tout autour de lui, il n'y avait que du bleu, à perte de vue, dans une infinité de nuance.

En revanche, son sauveur n'était pas dans les parages. Angarad fit demi-tour et quitta la plage pour s'engouffrer dans la forêt qui recouvrait l'île. Comme Keridan le lui avait dit, l'endroit n'était pas vraiment hostile. La végétation était en pleine forme, aussi verte qu'immense. Le coin grouillait de bestioles, qu'il entendit plutôt qu'il ne vit. De temps à autre, un cul poilu disparaissait en vitesse pour aller se planquer sous les feuilles. Des parfums nouveaux flottaient dans l'air, tellement qu'il en avait la nausée. Il crut reconnaître l'odeur de certains fruits que son hôte avait mis dans sa soupe, sans être vraiment certain de les identifier.

Le soleil tapait beaucoup moins fort lorsqu'il quitta l'ombre des arbres pour regagner la plage.

Ses pieds s'enfonçaient dans le sable chaud, mais il n'était pas aussi brûlant que tout à l'heure. Au milieu du lagon, à un endroit où l'eau semblait plus profonde, il distingua la silhouette de Keridan. Il approchait en nageant sous la surface. Sa transformation ne dura pas plus de quelques secondes. L'espace d'un instant, ses écailles luisaient au milieu des vagues, et le moment d'après, ses pieds battaient sous l'eau à la place de ses nageoires.

Angarad s'assit sur le sable pour le regarder sortir de l'eau. Ou plutôt, pour profiter du spectacle.

C'était le genre de scène bandante qu'il n'avait vu que dans de très vieux films. Celle où le personnage qui servait d'objet sexuel émergeait de la mer au ralenti. Le soleil faisait briller sa peau sombre, l'eau ruisselait le long de ses muscles et de ses tatouages. Il était couvert de cicatrices, mais aux yeux d'Angarad, c'était plutôt sexy.

Keridan ramena ses longs cheveux noirs sur sa nuque, le fixant d'un oeil circonspect. Angarad s'empressa d'effacer un sourire bête de son visage pour prendre un air parfaitement neutre.

D'accord, il était dans la merde. Mais ça aurait pu être pire. Il préférait être coincé ici avec un dieu vivant plutôt que tout seul au fond d'une cellule humide.

Keridan avait tout ce qui le faisait fantasmer. Un corps puissant, une apparence humaine, des faussettes au coin des joues, et une énorme...

– La vue te plait ?

NaufragéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant