Chapitre 14 : Feriel démasquée ! 😡

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PDV Feriel

-Feriel, nous aimerions te parler.

Baba se tient face à moi. Il a cet air calme et sévère comme à chaque fois qu'il va se mettre en colère.

Je m'assois face à lui sur la table de la salle à manger.

-On vient de recevoir ton dernier bulletin, c'est pas très brillant. En fait, c'est même très mauvais contrairement aux autres années.

Yemma se tord les mains. Elle est à deux doigts de craquer.

-Ce n'est pas grave, ma puce. Tu feras mieux la prochaine fois.

-Il n'y a pas que ces notes poursuit mon père. Il y a un mois, tu rentres à la maison ivre. Tu as séché plusieurs cours. Ta prof principale nous a même averti que tu t'étais battue.

-C'était de la légitime défense. Je...

-Ton petit frère et ta petite sœur ne te comprennent plus, ils sont tristes pour toi, tu les mets mal-à-l'aise mais aussi et surtout, ils ont peur. Mais, enfin, qu'est-ce qui ne tourne pas rond dans ta tête ? Qu'est-ce qui se passe ?

Baba se lève. Cette fois-ci, il est vraiment furibond.

-C'est à cause d'un garçon ? demande Yemma d'une petite voix chevrotante.

Baba croise les bras et pause une grande enveloppe marron sur la table. Je l'ouvre. Elle ne contient qu'une photo. Aylan et moi. On ne distingue pas son visage mais me tient par l'épaule. Nous sommes dans la cour du lycée. Au dos, quelqu'un a griffonné : Tenez mieux votre fille. C'est pas vrai, on cherche absolument à me faire des crasses ! Qui a bien pu l'envoyer ? N'importe qui au lycée !

-C'est ce que nous avons reçus annonce mon père, solennel.

-Aylan. Il n'est pas comme vous vous l'imaginez, je vous assure. Il est gentil, il est en détresse et je fais tout pour l'aider. Ce n'est pas lui qui m'a entraîné.

-Feriel, tu es en pleine adolescence et c'est normal que tu rencontres de nouvelles personnes, que tu ais de nouvelles fréquentations. Tu es influençable. Tu crois avoir trouvé le grand amour mais tôt ou tard, il te laissera tomber, benthi.

Mais soudain, je m'emporte. Je n'ai plus peur. Je suis en couple avec un garçon extraordinaire et mes parents font tout pour m'empêcher d'être heureuse. Avec lui, plus rien n'a d'importance. Je me fous de tout, je me sens libre, rebelle. Je me lève et je rugis :

-Toi, baba, tu es arrivé en France à dix-huit ans. Tu n'étais qu'un petit ouvrier et tu as progressivement monté les échelons mais encore maintenant, tu te laisses marcher sur les pieds. Tu passes de heures, enfermé dans ton bureau, pour un salaire de misère. Toi, yemma, tu as été nourrice pour des enfants riches et tu crois qu'ils t'ont remercié ! Aujourd'hui, tu es femme au foyer ! Qu'est-ce qu'elle a fait pour vous, la France, au fond ?

-C'est la France qui m'a donné ma chance affirme Baba.

Mais je vois bien qu'il est très mal-à-l'aise. Je continus :

-A votre époque, c'était les mariages arrangés. C'est fini, tout ça ! Vous pouvez peut-être m'enfermer mais vous ne pouvez pas m'interdire d'aimer celui que j'aime ! Vous êtes deux vieux réacs, coincés dans votre religion !

Je me lève brusquement. Je me mets soudain à pleurer, je suis à bout de nerfs.

-Je vais me coucher sans manger !

Et je m'enferme dans notre chambre commune, à Sophia et à moi, sans manger.

PDV Sophia

J'ai tout vu et tout entendu de la dispute. Moad et Dina aussi savent que quelque chose ne va pas. Nous dînons en silence puis eux aussi vont rapidement se coucher. L'ambiance est tendue. Mes parents se sont engueulés.

-J'ai été trop laxiste a-t-il dit. Je vais l'envoyer au bled. Au moins, là-bas, elle comprendra le sens de la vie.

-Tu ne peux faire ça a soupiré Yemma.

Il ne parle plus, il reste muet devant la télé comme à chaque fois que quelque chose le contrarie.

J'aide Yemma à faire la vaisselle.

-Dis, benthi, demande-t-elle. Tu crois que je vous ai mal élevée ?

-Mais non, yemma, tu es la meilleure des mamans !

-Alors, pourquoi ta sœur réagit comme ça ?

Je repense à tout ce qu'elle a dit. Sans doute, avait-elle un peu raison. Mon père a quitté son Maroc natal dans les années 80. Il était très pauvre et orphelin de père. C'était le fils ainé de sa famille, tout le monde comptait sur lui. Il allait à l'école coranique de son village et en ce temps-là, les maîtres n'hésitaient pas à faire preuve de violence. Il a quitté l'école dès qu'il a pu. Il était payé un salaire de misère à l'usine. Le peu d'argent qu'il possédait, il l'envoyait pour nourrir sa famille au pays. Ce n'était pas toujours facile. Ma mère, elle, vivait déjà en France, entassée dans un petit appartement avec ses parents, ses trois frères et ses trois sœurs. Ils essayaient tous les deux de s'intégrer au mieux.

Quand ils se sont rencontrés, elle était à peine plus vieille que Feriel. Elle allait encore au lycée. Tous les jours, elle passait devant son travail. Elle n'osait pas vraiment lui parler mais elle aimait beaucoup ce grand et bel homme aux cheveux bruns frisés. Et puis, elle a commencé à le guetter. Ils se passaient le « salam », ils échangeaient quelques mots. Ça a duré environ deux ans. Puis, Baba a eu le courage d'aller trouver mon grand-père maternel et de lui demander la main de sa fille. Ils ont fait des noces magnifiques. Ils se sont mariés dans le dine, bien comme il faut. Ma mère avait dix-huit ans et mon père vingt-et uns. Bien sûr, c'était un peu un mariage arrangé, leurs deux familles se connaissaient et venaient de la même région du Maroc. Mais ils avaient étés deux jeunes gens très amoureux l'un de l'autre et leur amour s'est affermi au fil du temps. Ils se sont découverts mutuellement. Parfois, ils ont étés victimes de racisme. Une fois, mon Baba a fallu être au chômage. Mais ils ont toujours affronté les épreuves ensembles. Ils sont à la fois musulmans, français, marocains et fiers de l'être. Je rêve de connaître une histoire semblable à la leur, à celle d'Adam et de Farida.

Je souris à Yemma. Elle est si petite, si fragile, attentive à nos moindres besoins. « Le Paradis est sous les pieds de vos mères » a dit le prophète. Maintenant, c'est à moi de la rassurer :

-Je pense que Feriel est une fille sensible et naïve. Elle ne se rend pas compte que son petit copain profite d'elle. Je vais aller lui parler.


Salut à tous, voilà on découvre un peu plus les parents. J'ai aussi pensé à mes grands-parents italiens qui ont immigrés en France et à l'immigration de manière générale avec ces gens qui viennent en espérant trouver une vie meilleure mais qui souvent sont mal accueillis etc...

Bonne fête de l'Aid à tous !

Qu'en pensez-vous ?

Ma sœur est sous empriseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant