Chapitre 20 : Avoir des amis

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Salam à tous, j'espère que vous allez bien.

Aujourd'hui, j'aimerais rendre hommage aux victimes des attentats terroristes du 11 septembre, que le monde sache que ces meurtriers ne représentent pas l'islam, qu'on doit condamner tous les actes terroristes et lutter contre les discours haineux et le radicalisme.


Cela fait trois jours que Feriel est partie. Les petits sont surexcités. Ils demandent tout le temps si leur sœur va revenir. Ils ne font plus leurs devoirs et ils me regardent d'un œil morne. Yemma a ressortie les albums photos, elle accompagne tous les jours Baba au commissariat. On nous dit que c'est une fugue, qu'elle reviendra bientôt penaude. Mais c'est trop tard. Elle s'est enfuie en nous laissant un simple mot. Notre famille ne sera plus aussi soudée qu'avant.

Ce vendredi, la mosquée était triste, silencieuse. Beaucoup de gens connaissent mon père et savent ce qu'il nous ait arrivé. On retrouve des sourire chaleureux. Nous avons demandé conseil à l'imam :

-Elle vous reviendra dit-il. A seize ans, les enfants se croient invincibles. Ils veulent tester leurs limites et celles de leurs parents. Quand elle rentrera, vous ne devez pas la pointer du doigt. Elle a subi une mauvaise influence, elle se reprendra certainement. Allah est miséricordieux. Qu'il lui accorde son pardon ! Pour l'instant, nous devons vous soutenir, vous et votre famille, M. Dimani. Faisons confiance à la police.

« Faisons confiance à la police ». Mais ils n'ont rien trouvés ! Et les parents d'Aylan n'en savent pas plus. Je vais me promener dans le quartier, morose. J'essaye de prier mais mon esprit est ailleurs. J'en viens même à douter. Pourquoi Dieu cherche-t-il donc à nous éprouver ? Faut-il donc qu'il soit cruel ? Je regrette aussitôt d'avoir eu cette pensée et accélère ma marche. J'entends des voix derrière moi. Des mecs me sifflent. Les mêmes loseurs habituels.

-Hé, la voilée !

Je ne les vois pas, mes yeux sont embués par les larmes.

-Salut, ça va ?

Une jeune fille aux cheveux bouclés s'arrête devant moi.

-Tu ne me reconnais pas ?

C'est Hortense, la fille qui m'a aidé avec sa voiture.

-Ça n'a pas l'air d'aller. Tu sais, on peut en discuter. Si tu en as envie... C'est à propos de ta sœur, c'est ça ? Elle ne va pas mieux ?

-Elle a fait une fugue !

-Je suis désolée. On la retrouvera.

-Qu'est-ce que tu en sais ? Elle est partie, partie !

Hortense est surprise par mon agressivité. Elle a toujours l'air de s'excuser d'être là. Je me radoucis :

-Après tout, tu voulais juste m'aider. Excuse-moi, j'ai les nerfs à vifs.

Je lui tends la main et nous allons nous assoir dans le parc. L'heure est propre aux confidences.

-Je sais que tu vas la retrouver déclare Hortense. Tu sais, j'ai toujours voulu être ton amie. Je t'avais déjà repéré. Tu étais la seule fille voilée du lycée. Tu es devenue un modèle pour moi. Tu avais l'air si désintéressée. Tu te préoccupais de tes frères et sœurs et si peu de toi. Tu me semblais courageuse, si pieuse et sage.

-Sage, moi ? Je n'ai même pas su retenir ma sœur et maintenant, j'en viens même à douter de l'existence de Dieu !

-Au fait, je sais que ça va te paraître stupide mais... Je veux me convertir à l'islam.

-Mashallah !

J'en viens à sourire malgré mes larmes.

-Je sais que ce n'est peut-être pas le bon moment pour te demander ça mais tu m'as l'air bonne conseillère. Je viens d'une famille bourgeoise, catho de gauche. Une bonne petite Française. J'ai toujours fait ce qu'on m'a dit, j'ai toujours eu du mal à m'affirmer. J'ai aussi été victime de harcèlement scolaire, j'ai fait une dépression. Et puis, j'ai cherché à savoir d'où je venais, pourquoi j'étais sur cette terre. J'ai essayé de lire la Bible mais j'ai abandonné. Je trouvais ça tellement incohérent. J'ai emprunté un Coran à la bibliothèque municipale. Je l'ai lu d'une traite et ça m'a plu. J'avais l'impression d'avoir trouvé la paix intérieure. J'ai pensé : « ça y est, je suis musulmane ! ». J'ai été plusieurs fois tourner autour de la mosquée sans jamais oser y entrer. Je voyais ces hommes en qamis, ces femmes en hijabs, ça m'intimidait. J'ai commencé à prier en cachette, dans ma chambre. J'ai regardé des vidéos de cheiks sur Internet. Au début, je ne savais même pas comment faire les ablutions. C'est fou que je te raconte tout ça alors qu'on se connait à peine mais j'ai pensé qu'avoir une amie musulmane m'aiderait à l'annoncer à mes parents. Ils sont tolérants mais ils ont beaucoup de préjugés, genre femme voilée = soumise.

Je me sens émue. Elle me semble encore bien jeune et pourtant, c'est vers moi qu'elle s'est tournée.

-Ça me touche que tu dises ça. Tu sais, je ne suis pas la parfaite muslimah mais je serais heureuse de pouvoir t'aider.

Je lui tends la main. C'est important d'avoir des amis, qu'ils soient musulmans ou non, qu'ils soient anciens comme Kémi et Jane ou nouveaux comme Hortense. Sans eux, je serais sûrement seule en train de perdre tout espoir. L'islam nous dit : « Respecte l'être humain, car s'il n'est pas ton frère dans la religion, il est ton frère dans l'humanité ».

Mon portable sonne.

-Oui, halo ?

-Vous êtes bien Mlle Sophia Dimani ?

-Oui.

-Je suis Mme Févreaux, CPE. Votre sœur, Dina a eu des problèmes.

Et les parents ne sont pas là, trop occupés à chercher Feriel. Je fais signe à Hortense que je m'en vais et fonce dans le métro.


Vous l'avez peut-être deviné mais Hortense est inspirée de mon histoire personnelle. Que pensez-vous de ce personnage ?

Qu'est-il arrivé à Dina ?

Avec la fac et la rentrée, je pense aussi poster moins souvent genre une fois par semaine.

J'hésite aussi à faire une partie du point de vue d'Hortense, je sais pas ce que je vous en pensez.

Ma sœur est sous empriseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant