Londres, 2180:
Je me lève, puis marche jusqu'à la porte. Avant de sortir de ma chambre, je jette un coup d'oeil vers l'encadrement de la fenêtre. Plus aucune trace du mercenaire.
Il doit être à la porte, maintenant. Me dis-je. Le vacarme des cris ne s'est toujours pas estompé. Je tourne à gauche, direction l'entrée. La sonnette retentit. Je m'approche de la tablette numérique près de la porte. La caméra s'active dans un léger bip sonore. Une silhouette imposante et costaude apparaît alors dans la faible lueur que produit la lampe extérieure. Des dizaines d'informations tirées de la banque de données d'espionnage mondial apparaissent sur l'écran numérique, comme son nom, Diego Sanchez, sa taille, son poids, sa profession, son lieu de naissance... Son visage semble être déjà bien abîmé par l'âge. Des petites rides sillonent ses joues creusées. Une imposante barbe brune mal taillée obstrue son menton, dont on ne voit que l'extrémité. Il est presque complètement chauve, seuls quelques cheveux semblent résister à cette fatalité sur les côtés de son crâne. Ses yeux perçants regardent la caméra suspicieusement. Soudain, je m'arrête sur un coin de l'écran. Une information me laisse perplexe quelque secondes.
Profession officielle: Garagiste de Gyroptères.
Profession officieuse: Secrète.
Il avait une profession officieuse. Dans le cas contraire, ce petit paragraphe n'aurait affiché que la profession officielle. Je porte mon regard sur les autres informations.
Taille: 1 mètre 88 centimètres.
Poids: 79 kilogrammes.
Nom: Diego Sanchez.
-J'ai déjà vu ces infos-là!
Marmonné-je comme pour réprimander la tablette.Je continue de lire, et en quelques secondes je tombe sur une autre information inquiétante.
Lieu de naissance: Barcelone, ancienne république d'Espagne, territoire de Green Garden.
Un étranger habillé comme un mercenaire qui a une profession officieuse vient sonner chez moi en temps d'avant-guerre? Je préfère ne pas prendre de risque. Je tourne les talons et me dirige jusqu'à la pièce à vivre. La sonnette retentit à nouveau lorsque la porte s'ouvre de bas en haut. Ma mère est en larmes. Mon père me jette un regard rapide en fronçant les sourcils comme pour me dire que ce n'est pas le moment, puis des coups frappés fort résonnent dans le couloir lorsque ce premier reprend ma mère dans ses bras. Je n'ai pas le temps de dire quoi que ce soit que mon père se dirige déjà promptement vers l'entrée.
Il inspecte la caméra puis porte son regard sur moi. Il semble avoir également remarqué les informations étranges, puisqu'il semble être autant troublé que moi, et me fait signe d'aller chercher ma soeur puis insiste pour que l'on se cache dans l'armoire de ma chambre. Je m'exécute aussitôt. Je me rue dans la pièce, ma soeur, intriguée, me serre la main si fort que ses ongles rentrent dans ma peau. Je compose le code du placard. 2554. La porte s'ouvre, puis je me glisse à l'intérieur, ma soeur me suit. Je verouille la porte qui se referme, nous plongeant dans l'obscurité casi-totale, un mince filet de lumière provenant du couloir filtrant à travers une petite embrasure étant notre seul source d'éclairage. Je tremble, et ma paupière droite se met à sautiller. Ce tic, que j'ai réussi à calmer depuis quelques temps, revient chaque fois que je suis anxieux. Mais après tout, tout va bien se passer, n'est-ce-pas? Tente de me convaincre une voix intérieure. La respiration de Cassidy se fait de plus en plus forte et sifflante. Elle n'a pas lâché ma main, et je la serre encore plus fort pour la rassurer; bien que je ne soit pas calme du tout, mais je reste fort pour elle. Cassidy. Elle qui a sû s'en sortir alors qu'elle se faisait harceler. Je l'aime. Vraiment. J'entends la porte d'entrée s'ouvrir dans un léger claquement presque inaudible. Puis, la voit tonitruante de mon père emplit le silence.
-Oui, bonjour, c'est pour quoi? Lâche-t-il.Je n'entends pas la réponse du mercenaire.
-Ah, d'accord, entrez. Réponds ma mère.
Des pas lourds se répercutent dans le couloir. La porte se referme. Ma mère se met à crier. Puis deux tirs. Je les entends plus clairement, désormais. Le bruit sourd que j'avais entendu chez les voisins, tout-à-l'heure, c'était une arme équipée d'un silencieux déversant toute son énergie. Deux bruits sourds tonnent quasiment en même temps, tels deux corps qui tombent. Ma soeur pousse un petit cri, plus une inspiration, à vrai dire. Puis un talkies-walkies s'active, dans un bruit mélangeant le craquement et le crissement.
-Maison 16 nettoyée. Affirme la voix du militaire. Je vais checker la baraque, parce-que j'ai vu un aut' gosse. Braille-t-il.Aussitôt, je comprends, il ne faut pas être diplômé ni s'appeler Einstein pour savoir ce qu'il vient de se passer. Une équipe de militaire est venu débarasser le canton 19 de ses habitants. Je me retiens de sortir de l'armoire pour flanquer une raclée au mercenaire.
Enfin, si ça se trouve, les deux bruits sourds n'étaient pas deux corps, mais... ma voix intérieure rassurante ne parvient pas à terminer sa phrase.
Les pas s'éloignent, puis l'arme gronde à nouveau. Un bruit de feraille cogne contre le sol.
Marc, me dis-je.
Les pas reviennent vers l'entrée, puis se rapprochent du placard. La porte de ma chambre s'ouvre. Le mercenaire continue sa route et se dirige inexorablement vers l'armoire. Une voix robotique annonce que l'utilisateur n'est pas reconnu. Il tente de composer un code, puis se rate, trois fois de suite. Alors, il active son talkie-walkie puis demande:
-Hé, Mitchell, tu peux me donner le code du placard de la maison 16, chambre de l'ado?
-Laisse tomber, l'androïde que t'as buté a eu le temps d'appeler les forces de l'ordre, tires-toi en vitesse.
-Oh merde, ok j'y vais!Les pas s'éloignent très rapidement. Une fois que je suis sûr que le militaire est parti, je déverrouille le placard puis ordonne à ma soeur de rester ici. La porte s'ouvre sur le corps de mes parents, baignés dans leur sang, tâchant le sol immaculé de pourpre.
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La faim d'un monde [EN PAUSE]
Fantascienza2179. Washington. Lyon. Londres. Après l'ère du renouvellement, l'ère de la révolution est venue. Enfin, ILS l'appellent ainsi. Les élites. Life Industries. Earth Corp. Green Garden. Les grandes entreprisent bouffent nos vies. Pour les citoyens, c'...