Les rayons du soleil ont atteint le zénith lorsque je me réveille. Le médecin me rapporte mon bilan de santé puis me donne quartier libre. Le couple de gardiens m'attend pour me faire visiter l'université d'Eudora, le centre d'intérêt dont ils sont le plus fiers. Nous partons en direction de la gare. J'entends juste le bruit d'une capsule qui vient de passer. Tout apparaît tellement différent, moderne, que je ne sais où donner de la tête. Sur le quai de la station hyperloop, des caissons nous attendent. Je m'allonge dans le siège moulant de l'engin oblong. Une sangle me recouvre. Le décompte se met en marche et me voilà propulsée à une vitesse phénoménale à plusieurs centaines de kilomètres de là où je me trouvais. Je ne vois rien par la fenêtre, que des lignes de couleurs vertes et blanches. Puis la capsule ralentit et le sas s'ouvre. Je me relève, étourdie par la vitesse de cet étrange bolide et sidérée par le paysage qui m'entoure. Des vagues bleues dansent sur ma vitre. Je me précipite dehors. L'air chargé d'embruns s'enfile dans mes narines et un vent marin détache mes mèches noires. La splendeur de l'océan surpasse toutes mes espérances. L'air frais me fait frissonner. Je n'ai pas l'habitude de cette latitude. Sur l'eau, une forme sinusoïdale blanche et des habitations flottantes attirent mon regard.
- Voilà l'université, m'explique la femme en désignant un édifice en forme de « S ».
Une succession de vitres s'enfilent en serpentant ; seules les armatures d'un pont dessinent des démarcations régulières. Sur le toit : des parcs aménagés pour les étudiants, des piscines, des terrains de football m'explique-t-elle.
- L'énergie de l'université, l'électricité, le chauffage l'hiver, sont entièrement alimentés par la force des vagues et les turbines sous-marines, continue la gardienne d'Eudora.
Une navette fluviale nous emmène vers le bâtiment flottant. Puis la Gardienne de la Paix me fait entrer dans un amphithéâtre. Tous ces progrès accomplis par l'Homme ! Nos constructions, ainsi que celles des Passates et des Jovites me semblent tellement archaïques par rapport aux technologies avancées de la zone libre. Je mesure à quel point la conscience collective et le savoir constituent l'essence de notre humanité.
Nous nous asseyons autour d'une table ovale et transparente. Six autres personnes nous ont rejoints. Au plafond, un puits de lumière illumine le centre de la table délimité par une barrière de cristal qui réfléchit les rayons du soleil. Le temps des explications est venu. Après avoir fait les présentations, la femme m'invite à parler ouvertement :
- Je suis certaine que vous avez beaucoup de questions ! Je vous en prie, posez-les, m'invite-t-elle.
- Pourquoi n'avez-vous pas essayé de sauver les réfugiés ? Commencé-je sans me faire prier. Tout ce que nous demandons c'est d'être protégés des Jovites et des Passates. Vous vivez en paix, pourquoi ne pas chercher à étendre cette paix à l'extérieur ?
- Nos citoyens, parce qu'ils ne connaissent pas les conflits, ont été trompés par de faux réfugiés. Nous avons eu, il y a de cela trois générations, des attentats terroristes épouvantables. Dès lors, sept éclaireurs ont mis en place les cristaux de protection d'Eudora par une technique qu'eux seuls maîtrisaient. Ces cristaux agissent à titre de bouclier. Nous avons tenté des négociations avec les Jovites et les Passates, mais nos émissaires ont été assassinés. Nous ne voulons plus gaspiller de vies. Depuis que le mur existe, Eudora n'a plus connu aucun meurtre.
- Mais nos éclaireurs à nous, où sont-ils passés ?
- Vous êtes le premier éclaireur à avoir réussi à atteindre Eudora. Nous n'avons jamais eu de réfugiés, à partir du moment où les cristaux ont été érigés. Seul le pouvoir des sept peut désactiver les cristaux du centre. Et l'un de nos éclaireurs est mort de vieillesse sans que nous ayons pu lui trouver de remplaçant.
Une voix à côté de moi me demande alors :
- Êtes-vous le troisième qui nous donnera le si de la sixième ?
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21 (Voyage vers Eudora) ✔️
Short Story- Le destin a voulu que cette année, Gabrielle soit l'aînée des vingt et un. Elle me prend dans ses bras. Elle m'a préparée depuis longtemps. Je n'ai pas peur. À choisir, je préférais que cela tombe sur moi. Je lui adresse un regard tendre pour la...