*ZÉRO QUATRE*

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  C'est le souffle coupé que je suis tirée violemment de mon sommeil. Un énième cauchemar que je fais depuis quelques semaines maintenant. Toujours cet homme qui me touche, réduite à un objet créé pour le satisfaire. Son visage s'efface difficilement de mon esprit qui lutte pour pouvoir les faire disparaître mais rien n'y fait.

  Je pensais pouvoir faire face à ce genre d'incident, j'ai eu tort.

  Une fois que ma respiration retrouve son calme habituelle, je me décide à me lever puisque le soleil est déjà bien haut dans le ciel.

  Mon père n'est pas présent. Il s'est absenté cinq jours au village d'à côté pour les passer avec Charlotte. Ça lui fera le plus grand bien.

  Le seul bémol c'est que je m'occupe seule du bar le soir, et j'ai cette peur constante de voir cet homme revenir.

  Ce n'est pas le moment d'angoisser, j'ai une longue journée qui m'attend.

  J'attrape un grand récipient où je verse l'eau chaude que j'ai fait chauffer plus tôt pour pouvoir prendre une douche. Ce n'est pas aussi luxueux comme à Sina mais ça suffit amplement. Je dispose d'un petit pot que j'utilise pour verser l'eau sur mon corps et d'un savon.

  Je me sens fraîche une fois munie d'une robe neuve que je me suis offerte le mois dernier. J'exprime ma féminité différemment des autres femmes de mon âge, mais ce n'est pas pour autant que je n'aime pas prendre soin de moi.

  Tout ça, pour aller faire des courses en compagnie de Annie qui doit m'attendre à la place principale.

  De loin, je reconnais avec facilité ses cheveux noirs qui flottent au gré du vent. Je suis surprise de voir deux petits êtres accrochés à elle.

  " Bon matin Lythe ! " s'exclame-t-elle une fois assez près d'elle pour que je puisse l'entendre.

  " Bon matin à toi aussi, dis-moi, ce sont tes enfants ? "

  " Oui, j'espère que ça ne te dérange pas qu'ils soient avec nous, mon mari a dû aller travailler plus tôt aujourd'hui. "

  " Non non, pas du tout ! Ça me fait plaisir de les rencontrer. "

  Je m'accroupis pour être à leur hauteur, histoire de ne pas les intimider encore plus.

  " Bonjour, je m'appelle Lythe et je suis une amie de votre maman, j'espère que l'on s'entendra bien ! "

  J'aborde mon plus beau sourire alors qu'ils me jaugent en silence. C'est leur mère qui les pousse à se présenter.

  " Je m'appelle Lukas. "

  " Anys. "

  Ils doivent avoir 4, voir 6 ans, pas plus.

  " Excuse-les, ils sont méfiants envers les étrangers, " m'indique Annie avec un semblant de gêne.

  " Vaux mieux, au moins tu n'as pas à t'inquiéter qu'ils parlent avec des inconnus ! "

  " Oui, on y va ? "

  De son visage angélique, elle me sourit et j'acquiesce en hochant la tête, la suivant tels que ses deux fils le faisaient.

  Le marché est toujours aussi animé, ça ne change guère des autres jours. C'est plus une excuse pour venir discuter et raconter les derniers ragots. Et en cette belle journée, je ne peux ignorer les avances de l'homme qui vendait des fruits et à qui je prends le temps de parler.

  Grand, blond, charmant, un sourire à en faire tomber plus d'une. C'est tout à fait mon type.

  C'est pourquoi je me surprends à faire la sourde muette à ces tentatives de séduction. Deux mois plus tôt, il se serait présenté devant moi comme il le faisait aujourd'hui, je n'aurais pas mit longtemps pour fricoter avec lui.

Maintenant, c'est différent.

  En cette belle journée, mon esprit est dédié à une autre personne.

  Je quitte Annie et ses enfants après trois heures pour retourner dans ma demeure.

  Je ne l'ai pas revu depuis qu'il s'est confié à moi. Je pensais que si je ne le voyais plus, je finirais par l'oublier mais c'est tout le contraire. Son absence contribue à me faire languir de sa présence.

  Argh, ça fait longtemps que ça ne m'est pas arrivé. Ce sentiment de manque.

  Je me revois encore, en train d'écouter son histoire, celle qui a construit l'homme qu'il est aujourd'hui. De cet être faible à l'humain le plus puissant.

  Avait-il honte ? Avait-il honte d'avoir parler de ces faiblesses ? Avait-il peur que j'en parle à d'autres personnes ? Dans tous les cas, ça ne m'apporterait rien de matériel de faire ça.

  Je ferme la porte puis range les courses. Une fois finie, j'enchaîne avec le ménage du première étage et du rez-de-chaussée.

  C'est quand même bien plus agréable lorsque tout est propre. Maintenant, je peux enfin prendre du temps pour moi.

  La taverne ouvre seulement le soir, pour me laisser le temps de nettoyer les lieux. Les habitués ont compris que le jeudi est dédié au grand ménage de la semaine.

  Avec un beau soleil, je ne voulais pas rester entre quatre murs, je me décide à aller me promener dans les rues de la ville, profitant pour saluer les locaux.

  Sur la place de la mairie, il y avait un crieur. Je m'approche pour entendre les dernières nouvelles alors que certains nous distribuent des sortes de tracts. Avec stupeur, j'observe la pauvre feuille de papier avec intensité.

  C'était lui. Aucun doute. En même temps Caporal-chef Levi était arboré en gras en haut de la page.

  Je me retiens tout de même de rire en voyant le dessin peu ressemblant qu'ils avaient fait. Un nez beaucoup trop imposant et un visage trop rond, la raie n'est même pas au bon endroit. Moins de chance qu'il se fasse attraper avec des affiches pareilles.

  Les dernières nouvelles du bataillon ne sont pas au top. Ils ont accumulé beaucoup trop de pertes matérielles et humaines qui ont mené à l'arrestation du major Erwin Smith et à la dissolution du bataillon d'exploration.

  Sauf que les soldats de cette branche d'armée n'ont pas dit leur dernier mot à ce que je vois. Ils sont en cavale.

  Cette histoire commence un peu à m'inquiéter. Comment vont-ils faire pour s'en sortir ? Je me sens concernée, alors que je ne suis qu'une simple spectatrice qui se nourrit des informations que la royauté nous balance. Est-ce parce que j'ai eu l'exclusivité du point de vue de l'homme dont la tête est mise à prix ?

  La foule réagit rapidement après que le crieur a fini de scander les gros titres. Certains crient de joie et à la satisfaction de voir la fin du bataillon arrivée, 《 moins d'impôts 》 disent-ils, et puis d'autres sont plutôt perplexes. Est-ce réellement une bonne idée d'anéantir notre seul espoir de vaincre les titans ?

  En mon humble avis, je dirais oui et non, le major a beaucoup trop sacrifier de vie, c'est un fait indéniable et je ne le tolérerais jamais, mais ces sacrifices ont été presque vitaux pour l'humanité. Les événements de Sina sont la preuve, ils ont attrapé un autre humain qui se transforme en titan, malheureusement il s'est enfermé dans une sorte de cristal.

  Utilité pour soutirer des informations : zéro.

  Et tout ça contre la vie d'innocents qui n'étaient même pas des soldats, qui n'ont donc pas choisis de sacrifier leurs vies pour le bataillon.

  Lorsque le ciel commence à prendre des teintes dorées, je retourne dans le bar. En temps normal, j'aurais afficher la tête du recherché sur l'un des murs, mais cette fois-ci je préfère garder la feuille pour moi et espérer que rien ne lui arrive.

Il est enfin l'heure d'ouvrir la taverne et je connais déjà le sujet de toutes les discussions de ce soir.

L'homme à la tasse de thé | LEVI ACKERMANOù les histoires vivent. Découvrez maintenant