Espérance

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IV/ Elizabeth

(N.D.A : "The Utlimate Price" de l'animé Violet Evergarden. Je vous conseille vivement de lire ce OS en l'écoutant. Elle m'a vraiment inspirée.)

« Elle signifie tellement pour moi, alors que moi je ne signifie rien pour elle... »

*

- Pourquoi voulez-vous devenir avant coureuse ?

La voix grinçante de Lady Hélène se répercutait dans son bureau et tremblait les murs. Il semblait même que les vibrations de sa voix avaient fait fuir une tribu d'oiseau qui s'envolait telle des points sombres dans le ciel.

Elizabeth fixa ses bottes d'un bleu nuit que la lumière du soleil assombrissait. Elle écoutait les pulsations de son coeur, ceux qui bourdonnait à ses oreilles rouges. Elle tenait fermement ses mains l'une contre elle pour les éviter de trembler. Sa chevelure fauve recouvrait ses pommettes pourpre tachetée.

Elle ne savait pas. Elle n'avait imaginé ni objectifs, ni but précis en foulant pour la première fois le seuil du conservatoire. Sans-pouvoir, banale, elle n'avait rien d'exceptionnelle qui pourrait la différencier de ses camarades, descendants d'esprits de famille.

En cet instant, elle se demandait si elle ne s'était pas trompée de voie. « Impuissante », on l'appelait comme ça dans les dortoirs, quand elle faisait une corvée, quand elle travaillait dans les box. Elle était épuisée de tout ça. Ses nerfs et ses larmes ne tenaient plus devant toutes ces railleries à l'apparence anodines. Elle s'était pourtant jurée de ne pas craquer, de ne pas montrer la faiblesse qui se cachait derrière son air neutre.

Elizabeth était trop faible. C'était sûrement la raison de son échec auprès de la Bonne Famille. Après ses sanglots la veille dans son lit et les rires de ses camarades qui la pointaient du doigt, elle avait fini par obéir à leur plus cher vœu. « Tu n'as rien à faire ici, quitte le conservatoire et on t'épargnera ».

Le tapotement des longs doigts de Lady Hélène traduisait une certaine impatience silencieuse.

Elizabeth se mordait la lèvre. Oui, elle sentait qu'elle ne se trouvait pas sa place. Que faisait-elle vraiment ici ? Dans cette élite dont elle n'atteindrait jamais le sommet.

- Je ne sais pas, murmura-t-elle finalement.

Bien qu'elle eut l'impression qu'elle seule avait entendu ses propres mots sortir de sa gorge enrouée, Lady Hélène sourcilla, comme si elle semblait être en rogne.

Elizabeth avait finalement trouvé le courage de dire sa réponse la plus sincère. Elle ne voulait pas déroger aux lois de Babel en tentant de trouver une excuse qu'elle regretterait d'avoir prononcé devant un esprit de famille.

Lady Hélène la fixa avec une grande intensité. Son appareil optique dirigé vers elle. Sa bouche ogresque émit un faible soupir qu'Elizabeth traduisit par de l'exaspération.

Une idiote voilà ce qu'elle était ! Comment aurait-elle pu penser un seul instant qu'elle méritait de parler à Lady Hélène ? Elle lui avait fait perdre son temps.

Elizabeth finit par bouger. Elle s'accroupit et les doigts tremblants, s'approcha à l'emplacement vide de ses bottes destiné à ses ailes qu'elle aurait dû gagner aujourd'hui. Elle s'arrêta un instant pour scruter la réaction de Lady Hélène.

Ses lèvres pincées lui fit comprendre qu'elle l'interrogeait du regard. Ses doigts prirent son dossier et le scrutèrent. Ses doigts difformes prirent avec maladresse la plume. Les tâches d'encres tombèrent dans le réceptacle comme des gouttes de pluie. Un tic tac imperceptible. Elizabeth ne fit pas perdre plus de seconde à Lady Hélène.

Elle se releva, déterminée. Elle n'aura jamais ces ailes dont elle avait rêvée. Elle ne deviendrait jamais avant coureuse. Elle resterait impuissante, une sans pouvoir résolue à tenir le petit commerce de ses parents.

Elle s'avança du bureau de l'esprit de famille, dégagea ses cheveux fauves de son visage et les repoussa derrière son oreille. Le coeur battant la chamade, les doigts tremblants, elle réussit à poser la main sur sa poitrine.

- Je...je n'ai pas ma place ici, Lady Hélène.

- En êtes-vous sûre, apprentie ... Elizabeth, articula l'esprit de famille en consultant le dossier de cette dernière. Si vous partez, vous ne pourrez plus revenir à la Bonne Famille. Toutefois, si telle est votre décision, la porte est toujours ouverte pour rejoindre votre famille.

Elizabeth hésita. Pourquoi fallait-elle qu'elle perde tout son courage dans ce moment cruciale ? N'était-il pas déjà dur pour elle de se dire qu'elle était trop incompétente pour rejoindre les avants coureurs ? Elle savait qu'elle resterait impuissante, alors pourquoi maintenant elle se disait qu'elle pourrait atteindre son rêve ?

Lady Hélène lui donnait encore une chance de rattraper sa réponse, de réfléchir à sa décision. Est ce que cet esprit de famille donnait-elle toujours un dernier espoir avant de laisser partir ses élèves ou était-ce parce qu'elle croyait en elle ?

Elizabeth se souvint soudain de la fille qu'elle avait été en soumettant sa candidature. C'était il y a trois semaines, et elle comprit qu'en réalité elle n'avait jamais pris la peine de se prendre en main, de se donner les moyens de passer au-dessus des menaces et des réprimandes de ses professeurs, en particulier ceux de Lady Septima. Cette sans pouvoir inexpérimentée qu'elle était, devait enfin grandir et comprendre que son destin se jouait entre ses mains.

Bien qu'elle sentait qu'elle avait fait une erreur en se déclarant impuissante à accédant à la fin de ses trois semaines de probation, Elizabeth avait encore un doute. Si finalement, elle échouait ? Si tout ce temps à travailler d'arrache pied, à combler son manque de pouvoir, n'était qu'une perte de temps. Est ce que Howard Harper et Lazarus avaient-ils douté d'eux mêmes ?

- Cessez de me fixer avec ses yeux humides ! Lady Hélène semblait embarrassée. En tant que membre du jury, je ne devrais pas vous influencer quant à votre décision mais... vos idées sont prometteuses, ce serait dommage qu'elles tombent dans l'oubli.

Lady Hélène faisait référence à ses encodages, bases de données et une esquisse de consultation personnel destinée à cette dernière. Ces vagues projets qu'elle avait pris soin d'y réfléchir. Ces nuits blanches et tout son temps libre étaient passés par l'élaboration d'un système qui pourrait faciliter les échanges et les communications au sein du Mémorial.

Elizabeth n'avait jamais songé que tout ce brol aurait pu intéresser un esprit de famille.

Ainsi, on croyait en elle. Et pas n'importe qui. Une femme qu'elle admirait, et elle pensait qu'elle avait sa place. Elizabeth s'inclina et ne put effacer le sourire qui se dessinait sur ses lèvres. Un sourire sincère depuis son entrée à la Bonne Famille. Quelques larmes de bonheur perlèrent sur ses joues.

- Merci Lady Hélène de croire en mes idées. Je ferais tout mon possible pour qu'elles améliorent le Mémorial. Je crois savoir pourquoi je veux être avant coureuse.

Lady Hélène avait déjà sorti les ailes de sa main et les avait posé sur son bureau, prête à les épingler à ses bottes. Elle fixait l'apprentie longuement, attendant sa réponse et ignorant la boule de chaleur qui se formait dans sa poitrine d'ordinaire aussi froide qu'une armoire à glace.

Elizabeth inspira, et essuya d'un revers de manches ses yeux humides. Elle tenta de reprendre son air neutre, en vain par ce sourire qui ne voulait pas s'échapper de ses lèvres.

- Pour bonifier la cité et le Mémorial.

۰۪۫L۪۫۰۰۪۫a۪۫۰۰۪۫c۪۫۰۰۪۫u۪۫۰۰۪۫n۪۫۰۰۪۫e۪۫۰۰۪۫s۪۫۰Où les histoires vivent. Découvrez maintenant