Chapitre 7

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J'avais maintenant 13 ans. Il ne restait plus que trois ans avant que mon père ne soit enfin libéré. Il m'avait vu grandir à travers des tas de photos que lui apportaient Maya toutes les semaines accompagnées d'une lettre, dans laquelle je lui racontais mes exploits à l'école, puis au collège, et dans des tas d'autres domaines. Il m'y répondait. Pour la première fois, Mathias avait pris contact avec papa par correspondance comme moi. Ils avaient crée un lien père-fils qui me touchait. J'étais en cinquième. Je suivais des cours de danse. Pas ceux avec un tutu rose et des pas chassés. Non! Des cours de chorégraphie. Cela ressemble un peu à de la zumba mais en plus strict et plus synchro. Notre club s'était inscrit au concours national de chorégraphie. Louise et moi étions les deux meilleures du groupe selon le coach, Charly. Louise est ma meilleure amie depuis le CP.

Quant à Caroline, elle avait divorcé de son mari. Ils ne se supportaient plus. Elle avait la garde exclusive de ses deux filles que je n'avais pas rencontré lorsqu'elle m'avait recueillie. Je n'étais pas resté assez longtemps. Océane avait eu 18 ans en juin et Sarah en avait bientôt 13. Caroline avait retrouvé quelqu'un, Christopher. Ils avaient emménagé ensemble le mois passé. Christopher a une fille, Louëla, âgée de 8 ans, et un fils, Benjamin. Il a mon âge. On passe tout notre temps ensemble. Je le considère comme un frère. Mais je ne parle pas beaucoup de lui à Mathias. Il est d'un tempérament jaloux et possessif.

Maya les avait invités à venir manger un barbecue à la maison le dimanche. La veille de leur venue, elle avait préparé une salade de riz. Nous avons profité du beau temps pour manger dehors. La fin de l'été approchait mais la température restait agréable.

Maya me demanda :

- Ina, tu sais quand aura lieu la réunion d'informations pour le concours.

- Je ne sais pas. Cela fait deux semaines que Charly ne s'occupe plus de nous. Il passe son temps dans son bureau. C'est Anna, sa stagiaire qui nous entraîne. Il refuse qu'on le dérange. Tu devrais lui téléphoner.

- Oui, je le ferai. Ça te dérangerait si je venais te voir à la répète de mercredi? J'ai du temps à revendre en ce moment et je voudrais en profiter avec vous deux.

- Pas du tout, ça me ferait très plaisir. Toi aussi tu peux passer, Mathias, tu sais?

- Non, merci. J'ai mieux à faire que de te voir te trémousser, dit-il si froidement que j'en fus vexée.

- Et qu'y-a-t-il de si important qui puisse t'empêcher de voir ta sœur se trémousser au milieu de nombreux garçons? demandai-je sur le ton de l'ironie pour cacher ma peine et le rendre jaloux afin qu'il y change d'avis.

- Je vais essayer d'intégrer un club de foot à part entière.

- Mathias!!! Je t'avais pourtant dit de ne rien lui dire, intervint Maya en criant.

- C'est génial, mais pourquoi n'aurai-je pas dû être mise au courant?

- Si je suis pris, je déménage. Je quitte la ville. Je ne reviendrai presque plus. Je n'aurai plus une seconde à moi.

- Effectivement, Maya tu as raison. Je ne mérite pas de savoir que le talent de mon frère va le porter loin de moi!

Je partis en courant. Je m'assis sur les marches du perron comme je le fais chaque fois que je veux être seule. Mathias s'accroupit derrière moi et posa ses mains sur mes épaules. Je n'étais plus d'humeur à écouter ses justifications débiles et sans intérêt :

- Pourquoi ne m'as-tu rien dit?

- Parce que je t'aime et que je savais à quel point ça t'aurait fait de la peine.

- Je ne peux pas vivre sans toi. Toi et Maya êtes les seules personnes qu'il me reste. Je ne veux pas te perdre toi aussi, dis-je en pleurant.

- Tu sais que c'est mon rêve depuis tout petit et tu me demandes de renoncer maintenant que je suis sur le point d'aboutir à ce que j'ai toujours voulu.

- Et tes études? Tu n'as même pas 13 ans Mathias!

- On suit des cours là bas. Et alors? Je n'ai pas à me justifier, bordel! C'est ma vie, mon choix et tu n'as pas ton mot à dire. Si tu ne le comprends pas, c'est vraiment que tu es une égoïste.

Je ne pouvais pas en entendre plus. J'avais besoin de réconfort et la seule personne qui pouvait me l'apporter c'était Caroline.

Lorsqu'elle m'ouvrit la porte et qu'elle vit mon visage remplit de tristesse, elle me dit pour me changer les idées :

- Je t'ai déjà dit que le mascara te fait pleurer, mais comme d'habitude, tu ne m'écoutes pas.

Je ne souris même pas, bien que la blague fut très drôle. J'étais tellement bouleversée. Je fondis en larmes tout en lui racontant ce que je venais d'apprendre. Elle me conseilla :

- Tu ne devrais pas te disputer avec lui. Vous seriez en froid pour son départ et tu le vivrais trop mal.

- Tu as raison. Je devrais aller lui parler.

Une main se posa sur mes épaules. Je reconnus cette fermeté et cette douceur qui pouvait n'appartenir qu'à Benjamin. Il me demanda :

- On devait se voir?

- Merci beaucoup Caroline. Je ne viens pas ici que pour toi tu sais, fis-je d'un air narquois À demain pour le barbecue.

- A demain ma grande.

Lorsque je fus de retour à la maison, il n'y avait pas un bruit. Je pris une assiette de salade de riz et un verre d'eau puis je me mis à mes révisions. J'avais beau être en vacances, il ne fallait pas que je me repose sur mes lauriers. Je ne pus me concentrer. Je ne savais pas où était Mathias. Maya devait s'occuper de ses comptes. Je m'assis sur le lit de Mathias en serrant très fort contre moi, le lapin qu'il a toujours gardé dans sa table de nuit. Je crois qu'il avait peur que ses potes se foutent de lui si ils le voyaient.

- Ina!!!!! Pour la troisième fois petit déjeuner!

J'ouvris les yeux. Je m'étais endormie dans le lit de Mathias. Il n'était pas dans la chambre... Mais où avait-il dormi? Il était 8 heures.

Je descendis les marches quatre à quatre :

- Maya où est Mathias?

- Dans ma chambre. Il est rentré tard.

J'ai remonté les marches de la même manière que je les avais descendues. Je vis Mathias face à la fenêtre.

- Tu étais où?

- Je n'ai aucun compte à te rendre!

- Mathias, je ne veux pas qu'on s'engueule. Je veux juste m'excuser.

- De quoi? De croire que je ne t'aime pas, que ça ne va rien me faire de partir et de ne plus te voir tous les matins, joyeuse et mal coiffée.

- Non tu ne m'aimes pas. Tu es près à me fendre le cœur un peu plus encore. Il ne me restera plus que Maya.

- Je te connais par cœur. Tu essaies de me faire culpabiliser. Je ne regrette vraiment pas mon choix quand je vois comment tu réagis. Ne m'adresse plus jamais la parole!

Il quitta la pièce, me bousculant au passage. Il cria :

- Et tu peux garder ce maudit lapin!

Je m'aperçus que je le tenais toujours serré dans ma main gauche. Je réalisais que je venais de perdre mon frère. Il ne me restait rien de lui que ces souvenir de lui et moi au réveil, au repas, dans le canapé...


Une histoire de familleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant