001 | Répit

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━━━━━━━━ Août

L'imprévisibilité; cette absence de stabilité. Un phénomène susceptible de tout détruire. C'était la variable inconnue d'une équation. Une variable ayant le pouvoir de détruire cet équilibre qui ne tenait qu'à un fil. Ne pouvions-nous donc rien prévoir?

C'est ce qui rendait le futur si angoissant. Il n'y avait aucune route aisée vers l'avenir. C'était un chemin long et difficile, tapissé de défis. Il fallait contourner les embuches et grimper péniblement par-dessus les obstacles.

Le futur créait cette anxiété d'anticipation qui nous envahissait, nous paralysait, nous hantait. Une simple déviation pouvait complètement changer notre trajectoire, la rendant sinueuse et incertaine. Cette appréhension face à l'avenir créait de nombreuses craintes irrationnelles.

Craintes que Charlie, une simple fille à qui on avait tout pris, devait subir chaque jour.

Charlie Dupuis s'était tracé une trajectoire bien planifiée. Victime de l'imprévisibilité, elle était retenue par ses peurs. Une blessure d'une douleur poignante et destructrice lui avait laissé des cicatrices bien profondes.

Pourtant, à première vue, c'était une jeune femme conforme à la norme habituelle. Elle souriait. Elle devait courir pour attraper son bus les matins où elle avait osé s'accorder quelques minutes de sommeil de plus. Elle se cognait le petit orteil sur le coin d'une porte. Elle était passionnée par les fictions, lui permettant d'oublier un instant la réalité. Elle prétendait faire attention à sa santé, tout en allant en secret au McDonalds, comme si ne pas le dire effaçait l'acte. Elle avait peur de la mort.

Tout chez elle semblait la lier à la normalité. Mais qui l'était réellement?

Toutes les actions de Charlie étaient réfléchies. Ses plans, ses relations, son temps, ses émotions, son corps; tout y passait. C'était ce qu'elle avait trouvé de plus rassurant dans ce monde instable et inquiétant.

Alain Ehrenberg a dit : «Chacun doit endurer la charge de s'adapter en permanence à un monde qui perd précisément de sa permanence

Parce que, malgré tous les efforts de Charlie, il y avait toujours cette variable inattendue qui venait tout chambouler. Elle était à l'origine même de ses paniques et ses incertitudes.

C'était la variable incontrôlable.

Une variable telle que la météo. Un orage surplombait Montréal en cette fraiche nuit d'été. La saison chaude s'achevait, laissant doucement place à une brise nocturne. Dans cette obscurité presque totale, la pluie battante rendait cette nuit mélancolique.

Le ciel était chargé d'électricité, des éclairs illuminaient parfois la rue sombre et déserte. Le quartier était paisible, en parfaite contradiction avec la température. Le vent se faufilait entre les feuilles des arbres, s'harmonisant avec le bruit des gouttes tombant au sol.

Épuisée, Charlie transportait sa lourde valise. Une douleur bien présente dans son épaule droite reflétait la fatigue physique de son corps. Le souffle court, elle sentait l'eau s'infiltrer dans ses souliers, accentuant son inconfort.

Dernière en ligne, la jeune fille suivait sa famille, essayant tant bien que mal de protéger son visage de la pluie à l'aide de sa main libre. La famille Dupuis revenait tout juste de l'aéroport Pierre-Elliott-Trudeau, après un voyage de deux semaines à Londres.

Au delà du lien du sang, de profondes blessures soudaient cette famille. Leurs cicatrices étaient une conséquence directe de l'imprévisibilité. Une horrible tragédie. Ils restaient, cependant, profondément heureux. Ils souriaient, riaient, s'épanouissaient. Mais ce vide, cette sensation de manque, les suivait constamment.

DétourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant