Chapitre 1

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En ce Lundi matin d'automne, je m'apprêtais à débuter une énième journée de travail. Dans ce bus que je prends quotidiennement, je ne peux m'empêcher de penser à mon avenir professionnel. Je suis journaliste au Time, à New York, depuis maintenant cinq ans. Enfin, journaliste, c'est un bien grand mot. Mon statut est plutôt celui d'une assistante en rédaction. Le but de mon travail est de relire et rédiger les articles de mes collègues réellement journalistes. J'ai de temps en temps des missions de terrain, mais rien de très intéressant. Des faits divers plutôt récurrents comme un bijoutier sujet à la petite délinquance ou encore une manifestation salariale dans le supermarché du coin. Les sujets croustillants ne me sont pas pour le moment réservés. Peut-être qu'un jour, je trouverais l'opportunité d'évoluer dans ma carrière. Je n'ai pas à me plaindre, c'est déjà bien que j'aie un travail dans le milieu dont j'ai fait mes études. Il suffit d'attendre qu'une place se libère et de faire ses preuves en patientant sagement. L'avantage est que je m'entends plutôt bien avec mon équipe, que mes supérieurs ne se plaignent pas de ma personne et que j'accepte les heures supplémentaires sans rechigner. En plus, de d'autres inconvénients liés à ce domaine d'activités.

Et pourtant, l'envie d'aller sur le terrain ne me quitte pas l'esprit. Notre monde d'aujourd'hui a de quoi se montrer hollywoodien dans la rédaction journalistique. Rien qu'en écoutant les autres passagers du bus, nous pouvons déjà comprendre comment s'est rythmé la vie policière la nuit dernière. Ils n'ont qu'un mot à la bouche, « Chasseurs ». Chaque personne sur cette terre entend ou lit au moins une fois par jour ce terme. Que ce soit à la télévision, dans les journaux, en discutant avec d'autres personnes... Et non, ils ne parlent pas de la chasse aux lièvres ou aux cerfs du week-end dernier. Bien que le schéma soit le même, ce n'est pas nous qui chassons d'autres bêtes vivantes. Il s'agit plutôt du contraire.

Nous vivons dans un monde complexe où nous, êtres humains, sommes à la merci d'un certain nombre d'individus. Nous les nommons Chasseurs et ceci résume bien l'état d'esprit dans lequel la population vit. Il est difficile pour nous de lutter contre eux. Nous ne comprenons pas leur agissement, nous ne savons rien d'eux, nous ne savons pas s'il s'agit d'un gang, d'un groupuscule extrémiste, d'une secte aux traditions macabres ou de toutes autres choses inexplicables de façon rationnelle. Même la Zone 51 est plus explicable. Cela nous échappe au point que même les gouvernements touchés par ce phénomène assument de ne pas réussir à le régler et de ne pas de trouver de solution efficace. Nous avons donc des sections spéciales qui s'ouvrent un peu partout dans le monde entier, avec des agents spéciaux qui tentent de lutter contre cette chose si spéciale. Ces derniers s'appuient sur les journalistes, le travail est plutôt collaboratif la moitié du temps. Mes collègues relatent les faits, annoncent les trouvailles de la journée et de la nuit pendant que les agents du gouvernement tentent en vain de créer du lien et de trouver des explications. Pour autant, nous ne sommes pas devenus les meilleurs amis du monde. Certains journaux n'hésitent pas à attaquer ces sections qui pour eux ne servent pas à grand-chose. Cela n'est pas forcément faux, mais tout comme pour les Chasseurs, nous ne savons pas grand-chose de leur véritables actions et raisons d'agir. Au final, nous ne sommes qu'ignorants et nous ne pouvons que le rester face à tout ça.

Mais si je suis devenue journaliste, c'est parce que je veux comprendre ce monde dans lequel nous vivons. Pourquoi n'arrivons-nous pas à résoudre le problème ? Ou du moins à le limiter ? La criminalité lambda est gérée, plus ou moins efficacement mais au moins, nous arrivons à agir dessus. Les Chasseurs.... Nous ne faisons qu'ajouter des noms à la liste des personnes décédées, à annoncer les faits à la télévision, à entretenir une peur plus que justifiée... Nous ne faisons rien de plus. Je ne veux pas être vantarde et me dire que je peux régler la situation. Bien au contraire. Mais je veux chercher à la comprendre. Cela dure depuis des années, quand est-ce que nous connaîtrons le début d'une fin ?

Darkness In ParadiseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant