Chapitre 3

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J'avais émis une réaction sur le changement de couleur d'yeux de notre professeur et son assistante se transforma sur le champ en papillon pour se poser sur son nez, la réaction ne se fit pas attendre, il esquissa un mouvement vers l'arrière mais se reprit rapidement. Il dégagea son assistante d'un geste de main, elle changea de forme pour redevenir humaine avant de s'éclater contre le mur. Le visage de M. Tempus changea brusquement. Il jura et s'empressa d'aller aux côtés de son assistante, comme nous tous. Celle-ci se releva et le regarda dans les yeux.

— Interdiction formelle d'arrêter le temps en cours, sauf en cas de danger de mort... Pour le bien de ces enfants, et le mien...

Elle rassura tout le monde sur son état et nous renvoya chacun à notre place. Assise derrière les jumeaux, je pouvais entendre tout ce qu'ils disaient. Et Rhea s'adressa à son frère.

— Bon, elle n'est pas réellement blessée et puis on a pu apprendre les pouvoirs de nos profs, c'est déjà ça !
— Rhea, je sais pas comment tu fais pour toujours voir le bon côté d'une situation...
— Syl', ça doit pas être la première fois qu'elle se prend ce genre de coup, ça se voit à sa réaction. Elle a immédiatement su quelle forme prendre pour minimiser des dégâts... Donc, non, je ne fais pas que voir le bon côté...

Elle se replaça correctement et fit mine de bouder son frère. M. Tempus recommença à répondre aux questions des autres.

— Mais du coup, He Shui peut geler l'eau s'il veut ?
— Peut-être Aodh...
— Et pour Akash, c'est quoi son don ?
— Je maîtrise l'espace.
— Genre, les étoiles et tout ?
— Non, ce genre d'espace.

Il plaça sa main entre eux et fit une pichenette. Ce qui agrandit la pièce et envoya Aodh tout au fond. Il remit la pièce dans son état normal et regarda Aodh avec une certaine fierté.

— C'est trop bien ! C'est plus original que le feu ! Et Manjeet, elle lit dans les esprits ?
— Oui, je peux. Mais je n'utiliserais pas mon don pour deviner à quoi tu penses...

J'avais répondu d'un ton détaché, espérant qu'il me lâche. J'avais devancé sa question, elle était si évidente...

— Bah tu l'as pas fait là ?
— Non, j'ai devancé ta question parce qu'elle était prévisible.
— Monsieur ? Est-ce que je pourrais faire pousser plus que des ronces ?
— Je n'en sais rien, t'en sens-tu capable ?

Je pouvais sentir la joie émaner de Sylvan, il se voyait déjà ériger des murs d'arbres pour tous nous protéger. Et Rhea le sentait aussi puisqu'elle se mit à rire avant de murmurer une « Ne t'y crois pas trop ! » à son jumeau. Puis la sonnerie retenti. Et M. Tempus lâcha un « J'avais dit que je n'aurais pas le temps de faire cours... » tandis que Mademoiselle Sierra nous remercia d'être venus et s'excusa d'avoir empiété sur une de nos heures de cours. Par chance, mon cours avait été annulé car la professeur était absente.

On sortit tous de la salle pour aller dans nos cours habituels. Seuls,les jumeaux et le couple étaient dans la même classe, sinon, on était tous séparés. C'était sans doute mieux, pour nous.

— Manjeet ! S'exclama une voix aiguë en traînant le « e » T'étais passée où ? On avait une heure de perm' et tu nous as lâchées !
— Désolée, j'avais... Un appel urgent de mon père, on a passé l'heure à discuter...
— C'pas grave, mais t'évites de nous laisser sans rien dire la prochaine fois...
— Bien évidemment !
— Bon, on a maths ! Tu sèches avec nous ?
— Je ne peux pas, je t'ai déjà dit que si mon père apprend que j'ai séché, il me tue.
— Bon, bah on se retrouve après !
— Ouais, à plus...

«J'en peux plus d'elle !» « Elle ne fait jamais rien comme nous, pourquoi on la garde ?» J'en peux plus d'entendre leurs esprits, je sais toujours tout ce qu'ils disaient, disent et diront. Comme si j'étais dans leur esprit, comme si... Mes dons m'empoisonnent la vie, c'est tout. En attendant de pouvoir entrer en classe, adossée contre le mur, je croise le regard d'Esen, dans la même position que moi, mâchouillant le cordon de son collier, dont le pendentif une lune avec écrit « I love you to the moon and back » et le cœur avec un « grandma'» gravé, indiquait oh ! Combien elle aimait cette dernière. Elle me regarda et sourit. Toujours le cordon en bouche. Je lâcha un petit rire et ma professeure arriva avec la sienne. Elle me fit un petit signe de main avant d'entrer en classe, et je passa le seuil de la mienne. Le cours, passa, semblable à tous les autres, sans grand intérêt. Il me suffisait de lire dans l'esprit de mon professeur pour avoir accès à tout ce dont j'avais besoin. Je connaissais déjà son cours par cœur. Je faisais mine d'écouter, sans jamais participer. Les cours passèrent et la fin de la journée arriva assez lentement. J'avais, à plusieurs reprises, croisé les autres «bénis ». C'est fou, il suffit de connaître une personne pour se rendre compte qu'on la croisait régulièrement sans lui prêter attention. Combien de personnes intéressantes avais-je manqué de cette manière ?

BlessedOù les histoires vivent. Découvrez maintenant