XI- Là où tout a commencé

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On s'était donc fait largué au centre d'une forêt, seul un petit chemin de terre s'éloignant de la cabane décrépite qui nous faisait face s'enfonçait dans les sous bois. Plus loin, en bordure de celui-ci se trouvait ce qui semblait être une vieille mine ou autre. On partit donc en direction de celle-ci, de toute façon on avait pas trop le choix puisqu'il n'y avait qu'un seul chemin. En approchant je remarqua qu'il n'y avait plus d'arbres autour du bâtiment. Celui-ci devait être une scierie au son caractéristique qui s'en échappait.
Après quelques virages, carrefours et une demie heure de marche, on arriva devant une jolie maison en planches bien que pourries pour la plupart d'entre elles. Un petit jardin la bordait ainsi qu'un petit espace déboisé. La propriété n'était visiblement délimitée par aucune clôture et était seule, paumée dans cette marée de vert.
Toujours précédé par notre guide, on se trouvait maintenant devant l'entrée. Masahiro toqua à la porte, des bruits de pas rapides se rapprochant émanait de l'intérieur. La porte s'ouvrit dévoilant une jeune femme. Dans la trentaine, de taille moyenne. Elle était visiblement une humaine lambda, elle ne possédait à première vue aucun attribut d'une quelconque autre espèce. Ses cheveux roux et ses yeux vert était tout à fait normaux. Ses vêtements, une salopette de cuir usée sur les vêtements blancs simples traduisait néanmoins une certaine pauvreté. Masahiro entrepris de nous présenter.
« Bonjour Madame, Masahiro Duval, lieutenant au département des enlèvements et disparitions. Je suis là à propos de la demande que vous avez formulé sur l' ARHM. »
Il lui tendis la feuille métallique que nous avions si précieusement apporté jusque ici. Elle la prit fébrilement des mains du policier, la lut attentivement sûrement pour vérifier que ce n'était pas un rêve. A peine finit elle la dernière ligne qu'elle fondit en larmes. Par soucis de discrétion, même si on était paumé dans les sous bois, ou juste par commodité, Masahiro demanda si on pouvait rentrer. Elle nous fit signe de la suivre et on s'installa dans le séjour. Les planches était apparentes à l'intérieur, la seule déco consistait en quelques tableaux de faible valeur parsemés sur les murs nus. L'aménagement intérieur se limitait au canapé usé sur lequel on s'était assis, quelques chaises que l'on avait emprunté à la cuisine, qui se résumait elle-même a une kitchenette rouillée. La table trônait dans un coin de la pièce et le couvert n'avait pas encore été débarrassé. Une petite table basse qui était en réalité deux palettes superposées nous faisait face. Masahiro y déposa le dossier qui, on ne le dira jamais assez, désespéramment vide.
« Comme je vous l'ai expliqué dans l'entrée, on est là pour... votre enfant si je me trompe pas. Disparut il y a maintenant seize ans.
-Oui c'est bien ça... répondit-elle fébrilement.
-Et comme vous pouvez le constater, dit-il en ouvrant le dossier, aucune information... »
Face à l'abstention de l'intéressée toujours en larmes, Masahiro insista encore un peu.
« Vous savez, on ne peut absolument rien faire sans point de départ, il faut absolument que vous collaboriez aussi dur soit-il.
-Savez-vous ce que ça fait de perdre un enfant ? Demanda-t-elle à mi voix après un instant de silence. »
Non on savait pas, mais on avait connu quelque chose comparable voir encore pire : tout perdre au moment où tu est déjà complètement paumé. Et bien que cet argument soit indubitable, c'était quelque chose que l'on pouvais pas dire. Déjà par respect, elle était sous le choc et devait avoir trouvé le temps long. Elle devait d'ailleurs nous en vouloir d'avoir du donner une valeur marchande à son enfant pour que quelqu'un daigne s'y intéresser. Et secondement car, tout comme ça aurait été le cas dans notre monde, un type serait on ne peut plus louche s'il se la ramènerait en disant qu'il était mort dans un autre monde avant de ressusciter. Le mieux dans cette situation était de se contenter d'acquiescer.
Finalement, malgré les difficultés apparentes à faire resurgir le passé, elle nous expliqua tout ce qu'elle savait. L'enlèvement avait eu lieu directement à la maternité. Et ceux, sans qu'elle puisse s'en rendre compte car les médecins avaient alors pris en charge le nourrisson. Le problème est que, au moment de le récupérer, le nouveau né avait disparut sans laisser de trace. Tout de suite une première piste se profilait, dans un établissement sécurisé avec du monde en permanence dans les couloirs, comment pouvait-on enlever un bébé qui de base est censé crier à t'en rompre les tympans ? Alors soit le mec qui avait fait ça était très fort, soit il y avait eu des magouilles dans le staff de la clinique. Hors mis cette piste rien n'ouvrait de nouvelles pistes. Elle nous a juste informé des quelques recherches qu'elles avait faites mais qui s'était avérés peu fructueuses. Sauf peut-être sur une éventuelle piste : l'esclavagisme. Et oui comme partout les uns cherchent à dominer les autres sur des jugements on ne peut plus subjectifs. Chaque critère de différence devenait sujet à discrimination et ce monde n'y faisait pas exception. On souhaite toujours aux morts de partir pour un monde meilleur mais voilà la réalité : chaque monde est aussi pourris que l'autre. L'utopie était relégué à une simple fiction. Les faits que Masahiro confirma étaient que les Beastmen étaient particulièrement sujet à ce genre de soumission et ce dès le plus jeune âge. Pour être réaliste la plupart des dossiers auquel il avait eu affaire les concernaient. Une tendance qui ne semblait pas prête à s'inverser avec la révolution industrielle que connaissait actuellement ce monde. La forte croissance avait pour effet de faire émerger la classe moyenne et riche qui s'entouraient alors de domestiques. Le nombre de serviteurs en était alors devenus un critère de richesse. Face à la pénurie de main d'œuvre, car ce job n'avais rien d'attrayant, l'esclavagisme s'est profilé comme la réponse au problème n'étant pas officiellement interdite. Les adultes étant trop durs à faire disparaître, un véritable trafic d'enfants fit son apparition. La loi ne stipulant que seul le kidnapping était un crime, l'esclave une fois mis sur le marché ne posait alors plus aucun problème aux trafiquants. Les ventes se faisait même dans les rues comme tout autre commerce sans que le vendeur ne puisse être inquiété pour ses actes. La difficulté à démonter les réseaux résidait dans le fait que rien n'obligeait aux revendeurs de dénoncer leurs fournisseurs aux autorités.
Un réseau de kidnappeurs avait d'ailleurs été démonté quelques jours avant notre arrivée. C'est tout ce que nous savions à l'heure actuelle mais c'était toujours infiniment plus que ce que nous avions au début. L'interrogatoire touchait alors à sa fin, Masahiro rassembla les feuilles qu'il avait rédigé pendant celui-ci dans le dossier. La maîtresse de maison nous ramena à la porte et alors que l'on s'apprêtait à sortir l'inspecteur se retourna vers cette dernière.
« J'y pense, votre mari n'est pas là ? Demanda t-il.
-Non il travaille, il devrait rentrer pour midi. Elle jeta un coup d'œil rapide à la pendule. Voulez vous attendre pour l'interroger ?
-Pas besoin. Il aura sûrement la même version que vous... Juste, si vous avez de nouvelles informations transmettez les aux autorités. »
Elle se contenta d'hocher la tête. Pour notre part on repris le chemin dans l'autre sens.

Pour faire court, on avait repris le train afin de rejoindre la ville voisine et pris un repas sur le pouce. Le temps de chercher une auberge pour la nuit et de quoi manger le soir même, le soleil avait atteint l'horizon. Masahiro avait pris rendez vous à la clinique pour le lendemain.
On avait chacun pris nos douches et préparé les chambres. Ces dernières était très simples en accord avec le prix (très) bon marché que l'on avait payé. Le temps que l'on mange le soleil était couché. Je ne sais pas si je commençais à perdre la notion du temps mais je trouvait les jours de plus en plus courts. Pour ce qui est de la... heu des lunes elles commençaient à se juxtaposer dans le ciel. Je ne sais plus si je vous ai dit qu'il y avait deux lunes mais l'une couleur rouge rose était en train de cacher la seconde qui tendait plus sur le bleu pastel. J'allais faire part de mes observations a notre guide et lui demander pourquoi il y en avait deux (après réflexion c'était stupide, pourquoi il ne pourrait pas y en avoir deux ?). Mais Karan me devança avec une remarque encore plus stupide.
« Wouah mec regarde la lune on dirait un logo MasterCard ! »
Masahiro regarda le ciel et se figea sur le coup, comme le sang glacé par la l'effroi.
« Merde ! S'exclama t-il. Déjà ?! Manquait plus que ça ! »
J'ai alors très vite compris que je n'aurais pas ma réponse tout de suite. Quelque chose de terrible se préparait et j'avais le pressentiment que l'on allait y être impliqué.

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