GDCP : Tome 8 - Sophitz

Chapitre 5 : Blessure

Sophie soupira. Le cœur lourd, elle ne pouvait se sortir ses dernières pensées de la têtes.

"Je veux qu'il souffre.
Je veux que Fitz ressente le supplice qu'il me fait subir.
Je veux ne plus jamais voir cet air horrifié sur son visage.
Je veux qu'il arrête de me faire sentir coupable de quelque chose dont je ne suis pas responsable.
Je veux qu'il souffre.
Je veux qu'il meure."

Elle pressa ses poings sur ses yeux pour empêcher les larmes de couler. La douleur lui transperçait le cœur, se coulait dans les fêlures de son esprit, émiettait petit à petit sa volonté. Sophie voudrait oublier. Réécrire le passé. Faire en sorte de ne jamais avoir pensé... ça. 

Mais c'était, bien sûr, impossible.

Les yeux rougis et le cœur brisé, Sophie tira sur sa tunique rouge sang. Si elle n'avait absolument rien, alors comment se faisait-il qu'elle ai voulu... faire du mal à Fitz ? Cela n'avait proprement aucun sens... A moins qu'elle ne soit réellement en train de devenir une meurtrière.

La jeune elfe se précipita dans sa chambre, passa une chemise de nuit en vitesse et s'effondra sur son lit. Ses yeux se fermèrent, et elle s'endormit bientôt d'un sommeil de plomb.
Plus tard dans la nuit, Iggy se glissa hors de sa cage mal refermée, et vint se blottir contre l'oreiller trempé de larmes de sa maîtresse...

*

Sophie fut réveillée par une forte odeur, assez... incommodante. Elle découvrit d'abord sur son oreiller une sorte de bestiole à longues tresses roses et noires à paillettes, qu'elle s'empressa de balayer d'un revers de la main dégouté -avant de se rendre compte que c'était son lutin, victime une fois de plus d'un des fameux élixirs de Dex. Elle rit de bon cœur en voyant la petite boule de poil se relever difficilement, pour finalement revenir à tire-d'aile dans sa cage et bouder Sophie, le dos tourné.

- Oh, ça va, Iggy, ne fais pas ton ronchon d'aussi bon matin... Tu es très beau comme ça, très... hum... rock star à paillettes ! Je t'assure.

Elle passa sa main dans la cage, et le lutin vint bientôt y frotter sa tête. Pour manifester son contentement, il lâcha un pet retentissant et très odorant, qui ne manqua pas de faire rire (et tousser) la jeune fille. L'odeur passée, elle aperçut entre les barreaux une petit bout de papier. Glissant deux doigts dans la cage, elle saisit la missive et la déplia.

" Salut Sophie ! Biana tenait absolument à relooker Iggy jusqu'au bout, j'espère que le résultat est à la hauteur de ses espérances ! Ne t'inquiètes as, j'ai encore plein d'autres élixirs en réserve, tu auras des surprises encore longtemps... A demain ! Dex"

Sophie se crispa légèrement. Le souvenir des bracelets de Dex, puis de leur "baiser", lui revint en tête. Mais elle chassa bien vite ces pensées de son esprit. Dex était un ami seulement, maintenant. Elle ne devait pas se comporter différemment d'avant avec lui sous prétexte qu'il lui avait fait une déclaration d'amour. Et pourtant... C'était difficile maintenant de faire comme si rien ne s'était passé. Pas seulement les bracelets et la déclaration... Mais aussi le diadème qui servait à canaliser les pouvoirs de Sophie, la bague... Toutes ces choses qui faisaient qu'à présent, une gêne s'installait entre eux deux lorsqu'ils leur arrivait de se remémorer ces aventures.

Sophie secoua la tête. "Tu es beaucoup trop superficielle, ma pauvre : Dex est ton meilleur ami, et ça ne changera jamais. A toi de faire disparaître cette tension entre vous deux."

Sophie prit une tunique verte dans son armoire, et l'enfila après avoir enlevé sa chemise de nuit. Elle noua autour de sa taille une ceinture dorée en tresse, et chaussa des bottines -dorées elle aussi. Enfin, elle s'attacha les cheveux en queue de cheval et les noua avec un ruban (doré, encore et toujours). Déterminée, elle attrapa la cape réglementaire de Foxfire et sortit de sa chambre.

*

Sophie arriva à Foxfire un noeud dans la gorge et les mains moites. Qu'allait-elle pouvoir dire à Fitz ? Et à Dex, Keefe, Tam, Lihn, Biana... ? Anxieuse, elle fit le vide dans son esprit, et inspira une grande bouffée d'air en tremblant.
Les couloirs de Foxfire était rempli d'élèves, comme d'habitude. Mais il y avait quelque chose de nouveau dans l'air, de différent... Comme d'habitude, les jeunes elfes se retournaient sur son passage. Mais là... Ils ne se moquaient pas, ne la regardaient pas avec curiosité ou admiration, non... Ils riaient. Tous. Beaucoup plus que d'habitude.
 Le bruit dans les couloirs enflait de plus en plus. Sophie, de plus en plus mal à l'aise, pressa le pas jusqu'à son casier. Encore loin de celui-ci, elle intercepta une bribe de phrase d'une 4ème année surexcitée :

- ...Rends compte ?! Je suis dessus !! Je viens de le recevoir...

Sophie rangea ses livres d'alchimie et d'histoire elfique dans son casier. Aucune trace ni de Fitz, ni d'aucun de ses amis. Elle se sentit soulagée malgré elle : plus la confrontation avec eux retarderait, mieux elle se porterait. Un peu plus légère, elle fit volte-face... Pour se retrouver nez à nez avec Stina Heks. Agacée, elle soupira.

- Qu'est-ce que tu veux ?

Stina eut un sourire en coin, et elle rejeta ses cheveux bruns et bouclés en arrière.

- Tu n'es jamais au courant de rien, Foster, mais là, ton ignorance prend des proportions étonnantes...

- Viens-en au fait, Stina !

La jeune fille marqua un temps de silence, consciente de son petit effet.

- Tu ne sais même pas que ton cher petit Fitz a déjà envoyé les faire-part pour sa "grande cérémonie" ?

Sophie sentit une pierre tomber dans son estomac. Non... Ce ne pouvait être...

- Je vois que tu commences à comprendre. Et si, Sophie... La famille de Fitz a envoyé une lettre à toutes celles qui sont sur sa liste pour les inviter à son bal. Tu sais, cette grande fête où le prétendant reçoit les jeunes filles qui peuvent potentiellement lui être assorties ?

Sophie reçut un grand coup dans l'estomac.

- Et tu ne sais pas ? Je suis dessus... Loin devant les autres. Je suis, et de loin, le meilleur parti que Fitz pourrait choisir.

Stina ouvrit de grands yeux, pencha la tête sur le coté et prit un air de compassion exagéré.

- Ah, mais... Et toi, Foster ? Pourquoi as-tu l'air si triste ?

Sophie voulut dire quelque chose, mais les mots moururent sur ses lèvres...

Stina se rapprocha d'elle, et s'arrêta à quelques centimètres de son visage. Un sourire cruel enlaidit alors son beau visage, et ses yeux prirent une expression gourmande.

- Oh, c'est vrai, j'oubliais... Tu n'es pas dessus.

FIN DU CHAPITRE 5