Chapitre 13

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Un employé qui porte mon plateau-repas entre dans ma chambre.

- C'est l'heure de manger.

Les traits de son visage sont figés dans une moue crispée. Il semble être lasse de son travail. Et moi je suis lasse d'être enfermée dans cette chambre.

Il dépose ce qu'il tient dans les mains sur mes genoux. Mon corps est étendu sur le matelas. Je n'ai rien d'autre de mieux à faire de toute façon. Je me redresse et lui lance un regard de défi.

- Je ne veux pas manger ça.

- Et pourquoi ?

- Si on vous donnait des croquettes pour chien, est-ce que vous les mangeriez ?

- Vous m'avez pris pour qui ?

- Et vous, vous m'avez prise pour qui ? Ce qu'il y a dans ce plateau est infecte. Tous les jours j'ai l'impression de manger de la nourriture pour chien. J'en ai foutrement ras le cul de tout ça. Je veux manger quelque chose de BON ! Ça ne vous suffit pas de me garder enfermée ici, il vous faut en plus me donner de la merde à manger ?

- Calmez-vous, ce n'est pas moi qui suis en charge de la nourriture.

- Mais vous pouvez quand même faire quelque chose ! Je ne sais pas, mais vous pourriez le dire à ceux qui cuisinent ou...

- Assez ! Vous n'êtes pas ma seule patiente. J'ai du travail. Dépêchez-vous de manger.

- Parlons-en de ça. J'ai l'impression d'être une souris de laboratoire. Je ne peux jamais manger seule, je suis constamment surveillée. Les autres ne sont pas traités comme je le suis !

- La direction nous a dit que vous étiez hautement dangereuse. Elle nous a donné des mesures spéciales à suivre. On ne doit prendre aucun risque en ce qui vous concerne. Vous pourriez vous suicider.

Je prends la fourchette et le couteau en plastique et les examine.

- Vous pensez que je peux me suicider avec ça ?

- Certainement. Et puis comme je vous l'ai dit, je ne fais que suivre les consignes qui m'ont été données.

- Mais ce n'est que du plastique ! Et je ne suis pas assez folle pour en finir.

Plus maintenant en tout cas.

- Bien sûr, dit-il sur le ton de l'ironie.

Il ne me croit pas. Il me prend pour une personne avec des troubles mentaux. C'est cet endroit qui va me rendre folle, oui. Ils ont vraiment réussi leur coup. Tout le monde est contre moi. Je suis sûre qu'ils font tout pour que je devienne réellement folle comme ça je ne serai plus leur problème.

Je repousse mon plateau, tout en me levant du lit.

- Qu'est-ce que vous faites ?

Ils ont réussi. Les nerfs me lâchent. J'en ai marre de cet endroit, marre de cette chambre, de ces quatre murs que je vois jours et nuits, marre de cette nourriture, marre de ces infirmiers, de ces psychologues. Marre d'être enfermée.

Le couteau dans la main et la fourchette dans l'autre, je me lance sur l'infirmier, essayant de lui planter mes armes en plastique n'importe où dans son organisme. Mais il m'intercepte et m'introduit une aiguille dans le cou. Je commence à me sentir étourdie, les forces me quittent, puis je sombre dans les brumes de l'inconscience.

Depuis l'incident, je suis encore plus surveillée qu'avant. J'aurais vraiment dû me contenir. Déjà qu'avant je n'avais pas beaucoup de liberté mais maintenant c'est encore pire. Je fixe la caméra dans ma chambre. C'est ma seule activité de la journée. J'espère que ceux qui me regardent sont mal à l'aise, qu'ils regrettent de me garder en cage tel un animal.

Parfois, je me mets à rire pour rien. Pourquoi ? Ils pensent que je suis folle donc j'agis comme telle. Même si je me comportais comme une personne saine d'esprit je resterai cloîtrée dans cette chambre. Ils n'ont pas l'intention de me rendre ma liberté et au moins ça me donne quelque chose à faire. Il y a des fois où je me parle à moi même, je m'invente une vie. Je me vois avec lui. Je repense aux moments qu'on a passé ensemble. Juste les bons. Je ne veux pas me miner le moral avec les mauvais. Un des pires souvenirs est celui où il m'a laissé. Abandonné. Il aurait pu m'emmener avec lui. Il ne l'a pas fait. Je me rends compte que je n'étais peut être pas si importante à ses yeux. Lui était tout pour moi.

Je n'ai plus personne à présent. Je suis seule. Plus seule que jamais. Seuls mes démons me tiennent compagnie. Ils hantent mes nuits. J'ai peur de dormir et de les voir. Je ne veux pas leur faire face. Noan m'a aidé. En étant avec moi, il les tenait éloigné mais maintenant qu'il est parti, je dois leur faire face seule. Je dois les combattre. J'ai déjà réussi une fois, je peux très bien le refaire. Sauf que c'est dur. Tellement dur. S'il était là, il me dirait de me relever et de me battre. D'allumer la flamme qu'il y a en moi pour faire fuir cette noirceur. Il paraît que les démons n'aiment pas la lumière. C'est pourquoi Noan m'a dit de garder cette flamme allumée. La flamme de la vie. Tant que je serais vivante, ils ne pourront pas m'atteindre. Nous n'appartenons pas au même monde après tout. Cela me rassure de me dire ça. Noan m'a rassuré en me disant ça. Mais il n'est plus là. Tu n'es plus là. Pourquoi tu n'es plus là ? Pourquoi personne n'est là ?

Mes parents viennent me voir une fois par mois. À chaque fois, c'est la même chose. Je leur dis que je vais bien, que je ne suis pas folle, qu'ils ont monté tout le monde contre moi mais ils ne me croient jamais. Souvent, ils me regardent avec pitié. Souvent, ma mère a les larmes aux yeux. Toujours, elle dit qu'elle m'aime. Mais jamais elle dit qu'elle va m'aider à quitter cet endroit.

Mes parents semblent accepter ce qu'il m'arrive. Pas moi. Emy vient me voir parfois. De moins en moins. Je ne lui adresse plus la parole depuis le jour où elle m'a trahie. On croit que les meilleurs amis c'est pour la vie. C'est totalement faux. Ce sont ceux qui semblent être les plus proches qui nous trahissent. Ce sont eux qui nous achèvent. La trahison c'est comme recevoir un couteau dans le dos. On ne s'y attend pas et ça fait mal. Horriblement mal.

Et toi tu n'es pas là. Pourquoi tu n'es plus là ?

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Chapitre en italique donc c'est normal s'il est court ! As usual, don't forget to comment and to vote :) On se retrouve en fin de semaine pour le chapitre 14 héhé

Symbiose - Tome 1 : ConnexionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant