Chapitre 5

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Callista n'avait jamais assisté à des obsèques. Lorsqu'un démon mourait, il était incinéré ; puis ses cendres étaient jetées dans le fleuve. Pas de cérémonie. Pas d'adieu. Pas de larmes. Rien, pas même un souvenir. La rousse ne connaissait ni la notion de deuil ou de condoléances. Elle n'avait aucune idée de comment se comporter en de telles circonstances. Un peu perdue et ne souhaitant pas attirer inutilement l'attention sur sa personne, elle se contenta de suivre sœur Maria en silence, et s'installa dans un coin de la chapelle.

— Tu dois trouver ça rapide, n'est-ce pas ?

La succube fronça les sourcils. De quoi sœur Maria parlait-elle ?

— Pardon ?

— Les obsèques. Je sais qu'habituellement il se passe plusieurs jours entre le trépas et la cérémonie. Toutefois ici, comme les décès sont naturels ; maladies ou vieillesse ; nous n'avons plus qu'à préparer le corps.

Elle pointa du doigt une religieuse à qui elle n'avait pas parlé jusque-là.

— C'est une ancienne thanatopractrice. Cela nous évite d'avoir à faire appel à une personne extérieure. Et puis... Sœur Ana était âgée, elle avait pris ses dispositions.

Voilà donc pourquoi le cercueil avait déjà été stocké sur place. Et les fleurs provenaient visiblement du jardin arrière du couvent.

— La tombe sera bénie lorsque Monseigneur Henry nous rendra visite la semaine prochaine.

Callista fronça les sourcils.

— Qui est-ce ?

—Trois fois par an, mais aussi pour Pâques et Noël, il vient consacrer les sépultures et certains ouvrages de la bibliothèque, puis organise des séances de confession ou des eucharisties. C'est un homme d'une grande bienveillance. Tu pourras discuter avec lui de ton désir d'entrer définitivement dans notre communauté. Il saura te conseiller et te guider.

— J'ai hâte.

La cérémonie fut sobre, mais très émouvante, ou du moins ce fut l'impression qu'eut la démone. Elle trouva magnifique que des humains si différents et n'appartenant pas à la même famille puissent sembler si proches. Le chant d'adieu des nonnes à leur sœur disparue fut d'une beauté touchante, comme si, d'une seule voix, elles étaient capables d'accompagner l'âme de la défunte vers le repos éternel. Si Callista avait été dotée d'une conscience, elle aurait probablement eu des regrets en cet instant. Elle aurait même pu verser quelques larmes. Incapable d'éprouver de tels sentiments, surtout à l'égard d'une femme qu'elle ne connaissait presque pas, elle se contenta de baisser la tête et de mimer une prière. Qui l'entendrait ? Dieu ? Non, certainement pas. Pourquoi se préoccuperait-il des demandes d'une vulgaire créature maléfique ? Lucifer alors ? La rousse s'était toujours interrogée à ce propos. Son père, en tant qu'archange déchu, percevait-il les souhaits des humains ? Envoyait-il parfois des démons les réaliser en échange de leurs âmes ? Ou patientait-il jusqu'à ce que les futures victimes invoquent d'elles-mêmes un être maléfique ?

Callista fut interrompue dans ses réflexions, par une rose blanche apparue dans son champ de vision, tenue par Rosine, la mère supérieure.

— Mon enfant, il est temps. Veux-tu toi aussi déposer une fleur sur sa tombe ?

La succube acquiesça sans un mot de plus. Que c'était beau, un enterrement !

***

La Lune suivit l'homme de foi du regard et s'arrondit de joie, heureuse de l'apparition d'un nouveau protagoniste. Elle avait hâte de découvrir la suite de l'histoire. Allait-elle gagner ou perdre son pari avec le Soleil ?

CallistaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant