La rousse, probablement pour la première fois depuis sa venue au monde, fut reconnaissante de sa condition. Contrairement à la moitié du peuple des Enfers, succubes, incubes et satyres étaient constitués de chair et de sang. Certes, elle ne pouvait posséder personne, mais en contrepartie les exorcismes n'avaient qu'un faible effet sur elle. Sans ça, elle aurait gagné un voyage sans retour pour la Géhenne. Elle tenta de bouger sa queue, mais celle-ci était trop endommagée.
Où se trouvait-elle ? S'il s'agissait d'un couvent abritant un ordre d'exorcistes, comment avait-elle réussi à passer inaperçue ? Et, surtout, pourquoi était-elle encore en vie ? La démone sentit un mélange d'antiseptique et de lavande, avant d'entendre la voix de sœur Élyse.
— Je suis parvenue à la trouver dans nos ouvrages. Callista, dont le prénom signifie « La plus belle », est la troisième fille de Lilith et est née il y a 1015 ans. Elle peut maîtriser la dissimulation dans les ombres à un très haut niveau. Elle est parmi les succubes la plus puissante en termes de force brute.
— C'est faux.
Callista toussa et s'assit péniblement contre le mur. Un drap recouvrait son corps en pleine guérison.
— Je ne suis pas particulièrement puissante. Je suis juste la plus discrète et la plus rapide parmi mes frères et sœurs.
Sa queue reposait mollement à côté d'elle. Machinalement, elle passa une main sur ses cornes, dans un soupir. La mascarade était terminée.
— Quand avez-vous su ?
Ce fut sœur Maria qui s'assit sur le tabouret à côté de son lit.
— Quand tu as franchi les portes du couvent. Nous avons installé des alarmes qui se déclenchent dès qu'un démon entre.
Les yeux de la succube, glace irréelle et brillante, se tournèrent vers la religieuse qui l'avait invitée à rester.
— Alors pourquoi ? Vous m'avez soigné, nourri, logé, aidé. Je... Je ne peux vous comprendre. Je suis le péché incarné.
La nonne lui sourit.
— Quand j'ai ouvert la porte, ce n'est pas un démon que j'ai vu, mais une jeune femme paniquée, gravement blessée et en danger. Ta peur était réelle, tout comme ton souhait de te retrouver en sécurité. Même la mère supérieure a accepté cet état de fait. Et puis, surtout... Tu ne semblais pas représenter une menace. Jusqu'à présent, les démons qui nous ont attaqués se sont montrés bien plus directs. Toi, clairement, ton but était ailleurs.
Callista parvint, dans une grimace, à enrouler sa queue autour de sa taille.
— Et pour sœur Ana...
— Oui, nous avons deviné que tu étais coupable. Nous avons remarqué que tu avais choisi la personne que tu connaissais le moins, mais aussi la plus âgée. C'est un cheminement de pensées terriblement humain. De plus, aucune trace de souffrance ne transparaissait sur son visage.
— Je ne cherche pas le pardon ou la rédemption. C'est beaucoup trop tard pour moi.
— Évidemment. Toutefois, au risque de me répéter, tu es presque trop humaine pour un démon.
— Merci. Je suppose.
La queue de la rousse se resserra autour d'elle.
— Qu'allez-vous faire de moi maintenant ? Arioch vous a attaqué par ma faute.
Rosine, la mère supérieure, pénétra alors dans l'infirmerie.
— Callista, nous avons, à l'unanimité, décidé que tu pouvais habiter ici à la seule condition que tu ne prennes pas la vie d'une autre personne. Nous nous moquons que tu demeures sous ton apparence native. Depuis ton arrivée, tu as respecté nos règles, tu as été polie et bien élevée. Et tu fournis une aide remarquable à sœur Élyse à la bibliothèque. Tes connaissances en écrits profanes représentent une ressource fabuleuse. Nous pouvons t'offrir l'asile, le temps qu'il te faudra. Si tu le souhaites, ce couvent peut devenir ton chez-toi.
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Callista
FantasyCallista était née pour obéir. Soumise à ses parents infernaux, elle subissait une vie dont elle ne voulait pas... Jusqu'au jour où elle se décida à prendre la fuite. Dehors, la Lune riait. Une succube dans un couvent... Qu'est-ce qui pourrait mal s...