Chapitre 7

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Ni les oiseaux ni le vent n'osaient émettre le moindre son. Le Soleil et la Lune retenaient leurs souffles. Les nonnes ne bougeaient plus, figées dans une terreur indescriptible. Même pour un ordre d'exorcistes, la présence de la reine des Enfers était un augure mortifère. Callista, dans un mélange d'habitude et de peur, s'agenouilla devant Lilith. Cette dernière la gifla violemment, laissant des sillons carmin sur sa joue droite ; puis l'attrapa par les cheveux.

— Regarde-moi.

La rousse n'eut d'autre choix que de lever les iris vers sa mère. Depuis quand ne l'avait-elle pas observé ? Des décennies ? Des siècles ?

— J'adorerais t'arracher tes magnifiques yeux glacés, ma fille.

La succube fronça les sourcils. Loin de son trône, Lilith était bien moins impressionnante et sa carrure semblait presque frêle, comme perdue et prisonnière de sa robe en soie d'araignée infernale.

— J'ai longtemps hésité quant à ton sort. Je n'imaginais pas que tu irais jusqu'à assassiner les tiens et à te lier à de vulgaires et pitoyables humaines. D'un autre côté, à quoi pouvais-je m'attendre ? Tu as aimé une mortelle et tu nous hais.

Lilith tira un peu plus fort sur les cheveux de sa fille, forçant Callista à la regarder dans les yeux pour la première fois de son existence. Sa mère possédait donc des iris gris, où semblait vivre un orage incessant. Ses traits étaient ceux d'une toute jeune femme et auraient presque pu dégager une certaine forme de douceur et d'innocence. Petite et menue, elle ne ressemblait pas à l'image mentale que la rousse avait d'elle. Était-ce la peur aveugle qui avait modifié sa perception ? Voir sa mère ainsi, seule, loin de la Géhenne était aussi inédit que perturbant.

— Je vais te bannir, ma fille.

Elle saisit violemment le bras droit de Callista et y grava une rune inconnue de cette dernière. Le sang coula de la plaie, mais aucune des deux n'y prêta attention.

— Jamais plus tu ne pourras ouvrir un passage pour les Enfers. Jamais plus tu ne pourras rentrer à la maison. Et le jour de ta mort, ton esprit pourrira à jamais dans le tréfonds des limbes.

— C'est ça, ta punition, mère ?

Callista ne sut pas d'où lui était venu ce courage soudain. Elle ne pensa même pas à se maudire pour sa bêtise. Au point où elle en était, autant se laisser aller. Si elle voulait avancer, elle devait faire face.

— Je vois...

Ses cheveux furent lâchés, mais elle ne baissa pas la tête pour autant.

— Hais-tu donc à ce point ton foyer et ta famille ?

Prise d'un élan de courage, la succube se releva. Comme elle s'y attendait, elle dépassait sa mère de plus de dix centimètres.

— Comment pourrais-je apprécier un endroit où j'ai vécu les pires tortures ? Tout ce que je souhaitais, c'est qu'on me laissât tranquille. Je ne voulais pas coucher avec ces gens. Je ne voulais baiser avec personne. J'avais juste envie de ramener quelques âmes de temps à autre, puis de me promener librement un peu partout.

Glace et orage se rencontrèrent.

— Mère... Je voulais devenir libre et être propriétaire de mon corps. J'avais envie de parcourir le monde avec Telly, cette humaine que père a fait massacrer. Je rêve de lire et d'écrire des journées entières. Bien sûr, tuer ne me gêne pas. Mais ce n'est ni un besoin ni une passion. Alors oui, je vous hais tous ; tous autant que vous êtes. Et je suis heureuse d'être bannie, tu n'imagines même pas à quel point. Merci pour ce cadeau, mère.

CallistaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant