Octobre 2021
Il me serre fort. Si fort, que je me dois de lui rendre cette étreinte passionnée. Il pose sa tête sur mon épaule, je glisse ma joue contre la sienne et caresse ses cheveux d'une main. Je ressens l'envie d'absorber sa peine, qui nous lie lors de cet échange. Il ne parle pas. Nous nous comprenons avec ces gestes, que nous avons tant l'habitude d'échanger. Je ressens son mal-être. J'ai envie de lui murmurer au creux de l'oreille "Je t'aime, tout va bien. Je suis là pour toi et je resterai là." Mais je ne dis rien. Il comprend également sans que nous nous n'échangions de mot supplémentaire.
Il continue de me serrer, comme s'il ne savait pas quand serait la prochaine étreinte. Quand serait la prochaine fois qu'il pourrait se laisser aller dans mes bras. Demain ou dans plusieurs semaines. Nous ne le savons jamais à l'avance, alors nous profitons du moment présent. J'ai envie de rester là, une minute de plus au moins. Mais je dois partir, le quitter à nouveau. Nous nous embrassons une dernière fois.
— Fais attention à toi.
— Promis.
Je pars, le laissant seul dans ce grand appartement vide. Je le regarde une dernière fois, il a le regard si vide et les poings écorchés. Ces poings que j'aimerais embrasser, soigner, effacer cette douleur qui le traverse. Mais je ne peux que l'embrasser une dernière fois et partir.
Je monte dans l'ascenseur, appuie sur le zéro et attends que les étages défilent. Mon regard se perd sur le coucher de soleil qui surplombe l'ascenseur de verre. Mes pensées se perdent également au jour de notre rencontre. Cette rencontre totalement inattendue, hasardeuse mais qui a bouleversé nos deux vies à jamais.
Trois ans auparavant, avril 2018
Je suis une jeune avocate, de 26 ans. Ce soir-là, je rejoins Keith dans le centre-ville d'Édimbourg. Je m'apprête pour sortir lors de cette douce nuit de printemps. Je décide d'enfiler une robe en laine ainsi que des bottes à talons. Je me maquille légèrement, pour redorer mon teint beaucoup trop pâle. Satisfaite de ma tenue, je sors de chez moi et pars rejoindre cet ami si particulier.
Sur la route, il me propose de le rejoindre dans un bar où il se trouve avec des amis. Pourquoi pas. Après tout, j'ai besoin de prendre un verre après la semaine que j'ai passé au tribunal. Je me gare et rentre dans le bar. Je le remarque instantanément, avec son air toujours très distingué en train de raconter des histoires toujours plus folles les unes que les autres. Une bière à la main, il explique une énième fois comment il a réussi son premier investissement auprès d'un client.
Keith est un ami que je connais depuis que je suis très jeune. Nous habitions dans le même cottage. Très rapidement, à l'adolescence il m'a prise sous son aile et m'a aidée à m'affirmer en tant que femme. A l'âge de 17 ans, nous avons commencé à nous fréquenter plus sérieusement, en toute discrétion. Nous nous voyons régulièrement, tous les jeudis. C'était notre routine, nos moments à nous. Et puis, le reste de la semaine, chacun retournait à sa vie professionnelle, et personnelle. J'étais éperdument amoureuse de Keith. Il était mon premier amour. Jusqu'à ce que je comprenne l'homme qu'il était vraiment. Nous avons alors décidé de nous contenter de cette relation amicale avec bénéfices. Aujourd'hui, c'est un homme qui travaille dans la finance. Il a quitté notre cottage mais revient régulièrement pour poursuivre notre routine et cette relation secrète, qui me convient amplement.
Ce jeudi-là, il décide de bousculer cette routine en me proposant de le rejoindre avec ses amis. Je connais la plupart d'entre-eux, mais un me semble plus en retrait. Je le regarde, mais je ne le reconnais pas. Je reste à l'entrée, le temps d'analyser la situation. Mais aussitôt, je suis tirée de mes pensées par la célèbre voix enjouée de Keith qui m'interpelle :
— RUBY ! Viens ma petite.
Je souris. Ce surnom est restée indétrônable depuis toutes ces années. Je m'approche de Keith et ses amis. Il me présente rapidement comme étant "Ruby, une amie de longue date." Je me penche alors pour saluer tout le monde, jusqu'à arriver à cet inconnu qui me regarde, avec un air intrigué.
— Je te présente James.
Je souris aimablement, salue ce fameux James et m'installe près de Keith. Il me commande un verre de vin blanc, connaissant pertinemment mes goûts. Il me fait une bise sur la joue et me murmure à l'oreille
— On boit un verre et on rentre ne t'en fais pas.
Ainsi, nous buvons un premier verre, puis plusieurs. Notre soirée qui devait se terminer rapidement, a pris énormément d'ampleur. Mais je passe une agréable soirée, j'apprends à connaître les personnes présentes ce-soir là. Et notamment James. J'apprends qu'il est assistant juridique, dans le même immeuble où je travaille. Tandis que, Keith continue d'expliquer ses histoires rocambolesques.
Finalement, à l'heure où le bar ferme, je propose à Keith de le ramener, tandis que ses amis partent chacun dans leur direction. Une fois chez lui, nous nous mettons au lit rapidement et finissions la nuit ensemble, comme à notre habitude.
Le lendemain matin, je me lève précipitamment en voyant l'heure tardive. Je saute dans la douche, avale un petit déjeuner composé uniquement d'une tasse de café noir. J'effleure rapidement les lèvres de Keith, à peine réveillé et pars rapidement en direction du tribunal. Ce matin-là, je dois rejoindre un associé pour discuter d'une affaire sensible.
Arrivée devant l'immeuble imposant où se trouve le cabinet d'avocats où je travaille, je m'arrête devant le stand habituel pour prendre un autre café. Je remercie rapidement la barista, qui connait trop bien mes habitudes et monte prendre l'ascenseur jusqu'au quinzième étage, chargée de mon sac en bandoulière, beaucoup trop lourd et des dossiers que j'essaye de tenir d'un bras. A peine ai-je passé les portes coulissantes que Joan, la secrétaire indispensable de ce cabinet me salue avec un sourire en coin. Je la salue rapidement, sans prêter attention à son sourire, et lui explique que je suis en retard. Puis, j'arrive à mon bureau et je comprends de suite son sourire en coin. Sur mon bureau était posé un simple post-it où il était inscrit :
« Ravi d'avoir fait ta connaissance, j'espère te revoir bientôt. J. »
Je dépose les dossiers sur mon bureau, laisse mon sac tomber au sol et regarde plus amplement le post-it. James. Je souris.
Octobre 2021
Et c'est ainsi que tout a commencé, suite à une soirée imprévue et un post-it innocent. Je soupire longuement, et rejoins ma voiture sans que James ne quitte mes pensées une seule fois sur le chemin du retour.

VOUS LISEZ
Une histoire sans fin
Lãng mạnAvril 2018. Ruby pénètre dans son bar de prédilection, pour rejoindre son amant de toujours où passion ne rime pas avec amour. Mais sa rencontre avec James ce soir-là va bouleverser ses plans de vie parfaitement choisis. Octobre 2021. Trois ans pl...