6. Le dérapage

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Octobre 2021.

Cette phrase me transperce une nouvelle fois, en plein cœur. Je l'ai entendue tellement de fois au cours de ces trois dernières années. Aussitôt, je repousse ses bras qui m'enlacent et me lève du canapé.

— C'est toujours compliqué avec toi !

— Ruby, calme-toi, dit-il en restant assis dans le canapé, à m'observer.

— Non, je ne me calmerai pas. Je t'ai toujours soutenu toutes ces années, pour tous tes problèmes. C'est la première fois que je te demande quelque chose. C'est pas un caprice, je ressens vraiment ce besoin.

Le voyant soupirer, je lui tourne le dos. Je vais dans le dressing, pour remettre ma robe étriquée noire. Je jette mon pantalon ample au bout du dressing et enfile mes talons. Au bruit de mes talons résonnant sur le parquet, je l'entends se lever pour venir vers moi.

— Qu'est-ce que tu fais?

— Je pars.

Je détourne les yeux, je ne peux pas le regarder. Il sait le pouvoir qu'il a sur moi. Un regard, un geste ou une parole suffiraient à me faire rester. Je passe devant lui, droite et décidée. J'enfile ma veste.

— Ne fais pas ça.

Pour la première fois depuis le début de cette conversation, je lève les yeux vers lui. Je ravale mes larmes. Il me regarde, avec un air de défi. Je hausse les sourcils. Il me provoque.

— Je facilite les choses.

Ce sont mes derniers mots, avant d'empoigner mon sac et de glisser mes dossiers sous le bras puis de sortir en claquant la porte. Je descends en vitesse pour me rendre à ma voiture. Rattrape-moi.

J'attends quelques minutes au volant de ma voiture, contact coupé, le temps que mes larmes qui inondent mon visage se calment. Pas de nouvelle. Je me regarde dans le rétroviseur et essuie les dernières larmes pour me ressaisir.

Je conduis, sans savoir où aller. Je ressasse cette éternelle phrase dans ma tête : « C'est compliqué. »

Sans m'en rendre compte, je me retrouve devant l'Highlander. Je reviens toujours à ce point de départ. Je me gare sur le parking et reste dans ma voiture. Soudain, la sonnerie de mon téléphone me fait revenir à la réalité. Mon coeur s'accélère, espérant une réponse de James. Je le déverrouille : Keith. Oh non, ce n'est pas le moment.

« Je suis de retour en ville pour une semaine. Si ça te tente de boire un verre avec moi ! » 

Je garde mon téléphone d'une main et pose ma tête contre le volant, en fermant les yeux. Cela fait des mois que je n'ai pas vu Keith, et trois ans que l'on ne se fréquente plus.


Fin mai 2018.

Une nouvelle semaine est passée, depuis l'altercation avec Neal. Nous ne l'avons plus croisé depuis, et je n'ai reçu aucun message de sa part. Je me sens soulagée d'avoir pu mettre les choses au clair. Mais, il me reste encore ma relation avec Keith à régler pour être totalement libérée.

Comme de nombreux soirs, nous sommes à l'Highlander. Ce lieu nous permet de nous retrouver, ne pouvant pas ni aller dans mon minuscule appartement pour passer toute une soirée, ni chez lui, étant donné qu'il vit en colocation pour le moment. Notre compromis est donc de nous retrouver dans ce lieu chaleureux, où nous pouvons discuter, rire, mais également nous rapprocher, nous embrasser.

Keith ne venait plus depuis un certain temps, sûrement un voyage d'affaires prenant en Europe. Cela me soulage et me permet de repousser l'échéance. Jusqu'à ce soir.

Une histoire sans finOù les histoires vivent. Découvrez maintenant