Chapitre 3

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—Ton passeport ?
—C'est bon Seth, j'ai tout. Dis-je pour la énième fois à mon frère.

Nous sommes à l'Aéroport de Genève et je suis sur le point de partir. Mon frère est en pleine crise de panique semble-t-il et je ne cesse de le rassurer même si j'angoisse réellement de partir à l'aventure toute seule. J'ai été dans une passe euphorique ces derniers jours jusqu'à notre arrivée ici. Je me dois de bien le cacher sous peine de me voir hisser sur l'épaule de mon frère dans la minute afin de me ramener avec lui chez nous. Donc, pour sa tranquillité d'esprit, j'essaie de me gérer et lui aussi par la même occasion.

Marie et moi avons fait le tour de mes affaires et tout a été bouclé après deux ou trois inspections. Mes deux valises sont partis pour le compartiment des soutes et je n'ai avec moi que mon sac à dos. Comme à mon habitude, je ne me suis pas foulée dans ma tenue vestimentaire, surtout en sachant où je me rends.

J'ai hésité à m'habiller en véritable citadine avec talons aiguilles juste pour voir la tronche qu'auraient tirés les Autochtones dès ma première apparition, ça aurait été la bonne blague. Mais non, autant ne pas pousser le bouchon trop loin en sachant ce qui les attend réellement avec ma venue.

Je porte donc mon jean Levi's délavé et vieilli par le temps et non usé et troué par des couturiers. Ce dernier me serre comme une seconde peau et je ne le changerai pour rien au monde. J'ai chaussé mes éternelles mustangs marron tout aussi usées et me suis couverte d'un tee-shirt kaki basique. J'ai fais suivre autour de ma taille un pull noir en laine de coupe féminine et de forme ample, car si nous sommes au mois de juillet, il n'en reste pas moins que les températures en Alaska n'avoisinent pas les trente-cinq degrés de chez moi et se rapprochent plus du vingt degrés.

Nicolas et Marie sont aussi venus pour me dire au revoir et me soutenir, car ils savent bien que je suis flippée au fond et que je n'en montre rien uniquement pour Seth. Même notre client Monsieur Durand est venu pour l'occasion. Comme je l'ai dit, un véritable lien se crée lors de la venue de chaque loueurs dans nos chambres d'hôtes à la découverte d'une vie simple et de revenir à ce fameux retour aux sources.

On ne s'embarrasse pas à connaître la vie de chacun d'entre eux et de leur raison qui les ont poussé à fuir cette vie toute tracée aux rythmes des métros-boulots-dodos bien réglés et où les heures ne se comptent même plus jusqu'à les pousser à faire un burn-out car au bout du compte, ils ne s'en sortent pas, ne voient plus le bout du tunnel ou une autre sortie telle qu'elle soit, d’échappatoire à tout leur merdier. Tout en croulant sous toutes ces heures supplémentaires dans le seul but d'être bien vu aux yeux de ses supérieurs sans ne jamais rien demander en retour.

Ils trouvent un semblant de paix en arrivant chez nous et en se retrouvant plongés au milieu d'une nature sauvage et authentique. Ils apprennent à revoir leur priorité et à se poser suffisamment pour réaliser que tout ce qui les entoure n'est que la véritable beauté sans faux semblants, ne donnant pas une fausse image de ce qu'ils ont réellement sous les yeux.

Ils arrivent à sourire en admirant seulement un ciel étoilé, une chute de neige, un couché ou levé de soleil. Notre plus beau cadeau est celui-ci. Pour la majorité, ils finissent par se reconvertir professionnellement. Il n'est pas rare de voir un cadre démissionner et ouvrir sa propre boite dans n'importe quelle branche mais à son propre rythme et dans le respect de ses futurs employés, même s'il perd financièrement une belle marge, cela ne remplace pas le fait qu'il soit enfin heureux au boulot ou chez lui parmi sa famille.

Les voir en phase avec eux-mêmes, est la plus belle chose qui soit pour nous, car nous savons pertinemment que nous avons reçu chez nous au sein de notre famille, des dizaines de personnes en vrai mal de soi et qui n'étaient pas loin de commettre une belle connerie. Savoir que nous leur offrons une sorte de méditation sur leur propre vie avec du recul est juste exceptionnel, et pour ça, je serai toujours reconnaissante et fière de mes parents et de la façon dont ils percevaient la vie et de nous l'avoir enseigné sans cesse de leur vivant.

Alaska me voilà! (Sous Contrat D'édition)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant