Folie

34 5 0
                                    

L'air dans la voiture devient étouffant. Entre son parfum musqué et ses longs doigts crispés sur le volant, je me sens plus que mal à l'aise. J'en deviens moi-même crispée. Tout ce que je souhaite, c'est rentrer chez moi et me préparer pour aller en cours. Il ne me reste que moins d'une trentaine de minutes avant la sonnerie de mon réveil. Et je n'ai pas sommeil, c'est ça, qui est le plus étonnant.

Nickaël s'arrête dans une allée sombre et coupe le compteur. Je ne comprends pas.

– Qu'est-ce que t'attends pour descendre ?

Je hausse un sourcil, il ne croit quand même pas que je vais rentrer à pieds, toute seule, dans le noir ?

Il soupire et détache ma ceinture lui-même. Il se penche vers moi et ouvre la portière de quelques centimètres. L'effluve de son odeur corporelle me chatouille les narines quand il passe au-dessus de mon corps. Il reprend le volant entre ses mains et me toise de ses grands yeux bleus, presque gris.

– Écoute, je ne vais pas dire que tu n'es pas attirante mais tu es mineure, donc ce ne sera pas possible. Maintenant, dehors et rentre chez toi.

J'écarquille les yeux.

– Mais arrête de délirer ! Je n'ai jamais pensé à ça ! C'est juste que...

– Ne me dis pas que tu as peur du noir, souffle-t-il en se pinçant l'arête du nez.

– Mais non ! Je n'aime juste pas cette allée. Et en plus, c'est hyper malpoli de laisser une fille en plan.

Un rire rauque s'échappe de sa gorge.

– Je te dépose ici parce que je n'ai juste pas envie de prendre le risque de m'afficher. Et cette allée est normale, je ne suis pas fou non plus, je sais où je te dépose.

Je croise les bras contre ma poitrine et soutiens son regard.

– Tu te prends pour une star, en plus de ça ?

– Laisse tomber, tu comprends que dalle. Comme je hais m'occuper des novices, marmonne-t-il.

– Alors pourquoi tu t'occupes des novices ?

– Sors de ma caisse.

– Réponds-moi d'abord.

Ses sourcils se froncent et une force surnaturelle me poignarde. Je suis aussitôt éjecter de la voiture. Je reste assise, sur le trottoir, à le dévisager. Il ne sourit pas, il n'est pas fier non plus, mais la colère se lit dans ses yeux. Je me relève pour essayer de remonter dans la voiture mais la portière se ferme et en un claquement de doigts, la voiture est déjà partie.

Je grogne en tapant du pied et saisis mon téléphone dans la poche arrière de mon jean. Il me reste vingt minutes. Si je cours, j'arriverai peut-être à temps dans ma chambre.

Je me remercie d'avoir mis des baskets et arrive en moins de dix minutes chez moi.

Je décide de passer par le jardin et de m'aider de la branche du grand chêne pour atteindre ma fenêtre. J'atterris en douceur dans ma chambre et referme la fenêtre au passage.

Je me déshabille et attrape une chemise à carreaux assortie à mon col roulé rouge et un jean déchiré noir. Je noue mes Palladium.

Mes cheveux sont remontés en queue-de-cheval et mon teint est refait de poudre. Un coup de mascara, de baume à lèvres et je peux descendre.

Mes parents sont déjà dans la cuisine, je les embrasse et m'assieds à table.

Papa me serre un bol de lait chaud avec de la baguette toute chaude, que je tartine de confiture.

Après avoir bu une gorgée de son café, Maman m'interroge :

– Qu'est-ce qu'il y a de spécial aujourd'hui pour que tu sois levée maintenant ?

Je croque dans le pain et lui réponds, la bouche pleine, que je n'avais juste plus sommeil.

Ce qui me vaut un regard désapprobateur de Papa, j'aurai dû attendre d'engloutir ma bouchée avant de parler.

Je lui souris maladroitement et continue de parler avec eux.

Maman m'abandonne rapidement, Joaquim est tombé malade cette nuit et ça ne va pas mieux ce matin.

Je monte alors à l'étage, et me brosse les dents. Je repasse dans ma chambre prendre mon sac et je peux enfin partir.

Sur la route, je réfléchis à comment va se passer ma journée. Une voix me dit que j'aurai dû écouter Nickaël et me nourrir, tandis qu'une autre me dit que je n'ai pas besoin de ce sang pour survivre. Je n'arrive même pas à croire que je fais partie des leurs. Enfin, presque, si l'on croit ce qu'ils disent sur ma transformation.

J'ai vraiment du mal à m'imaginer planter mes canines dans la carotide de quelqu'un, le vider de son sang et ensuite, le voir gisant sur le sol. Rien que le goût et l'odeur de ferraille me donne la nausée.

J'enfile mes écouteurs et passe par le parc. La musique résonne dans mes oreilles et les feuilles mortes au sol se baladent au rythme du vent frais. Je suis hypnotisée par la musique, les feuilles et mes pensées vampiriques.

Une main frappe mon épaule, mon cœur manque de me lâcher. J'arrache mes écouteurs et les range d'un seul mouvement.

Je reprends mon souffle lorsque je remarque que ce n'est que Mao. Ses cheveux bruns désordonnés lui donnent un air enfantin.

Je lui souris alors et porte la main à mon cœur.

– Tu m'as fait une de ces peurs !

– J'ai bien vu, désolé, sourit-il.

Il fourre ses mains dans les poches de son blouson et il se racle la gorge.

– Alors... ça va mieux depuis hier ?

J'aurai préféré ne pas toucher au sujet mais si j'esquive, il trouvera ça louche.

– Un cachet et du sommeil ont fait l'affaire.

– Cool, alors.

Il me raconte l'embrouille qu'il a encore une fois eu avec ses parents et nous accélérons le pas.

Quelques minutes plus tard, nous sommes arrivés au collège. Kora et Hyuna nous attendent sur la banc. Enfin, elles ont plutôt l'air d'attendre le garçon à mes côtés. Elles me font tout de même la bise et nous nous asseyons ensemble sur le banc.

– Comme j'ai horreur de l'automne ! Regarde ça ! On est encore plongé dans l'obscurité ! Moi je veux du soleil !

– L'hiver sera pire, Kora, ricane Hyuna.

Elle geint et bascule la tête en arrière.

Je m'éclipse pour aller aux toilettes. Lorsque je vois mon reflet dans le miroir, je suis blafarde. La poudre avait fait son effet pourtant. Je ne comprends donc pas. Je m'humidifie le visage, tant pis pour le maquillage.

Lorsque je relève la tête, une ombre se dessinent sur le mur pâle. L'ombre devient alors une silhouette floutée puis je pousse un cri quand Nickaël apparaît.

Ses yeux sont moqueurs, je me retourne alors pour lui faire face. Il n'y a personne.

De nouveau devant le miroir, mes yeux s'emplissent de sang et des filets rouges dégoulinent d'entre mes lèvres. Bientôt, ce sont mes narines qui deviennent rouge vif. Je rince alors mon visage comme une folle en priant pour que ça s'arrête.

– Andréa !

Je relève la tête, Kora est devant moi.

– Qu'est-ce que tu fous, ça a sonné, dépêche-toi.

Je la regarde partir et me regarde moi par la suite. Mon teint reste blanc mais aucune trace de sang.

Avant de partir, je vérifie dans tous les toilettes si le vampire aux yeux gris ne s'y cacherait pas pour commettre un meurtre. Bonne nouvelle pour les autres, il n'y ait pas. Mais mauvaise nouvelle pour moi, je commence à halluciner.  


VampiresquementOù les histoires vivent. Découvrez maintenant