Tandis que l’air du soir soufflait chaudement dans mes dreads et mes cheveux roux, je dessinais. Rien de bien compliqué, j’avais imaginé une espèce de nid d’oiseau en forme de dôme pendu à un magnifique arbre qui changeait de couleur. Virant d’une belle teinte marron-orangé d’automne à un gris-argenté lumineux rappelant la douceur de la neige et la beauté des engelures d’hiver.
Mais, je ne voyais pas d’oiseaux nicher dans cet habitacle qui, en lui-même, était assez rustre. Non, je voyais plutôt des lucioles. Etrangement. Cela me paraissait le choix le plus judicieux. Je me mis donc à dessiner de petites boules de lumières flottantes autour de l’arbre.
Le foehn ne s’épuise pas. Jamais. Mais le jour baissait et je ne voyais plus ma feuille. Je suis rentrée. Tout le monde est plus ou moins occupé, ma mère et mon père préparait leur randonnée de la semaine. Mon frère, lui, il doit travailler. Je les aime tous autant qu’ils sont même si je ne ressemble à aucun d’eux. Mes parents sont blonds aux yeux bleus, mon frère brun aux yeux verts et moi je suis rousse aux yeux bleus. Quelle drôlerie que la vie quand même.
Soudain, ma mère m’a appelée avec sa voix qui commençait à se transformer avec l’âge, elle me dit :
-Morgane, viens par là.
Je l’ai rejointe après avoir posé mon matériel d’art sur mon bureau. Elle reprit :
-Tout ira bien chérie ? Tu sais, on part une semaine… ce ne sera pas trop long pour toi ?
-Non, t’inquiètes pas j’ai de quoi manger etc. Donc, ne te fais de souci et repose-toi bien pour demain d’accord ?
-Oui…, a-t-elle lâchée dans un soupir.
-Aller bisous et bonne nuit. Bonne nuit papa, bonne nuit frangin !
Un vague « bisou » me parvint de la chambre de mon frère tandis que celui de mon père, bien qu’il ait une voix mon grave que celle de mon frérot, fut plus énergique. Je gagnai ma chambre et ferma la porte. Pyjama : fait. J’éteignis la lumière et me glissa suos ma couette en plume. A demain tout le monde…
Un étrange tintement me réveil et … tiens, un flocon. Quoi ?! Il neige ! Mais nous sommes en plein mois d’Août ! Bon, je me lève, enfin, et j’aperçois une belle cabane. Etonnement, elle semble être hors du temps, aucune trace de vieillesse, rien. Puis la neige s’arrête tout en cercle autour de la chaumière. Un cercle parfait, comme si la neige allait former un dôme au-dessus de l’immuable bâtisse. Je m’avance vers la porte, grimpe les quelques marches de bois prostrées devant puis, je l’ouvre. Une grande lumière blanche m’éblouit, c’est aveuglant. Je me sens entourée, bercée par de petits globes de chaleurs comme des … comme des lucioles…
Je me relève, dans mon lit, d’un geste ahuri. Mon cœur bat, une course de chevaux, mon souffle s’étrangle sous son propre trémolo effréné. Haletante, je regarde tout autour de moi à la manière d’un animal domestique découvrant sa nouvelle maison. Sauf que ce n’était rien de nouveau. C’était ma chambre !
Pfiou, 11h30. Normal pour des vacances en fait. Devant le miroir, mes dreads ne ressemblent à rien, mon corps, couvert de tatouages, est encore endormi ; de même que mes yeux bleus drapés du voile de mes paupières. Bon, après tout ça, la nourriture (ou comme mon père aime l’appeler : « la bonne boustifaille de chez nous ». il est inchangeable). Choses très basiques : un sandwich, une gourde d’eau, une pomme et un panorama assez sympa, il faut e dire. Cette fameuse vue se situe juste au-dessus de la maison. Un rocher comme table à manger. D’autant plus que ce petit bois me cache tout en me permettant de tout voir. Parfait
Voilà, après avoir traversé le champ qui me sépare de mon petit coin de paradis, je m’installe, aussi légère qu’une plume, sur une branche et commence à manger. La brise est toujours aussi chaude et douce tandis que je croque ma pomme à pleines dents. Quand j’eu fini le fruit pas si défendu qui venait du jardin de la maison (et non d’Eden), il semblait qu’un léger tintement se faisait entendre dans mon dos. Ce tintement, le même que dans mon rêve. La lumière aussi avait changé, elle n’était plus pâle et invisible comme avant, elle devint dorée et tout en enveloppant chaque forme qui la réfléchissait, elle faisait ressortir tous les contrastes de ces dernières. La brise du foehn, qui soufflait jusqu’alors, ne murmurait plus rien à mon oreille.
Je me retournai soudain, dérangée par ce changement si abrupt d’atmosphère. Tout en me levant, je vis l’arbre que j’avais dessiné la veille ! Oui, l’arbre aux lucioles ! Mais, il était différent, juste un peu, assez pour qu’on le remarque, un tout petit détail. Il y avait une sorte de trône, bien que l’arbre en prenait juste la forme, mais ce fut assez flagrant. Oui, il épousait avec zèle chaque courbe svelte du fauteuil royale.
Puis, comme une marche lente, les lucioles vinrent autour de moi. Elles étaient partout. Partout ? Non, presque partout. Elles avaient laissé, devant moi, une sorte d’allée conduisant à l’arbre, au trône. Leurs lumières commençaient à diminuer, à rapetisser, à s’évaporer. Et, lorsqu’elles étaient sur le point de s’éteindre complétement, toutes se changèrent soudain en une espèce mi-homme, mi-luciole. Je dois avouer que je les trouve plutôt charmantes comme ça. Là, sous mes yeux, se déroulaient un spectacle que jamais je n’aurais imaginé. Pour autant, je ne me sentais pas étrangère à cela, je me sentais même chez moi, j’avais l’impression de connaître cet endroit.
Ensuite, dans un geste plein de grâce, ils prirent leurs ailes comme une cape et se mirent à genoux. Tous, devant moi. Je me sentais bien, aussi bizarre que cela puisse paraître je n’étais pas étonnée comme dans les livres de fantaisies où le protagoniste se retrouve projeté dans un monde abracadabrantesque. Dans ma suite de sentiments, je me dirigeai alors vers le siège de l’arbre. Au fur et à mesure que j’avançais, mes vêtements changeaient.
J’avais alors une grande robe blanche, mes cheveux étaient soudainement tressés de sorte qu’une grande et volumineuse natte me tombe dans le dos et presque jusqu’au sol. Enfin, une tiare surmontée d’une pierre de lune et qui s’évaporait en un tas d’arabesques s’était formée sur mon front de même qu’un collier et des bagues sur chacun de mes index, en accord avec l’accessoire de tête.
Forte et embellie de ma transformation vestimentaire, je m’assis donc sur le fauteuil de bois qui était plus confortable qu’il ne le laissait paraître. Les lucioles se relevèrent et l’une d’entre elles vint se placer devant et dit :
«Veuillez acclamez la nouvelle reine. Sa majesté Morgane. »
Tous se retournèrent et lancèrent des acclamations à tout rompre. Moi ! Reine ! Malgré le sentiment de quiétude dans lequel je baignais depuis déjà un bon moment, je ne pus cacher ma surprise. Mais je vis bien dans leurs yeux la lueur d’une étoile qui brille de plus en plus fort. Si je suis reine, je peux faire ce qu’il me plaît. Aussitôt, je me suis levée, le brouhaha de la foule cessa subitement et j’ai proclamé haute voix :
«Merci pour votre accueil chaleureux ! Je ne sais pas encore ce qui m’attend en tant que votre dirigeante. Mais, je peux au moins marquer ce jour. Alors, que la fête commence ! »
Tout le monde poussa un cri de joie, on m’invita hors du petit bois qui entourait mon arbre et, suivie d’un cortège, nous arrivâmes sur une grande place. Elle se situait à l’extrémité d’un village, sur le bord d’une montagne. Les bâtiments étaient ornés de magnifiques arabesques, fines comme la brise légère du vent.
L’air du crépuscule vint alors. Sur la place où nous étions, toutes les lucioles se mirent en rond et moi au milieu, tous emplis d’une immense joie. Elles frappèrent alors toutes deux fois dans leurs mains et là, la place s’illumina selon ses motifs d’une douce couleur orangé. La musique commença à se faire entendre et tandis que cette mélodie festive résonnait, je commençai à danser. Tout le monde frappait dans ses mains, des rires éclataient parmi les miens et ceux des autres. Tout en jonglant sur mes deux pieds, je me dirigeai vers quelques lucioles et les invitais à danser. Et tous, toutes joignirent leurs mains et l’on se mit à faire ne ronde tout en dansant. Les rires continuaient de plus belle et l’euphorie se faisait sentir à des kilomètres à la ronde.
Nous dansions comme jamais, nous avions tous perdus la notion du temps. Et tant et si bien que quand l’aube pointa son nez, nous n’étions point fatigués. Mais il fallait que je rentre tout de même. Je remerciai alors toutes les lucioles et leur demandèrent de me ramener chez moi. Ils se courbèrent tous en même temps et reprirent leur forme d’insecte luisant. Dans un éblouissement, j’entendis :
« Revenez au rocher boisé et appelez nous. Vous reviendrez alors dans votre royaume majesté. »
Je me réveillai dans mon lit. Je me réveillai reine d’un royaume enchanté dont nul à part moi ne connaît l’existence. Je me réveillai en ayant tout à apprendre de cet endroit. Mais, je le ferai. Je jure que je serais juste et droite, à la hauteur de mes fantastiques responsabilités. Je jure ; que je serai une bonne reine.
Là-dessus, dans l’air frais du matin, Morgane sourit.
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Recueil des pluies opalines
ContoPremier recueil, je vais l'éditer petit à petit. Merci à vous ^^