Pardon.

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Emma courait à en perdre haleine, son cœur compressé douloureusement contre sa poitrine et sa gorge asséchée par sa course laissant naître un léger goût de sang. Emma était une femme morte, ou presque. Regina n'accepterait pas un nouveau retard, encore moins avec les événements précédents ; la faute aux pensées d'Emma toujours tournées vers cette femme ensorcelante. Les cheveux ébouriffés par le vent, le teint pâle, de fines perles de sueurs dégoulinant le long de son corps, Emma avait une minute de retard et fit une entrée fracassante, se retrouvant sous de nombreux regards perçants et curieux.

« Emma ! » s'exclama Jane, ravie de l'arrivée de sa petite rebelle préférée.

Regina n'osait regarder Emma, étonnée que la blonde soit revenue à l'orphelinat, la directrice pensant qu'elle aurait fui et se serait murée dans le silence. Regina sentait les battements de son cœur vibrer irrégulièrement, voyant l'apparence de la blonde qui avait hanté toute sa nuit. Le visage durci par l'habitude, Regina ne laissait rien transmettre, ses lèvres pincés et ses yeux confus ornaient son visage fatigué par la nuit agitée qu'elle avait passé à se remémorer cette soirée magique et irréelle. Regina était en colère, contrit, perdue face à ses sentiments chaotiques. Elle détestait Emma, parce qu'elle perdait le contrôle, elle perdait la direction de sa vie, ses actes se confondaient dans le tumulte de ses émotions destructrices. Les bras croisés, Regina cachait sa fragilité, ne voulant pas flancher, la journée qui allait suivre risquait d'être chamboulante, autant pour Regina que pour Emma.

****

Jane était venue poser des questions à David, Marianne et à tous les jeunes entre 15 à 18 ans. Les interrogatoires avaient été mouvementés ; les liens se faisaient petit à petit. Regina était retournée s'enfermer dans son bureau tandis qu'Emma était restée aux côtés de Jane, aucune rousse en vue.
Emma s'inquiétait pour Chloé mais elle était trop fière, puis ce n'était pas à elle de venir s'excuser, l'excès de colère de Chloé envers elle devait cacher quelque chose de plus profond, de plus personnel. Emma n'avait pas eu le temps de s'excuser auprès de Regina, débordée et anxieuse. Jane était retournée au commissariat, Emma se retrouvait seule et n'osait approcher la brune, ne sachant par quel moyen l'aborder.
Emma partit se promener dans le jardin, pour apaiser ses doutes et ses réflexions brumeuses. Elle caressait le majestueux pommier, le regard dans le vide, ne sentant pas la présence qui l'espionnait. Des pas s'approchèrent lentement, effleurant avec grâce l'herbe fraîchement coupée, ayant l'agilité d'une ombre.

« À quoi tu penses ? » demanda la voix, calme et curieuse.

Emma sursauta, s'appuyant avec maladresse sur l'arbre, le souffle court.

« Tu m'as fait peur gamin. » sourit-elle.

Henry d'un sourire malicieux s'approcha délicatement d'Emma avant de l'emmener sur le banc. Il l'observa minutieusement, essayant de capturer chaque parcelle d'émotion de la jeune femme qui se sentait faillir sous son regard perçant, presque tranchant.

« Ne me regarde pas comme ça, tu as étrangement le même regard que celui de Regina. » bougea t-elle, mal à l'aise.

Henry rigola, ses yeux se plissants de joie.

« Tu as l'air malheureuse, c'est à cause de Regina ? » demanda t-il innocemment, sans aucune once de jugement.

Emma se contracta subitement, les muscles de son corps contorsionnés. Le silence valait plus que ses propres mots. Henry posa sa petite main sur son épaule :

« Regina est partie fumer dehors, c'est sa pause. Je n'aime pas qu'elle fume, ça m'énerve. Tu pourrais lui dire d'arrêter, toi qui est si proche d'elle? » dit-il d'une moue attendrissante, son regard semblant cacher une idée bien précise.

Emma était sidérée, l'intelligence et la maturité d'Henry à son âge était aberrante. Ce petit corps frêle et ce visage angélique n'était qu'une couverture sous cette source de clairvoyance qu'était Henry. Emma trouvait sa presque injuste, alors elle demanda naturellement, comme fascinée :

« Pourquoi tu sembles si facilement comprendre le monde des adultes ? »

Henry hausse les épaules, en pleine réflexion.

« Je suppose que j'ai vu trop tôt ce que c'était. Le monde d'adulte n'est pas drôle, tout paraît si compliqué. En grandissant beaucoup d'enfant perde leur innocence et leur magie intérieure. C'est d'ailleurs pour ça que j'adore les contes de fées ; se perdre dans un monde merveilleux et simple me paraît la plus belle des choses, tout est plus beau, sans souffrances inutiles. » conclut-il presque trop facilement.

Emma essuya rapidement une larme coulant le long de sa joue, ressentant toute la fragilité du garçon. Ces mots d'enfants si bien expliqués, cette réalité si vite comprise, Emma voulait protéger Henry. Sans prendre conscience de son geste, elle enlaça maternellement le jeune garçon, caressant ses cheveux soyeux. Henry se détendit et fut apaisé avant de sombrer dans un sommeil profond, Emma regarda l'heure, et l'emmena dans sa chambre avant de le couvrir puis se décida à aller voir Regina.

****

« Fumer tue. » annonça Emma, se positionnant aux côtés de Regina.

« Vivre aussi. » déclara paisiblement Regina.

Emma leva les yeux au ciel, un sourire naissant au bord de ses lèvres. Son regard s'attarda sur la bouche de Regina, la cigarette se consumait entre ses lèvres séduisantes, ses doigts recourbés fermement autour de cet objet maléfique, la fumée recrachée sensuellement ; un portrait charnel se dessinait devant le regard envoûté d'Emma.

« Vous ne devriez pas fumer, c'est mauvais. Je ne vais pas vous exposer tous les symptômes et dangers procurés par la cigarette, vous le savez déjà. » fit-elle, le regard dans le vague.

Regina ne disait rien, elle écoutait la voix d'Emma, sa respiration ; d'une certaine manière elle trouvait attendrissant cette inquiétude qu'avait la blonde pour elle.

« Je fume rarement, occasionnellement, mes pensées se vident simplement. »

Emma souffla, pensant à Henry.

« Il y'a d'autre moyen de se vider sans se bousiller les poumons ou abîmer son corps. » rechigna Emma, les mains dans les poches.

Regina hocha la tête, un sourire indéfinissable accroché sur les lèvres.

« Sinon Miss Swan, dites moi ce que vous faites ici ? »

Emma se tendit, commençant à gesticuler bizarrement, stressée. Emma gonfla ses poumons d'air, incertaine de la suite de cette conversation :

« Je suis désolée d'avoir agi ainsi avec vous à la soirée, c'était déplacé et immature. » dit-elle penaude, regardant sa main abîmée, ses mots moururent dans sa gorge, la pression l'envahissant.

Regina sourit imperceptiblement, touchée.

« Je vous pardonne...après tout, l'euphorie du moment était grisante. » dit-elle avec distance, ne voulant pas avouer qu'elle avait apprécié même si elle avait été terrifiée.

Emma sentit une boule se loger au creux de son ventre, sa gorge nouée par l'amertume. Pour Regina cela n'avait été causée que par l'euphorie, certes, mais Emma en avait eu vraiment envie, ce n'était pas seulement des pulsions : c'était un désir profond.

« Ouais, c'est vrai. » abdiqua t-elle, froide et cassante.

Le coeur de Regina se tordit brutalement d'une douleur insupportable. L'air lui manquait, elle suffoquait intérieurement. Elle ne voulait pas faillir alors elle reprit son éternel masque de reine et annonça d'une voix légèrement dure :

« Chloé a quitté la ville. »

L'amour d'un enfant. Où les histoires vivent. Découvrez maintenant