Je suis autant coupable qu'eux

7 0 0
                                    

Texte by 

Les larmes me brouillent la vue, rendant la classe imperceptible. Un léger bourdonnement a prit place dans mes oreilles, si bien que je ne prête plus aucune attention aux paroles engagées et remplies de tristesse de la directrice.

La place à côté de moi restera, désormais jusqu'à la fin de l'année, vide.

Vide, mais avant occupée. Occupée par toi, et ton corps d'un mètre soixante-dix-huit. Par toi et tes cheveux noisettes. Par toi et ton masque fissuré.

J'aurais pu t'aider Tom, j'aurais pu t'aider! On aurait tous pu t'aider, mais on avait peur. Peur des répercussions, peur de devenir la nouvelle cible, peur de vivre la même chose.

La vie est cruelle, Tom, tu l'a su bien plus que nous tous.

Je te revois encore dessiner dans la marge de tes cahiers, l'air absent et mélancolique. Généralement, tes productions étaient joyeuses, faites de sourires et de fêtes. Mais ces derniers temps, tout était devenu plus sombre: ton coup de crayon, tes personnages, tes yeux et les marques qu'ils te faisaient.

Ils ne font pas les fiers en ce moment-même, crois moi. Au fond de la classe, leurs regards sont vides et leurs mains tremblantes.

Regrettent-ils? Ce serait bien la première fois.

Néo dodeline de la tête, comme pour éviter le regard de tout le monde. C'était lui qui te frappait au ventre, non? Ou bien était-ce Damien? Je l'ai su, je l'ai vu, mais à force d'ignorer j'ai fini par oublier.

Les larmes finissent par couler, et terminent leur cascade sur mon cahier de Sciences Économiques et Sociales. En plein sur le PIB de l'Irlande, une goutte salée vient former un mini lac d'encre bleue.

Je relève la tête ; la directrice est partie. Seuls restent Monsieur Fistro et son air de chien battu.

Amélie pleure au premier rang, soutenue par Rosalie qui lui tapote le dos afin de la calmer. Elle t'aimait bien Amélie tu sais, beaucoup même. Elle regrette sûrement en ce moment-même de ne pas avoir possédé assez de courage pour sauver celui qu'elle aime.

On le regrette tous.

Mais il est trop tard. Trop tard pour les remords. Trop tard pour les regrets. Trop tard pour le courage.

Julien reste impassible, le regard vissé vers la fenêtre. Il ne faut pas lui en vouloir, il a toujours été comme ça. Insensible lorsque la situation le dépasse. Il a été leur cible à un moment, ça l'a forgé. Tu étais celui qui est venu le remplacer. Si tu n'avais pas bousculé Karim, ce maudit lundi 6 février, peut-être serait-ce lui à ta place.

Tout le monde est atterré, pleure ta disparition et maudit les responsables de ton acte. Mais moi, ça me donne envie de vomir.

Tous des hypocrites, clamant l'horreur de la situation quand plus aucun danger ne peut les toucher.

Je le suis moi-même.

Tu n'as laissé derrière toi rien de bien tangible, rien de bien réel à part le 20/20 collectif qu'on va avoir au prochain contrôle. C'est bien connu, une bonne note soigne n'importe quel traumatisme.

Tu me manques Tom.

Ton sourire, bien que mensonger, était plus lumineux que les LED au plafond.

Ça y est, ça sonne. Les chaises grincent sur le sol, les sacs volent sur les dos et les pleurs s'éloignent.

Je ne bouge pas.

Monsieur Fistro ne dit rien, et referme la porte derrière lui après un ultime regard dans ma direction.

Textes concoursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant