Fearless Knight

Myrrdin

En sueur, Myrrdin se redressa. Sa chemise de lin lui collait à la peau, ses cheveux de jais, plaqués sur son front, lui rentraient dans les yeux, et il respirait mal. Il rejeta ses draps et couvertures qui l'étouffaient, tentant de reprendre son souffle.
Sa main tâtonna sur le meuble à côté de lui, mais il renversa sa chandelle. À l'aveugle, dans le noir, il se dirigea vers la fenêtre qu'il avait la chance d'avoir dans sa chambre. Son front s'appuya dessus, sans qu'il ne daigne tenir compte de la froideur du verre. Sa respiration faisait de petits nuages de buée, mais il était trop perturbé pour s'en amuser.

Dehors, les étoiles brillaient encore, mais la nuit commençait à se teinter d'un bleu sombre de bonne augure, qui signifiait que l'aube n'était pas loin.
Comme pour confirmer ses paroles, la cloche de l'église du Duché sonna. En tendant l'oreille, il identifia sans peine les matines.

Myrrdin ne se définissait pas comme spécialement croyant, Argan lui avait appris ce que son expérience en tant qu'habitué des champs de bataille lui avait apporté : 《La seule loi sur cette terre est celle des Hommes. Ce sont eux qui donnent la vie, et eux qui la reprennent. N'oublie jamais ça, ne confie pas ton existence à un Dieu, il n'en a que faire.》

Mais, au beau milieu de la nuit, se sachant incapable de se rendormir et ayant reçu une solide éducation chrétienne, l'adolescent décida de descendre dans la capela du château.
Cette partie du donjon était réservée seulement à Argan, mais ce dernier avait autorisé son épouse, Farell et son écuyer à l'utiliser quand l'envie leur en prenait.

Il attrapa son mantel usé, s'en drapa, frissonant, et sortit en catimini de la chambre. Les couloirs déserts lui firent un drôle d'effet, et il se rendit compte que c'était la première fois qu'il s'aventurait seul de nuit dans le château. Durant ses années en tant qu'écuyer, il avait tant suivi les directives d'Argan et respecté l'entraînement physique rigoureux qu'il lui imposait que jamais il ne s'était enhardi à ce genre d'escapades nocturnes. Généralement il s'écroulait dans son lit, et dormait comme un loir jusqu'au petit matin, épuisé.

Mais le Duc n'était plus là pour chaperonner sa conduite, et le jeune homme se retrouvait un peu perdu au milieu de tout ça. Il avait sentit l'ambiance tendue du château, et tenté de questionner Farell à ce propos, mais son aîné était resté désespérément muet, se contentant de lui conseiller laconiquement de se méfier de Glen. On lui répétait que le savoir de retour était une bonne nouvelle, cependant il se sentait inutile. Et il avait l'impression, avec ça, de toujours apporter le malheur. Ou les ennuis.

Ses pieds nus ne firent pas de bruit sur le sol de pierre, et il se faufila comme une ombre dans le château silencieux. Seules les cuisines étaient allumées, on se précipitait déjà pour choisir les mets qui allaient être servis.  Myrrdin plaignait ces gens, il n'aurait pour rien au monde voulu subir comme eux l'épreuve des levers à l'aurore et des interminables listes de provisions à tenir chaque jour. Enfin, son rôle d'écuyer lui convenait mieux que celui de garçon de cuisine, mais il désespérait d'en sortir un jour. Son adoubement aurait dû avoir lieu des mois auparavant...

Le garçon secoua la tête. Les vieux du conseil du Roi avaient juste décidé de lui mettre des bâtons dans les roues, peut être parce qu'il était affilié à Argan et que ces grabataires séniles ne digéraient pas le fait que ce dernier ait réussi à épouser Erell Níc'Ceallaigh. Un sacré tour de force, il fallait dire. Mais cette dernière avait son caractère, et toute princesse et fille de Roi qu'elle fut, nul n'osait lui dicter sa conduite. Elle avait choisi librement, et Myrrdin lui en était plus que reconnaissant, puisqu'elle avait choisi le Duc.

Enfin, un jour les vieux finiraient par oublier leur rancoeur. Il l'espérait en tout cas, parce qu'il ne comptait pas rester écuyer toute sa vie durant. Il se battrait pour avoir droit à l'adoubement, si il le fallait. Il avait promis de devenir chevalier.

Il pria toute la nuit pour que son voeu soit exaucé.