Chapitre 12 - Voyage

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La terre est ronde et pourtant il a des cons dans tous les coins

***

Après avoir récupéré tout ce qu'il y avait de bon chez les perdants, nous avons repris la route, ma pauvre personne étant cantonnée au siège passager vu qu'apparemment, je ne sais pas tenir correctement un volant. Asbjörn ne m'a pas tellement laissé le choix, et je suis obligé de contempler le paysage morne par la fenêtre, seule occupation dont j'ai le droit. Nerea se tient pourtant dans le siège juste derrière moi, et, si je me concentre bien, j'arrive à entendre sa respiration lente et profonde. Elle dort. Tout comme ma bête, repue par cette petite balade de santé et par le cadeau que la gamine lui a fait. Cadeau, tu parles...

Mon avis que si je lui flanquais déjà les chocottes, elle ne voudra même plus croiser mon regard après ce que nous lui avons fait. Ce qu'elle lui a fait. Moi, je ne suis qu'un simple spectateur dans mon corps, observant et écoutant, sans pouvoir intervenir. Pas faute d'avoir essayé pourtant ! Mais voilà... une fois que je lâche la bride au monstre, celui-ci ne me laisse que rarement revenir de son plein gré. Résultat, je dois le combattre, et me choppe une migraine effroyable, que je conserve pendant plusieurs heures.

-        Quels sont les stocks ?

La question d'Asbjörn ne me concerne pas étant donné qu'il vient de cracher dans le tout nouveau talkie que nous venons d'acquérir. Rapidement, la voix pragmatique de Mort résonne de l'autre voiture.

-        Dix fusils NG, cinq à lasers, une quinzaine de grenades à ultrasons, six paires de lunettes anti camouflage, cent pincements NG, une cinquantaine de rations militaires et six talkies. Terminé.

-        OK, bien reçu.

Il repose le boitier et pousse un long soupir.

-        Et dire qu'avec tout ça, ils auraient pu mener une guerre...

-        Ah ça... C'était pas censé se finir entre les pattes de nous autres, vermines environnantes.

Je ricane comme un con quand le chef me lance un regard réfrigérant. Je garde mon humeur pour moi, notre ex-militaire étant un petit peu douillet face à ce sujet. Forcément. Il a toujours été du bon côté de la loi, lui. Fin bon... Il le pense en tout cas. J'en ai rencontré des anciens soldats, et la moitié d'entre eux ne me font pas rougir. Surtout qu'Asbjörn, sous son petit air princier, a, si ce n'est plus, autant de sang sur les mains que moi.

Après une entrée à dix-huit ans dans l'armée américaine, fuyant son cher Alaska si froid, il a rapidement été engagé dans les forces spéciales, se spécialisant ainsi dans la guerre non conventionnelle. Autant dire que ses interventions n'étaient pas très propres. Exfiltration d'otages, combats contre les djihadistes, destruction de cartels de drogues... Le boulot ne manquait pas. Et Justice a duré dans l'armée. Seize longues années où je me serais probablement pendu d'ennuis. Puis, écœuré par les champs de bataille, il a raccroché les gants afin de devenir une espèce de prof pour les soldats atteints de névroses suite à des missions un peu trop compliquées pour ces malheureux poulets. Le quart de ce que j'ai fait leur collerait des sueurs froides, à ces pauvres petits canetons.

Asbjörn, lui, m'a vu au sommet de ma gloire et n'a pas eu peur. Il m'a identifié, peu de temps après l'Apocalypse, quand je me suis retrouvé à diriger la prison qui m'a accueilli pendant si longtemps. Un juste retour des choses. Il m'a vu, organisant ces combats pour apaiser les envies de sang de mes petits soldats. Il m'a vu, au royaume des monstres, devenir plus bête que le plus dangereux animal. Tout ça pour me faire venir ici, dans ce climat de merde, avec ce paysage dégueulasse et ce désert à n'en plus finir. Et dire que mon enfance n'était que champs et collines...

Si la Terre s'effondre - Tome 1 L'Antéchrist SanctifiéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant