Soulagement figé

601 22 4
                                    

Dans les salles où on a cours de Philo au lycée, il y a toujours un bocal dans lequel il y a déjà quelques papiers pliés. Notre professeure de Philo nous a expliqué au début de l'année qu'on pouvait y déposer des mots. Elle le prend toujours avec elle parce qu'on n'a pas toujours cours dans la même salle. On peut y mettre les pensées tristes qu'on a, un message qu'on veut faire passer à quelqu'un dans la classe, un message d'espoir, bref, tout ce qu'on veut. Elle nous a expliqué que c'est complètement anonyme et qu'elle vide le bocal tous les Mercredis et Vendredis pour lire les papiers devant la classe, sauf si l'élève a précisé sur son mot qu'il ne voulait pas être lu devant toute la classe mais seulement par la prof. On a Philo tous les jours sauf le Mardi, alors c'est pratique pour ceux – comme moi par exemple – qui ont besoin de vider leur sac de temps en temps, tout en restant anonyme. J'ai des amis précieux, mais je n'arrive pas à leur parler, à me confier à eux, alors parfois je laisse des mots dans le bocal. La prof lit donc les mots à la fin des cours du Mercredi et Vendredi, et pour cela elle arrête le cours 5 ou 10 minutes avant la sonnerie, selon la quantité de mots qu'il y a.

Elle nous a dit qu'elle fait ça d'une part pour permettre aux élèves se sentant seuls d'évacuer leur mal s'ils en ont envie ; d'autre part pour que d'autres élèves, qui veulent encourager les premiers cas sans savoir comment, puissent le faire sur papier, en écrivant par exemple un message d'espoir ou porteur de courage ; mais surtout pour qu'on se rende compte que ne pas connaître quelqu'un n'est pas une excuse pour ne pas l'aider, ou au moins pour ne pas le comprendre.

Je pense que c'est une bonne initiative, surtout parce que j'en ai souvent besoin, et d'évacuer et de recevoir des conseils. Aujourd'hui, on est Vendredi, c'est le week-end dans 10 minutes pour nous, et dans quelques secondes la prof va probablement arrêter son cours pour le bocal. Il y a, je pense, 4 ou 5 papiers cette fois. Il n'y en a pas souvent autant. L'un d'entre eux est le mien. J'appréhende un peu, comme d'habitude, la réaction des autres à la lecture de mon mot, parce que même si d'apparence – et c'est vrai – je suis renfermé et timide, quand j'écris je n'hésite pas à utiliser les mots que je pense les plus justes pour décrire ce que je veux dire.

Quand j'ai glissé à NamJoon, un ami proche, après les explications de notre prof, que je laisserais probablement des mots, il m'a regardé dans les yeux avec un sérieux impressionnant et m'a dit : « Dans ce cas-là HoSeok, tu dois me promettre que quand quelqu'un dans cette classe t'aidera réellement, si c'est d'aide dont tu as besoin, tu iras le remercier. » J'ai acquiescé quand il a parlé d'aide, alors il a continué. « Tu te débarrasseras de cette identité anonyme. Peu importe que ce soit quelqu'un à qui tu n'as jamais parlé, ton crush ou même l'un d'entre nous, un ami. Parce que si quelqu'un réussit à t'aider, cette personne mérite au moins de connaître ton identité, tu ne crois pas ? » J'ai accepté, parce que dans un sens il a raison.

On passe enfin au bocal, que j'ai fixé une bonne partie du cours quand je n'écrivais pas. Notre prof vide le bocal sur son bureau. Elle lit 3 papiers et quand elle ouvre le quatrième et dernier, c'est le mien.

« Y a des moments je me sens tellement seul, j'ai l'impression que ce monde n'est pas fait pour moi. Je ne me sens pas à ma place dans ce monde. Je voudrais être compris, ne plus être seul. Je voudrais un petit-ami pour m'aimer et me chérir et me dire ce que je vaux, parce qu'honnêtement je ne sais plus. Je voudrais quelqu'un pour me tenir la main, me serrer fort dans ses bras, essuyer mes larmes. Mais au-delà de ça je voudrais me sentir aimé, je voudrais savoir si je compte réellement. Je veux juste préciser que mes amis ne doivent pas s'en vouloir si je suis comme ça, ce n'est pas de leur faute, ils sont présents pour moi. Je me sens juste seul malgré que je sois entouré, je suis désolé. »

Une fille dans la classe demande à la professeure si c'est un garçon qui a écrit ça, ce à quoi elle acquiesce au vu de la façon dont les mots sont écrits. La fille reprend la parole :

OS BTSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant