La Cité des songes

Nouvelle n°3 : Eros ou l'obsession

« ♫Ta gueule idole, c'est l'amour fou. Ces bruits étranges, c'est l'amour, c'est l'amour fou. Ta gueule idole, c'est l'amour fou. Ces bruits étranges, c'est l'amour fou ♫ .... Bonjour à tous les auditeurs qui nous rejoignent en cette saint Hippolyt... Biiiip ». Saleté de réveil. Malgré l'heure qui tourne doucement, je reste là, blottis au fond de mes draps, le visage à moitié écrasé contre l'oreiller. « Debout mon amour, tu vas être en retard... ». Délicatement, je sens une main me secouer le dos.

« - Pas envie ...

- Mais ce n'est pas aujourd'hui que tu dois aller à ta convention ? Hou la, toi t'as pas dû bien dormir. Mais qu'est-ce qui a bien pu te faire cogiter autant? ». Subitement je relève la tête et la tourne en direction de ma femme. Elle. « Rien, rien de spécial. ». Je me racle longuement la gorge avant de me lever entièrement du lit et de me diriger vers la salle de bain.

Face au miroir du meuble à pharmacie, je plonge mon visage dans mes mains remplies d'eau. En relevant la tête, mon cœur s'accélère. Mon reflet s'est effacé pour laisser place à elle. Sa bouche souriante et ses yeux innocents font taire tous mes doutes. Décontenancé, je fais cligner mes paupières. Et, en un instant, son image s'évapore me laissant seul face à mon air ahuri. Ce n'était qu'un mirage.

Après m'être rasé et habillé, je me précipite hors de la salle de bain. Troublé au possible, le pas pressé, j'embrasse mes deux fils et ma femme, attrapant au vol mes clés. « À ce soir mon amou... ». Je viens de refermer la porte brusquement. Enfin dehors !

Le pied écrasé contre l'accélérateur, je laisse les chaos de la route me bercer. Le souffle fort, je sens peu à peu l'excitation me gagner. Enfin seul ! Je n'aurais plus à supporter toutes ces heures à refréner ce désir fou. Tous ces instants à me sentir coupable au point de ne plus oser toucher ma femme, au point de ne plus oser croiser son regard. Au volant de mon destin, pour la première fois depuis longtemps je me sens en paix. La route me semble infinie et volage. Qui sait où ses courbes me mèneront demain ? Comme pris dans une sorte de transe, j'en oublies les minutes qui s'égrènent. Je ne suis plus là.

Et, c'est dans cette état second que j'arrive à ma première destination. Le logement d'un ami. Après quelques déambulations inutiles, je finis par me garer en bas de l'immeuble. Je ne sais pas ce qui m'a pris de lui proposer de venir. D'un air blasé, j'appuie sur le klaxon. Le bruit semble rebondir sur les murs. Je vais l'attendre, mais je ne suis sûr de rien.

Cela fait bien cinq minutes que j'attends et toujours aucun signe de mon ami. Je crois qu'il ne viendra pas. Je voulais le faire sortir pour qu'il oublie un instant son ex, mais je crois que ce ne sera pas pour cette fois. Doucement, je redémarre la voiture, alors que j'allais enclencher la marche arrière pour quitter ma place, quelqu'un vient taper contre ma vitre. Enfin, c'était moins une ! Sans un bruit, il s'installe sur le siège passager et referme la portière. Ses yeux et ses joues sont creusés par le chagrin et la fatigue. Je n'ose pas lui demander comment il va. D'un geste vif, je démarre la voiture et m'en vais en direction de la convention jeux-vidéos, toujours avec une pointe d'excitation...