romance
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"Il pleut." j'entends Kyôka soupirer à l'autre bout de la salle
Inutile de regarder par la fenêtre pour le vérifier ; le bruit persistant des gouttes d'eau se précipitant contre un solide quelconque tambourine dans mes oreilles. Je grimace en essayant de l'ignorer mais rien n'y fait, le son désagréable persiste jusqu'à m'en donner le tournis. Je m'assois un instant pour reprendre mes esprits.
Les traits de Momo et Minoru sont déformés par l'inquiétude lorsqu'ils me voient en difficulté.
"[t/p]..." murmure Momo en s'approchant, je peux sentir ses longs cheveux chatouiller mes doigts désormais pressés contre ma tempe "Il faut que tu le fasses." Elle m'encourage d'un ton inquiet. "Bloque tout, maintenant."
Je m'apprête à refuser mais aussitôt, une rafale de vent s'ajoute à la pluie. Le bruit devient insupportable et mon extrême sensibilité auditive me provoque de sérieuses migraines. Contrainte de me bloquer, je prends une grande inspiration et agis.
Tout à coup, je me retrouve seule. Pas un son, pas une goutte de pluie, pas de rafale de vent, pas un chuchotement, plus rien. Je suis toujours assise, la chaise est le seul objet présent puisque je la touche. Tout est noir autour de moi, c'est le néant. C'est ce qui arrive lorsque je m'isole, je me coupe de tout et me bloque. Pour autant, je ne suis pas complètement seule. Des ombres blanches flottent autour de moi, elles ont la forme de corps humains. Elles errent silencieusement, ignorant complètement ma présence. Ce que je vois, ce sont les fantômes de ceux qui ne veulent ou ne peuvent pas quitter la Terre. Quelqu'un leur manque, les circonstances de leur mort leurs sont demeurées inconnues ou alors, ils aiment simplement l'idée de vivre ici pour l'éternité, en l'occurrence dans une salle de classe.
Ces âmes déambulent nuit et jour sans jamais faire de pause, mais toujours au sein d'un même néant dont la forme se définit par celle de la pièce où je me trouve. Ce sont elles qui me font haïr le blocage. Le silence me rend dingue mais je suis obligée d'y goûter si je ne veux pas mourir d'un mal de tête. J'ai néanmoins appris à m'habituer à la présence des fantômes, bien qu'elle soit effrayante par moment.
J'ai l'impression d'être dans cet état depuis deux minutes, mais en réalité cela fait déjà vingt minutes.
J'expire doucement. "Je veux y retourner." je murmure "Je veux sortir d'ici."
Ainsi, je reviens à la réalité.
* * * * * *
Le soleil se couche tout juste lorsque Shouto sort du lycée. Je pousse un soupir las pour lui signifier mon agacement. "Trente minutes." dis-je
Il se gratte la nuque d'un air nonchalant. "Désolé [t/p], Midoriya voulait me parler." il attrapa ma main et m'entraîna dans sa course "On va être en retard, les visites ne sont possibles que jusqu'à dix-huit !"
Nous parvenons à rejoindre la clinique à temps, nous laissant tout juste une quinzaine de minutes pour profiter de la chambre de Kanae. Une fois arrivés, nous frappons doucement à sa porte et entrons avec sa permission.
Kanae est une quinquagénaire, veuve et mère de trois enfants. Son fils aîné est avocat à l'étranger tandis que les deux benjamins vivent à quelques minutes de la clinique. Ils rendent souvent visite à leur mère qui n'a plus toute sa tête. C'est une femme adorable mais qui, malheureusement, ne se souvient que très peu de sa vie. Atteinte d'Alzheimer, elle en est venue à oublier l'existence de ses enfants.
Étonnement, elle se souvenait toujours de Shouto et de moi. Elle occupe la chambre que la mère de mon petit-ami occupait autrefois, cette dernière ayant péri dans un incendie—comme elle le craignait—causé par un patient de la clinique dans la cafétéria.
Nous frappons à la porte et sommes accueillis par une Kanae souriante. Elle nous prend dans ses bras avant de nous faire entrer.
La pièce n'est que très peu meublée. Il y a un lit, un bureau décoré de petits stickers, une commode, un fauteuil et une petite télévision fixée au mur. Shouto me laisse m'asseoir sur le fauteuil pendant que Kanae nous raconte sa journée.
"Il ne reste que quelques minutes." Je soupire en vérifiant ma montre.
"Allez-y les enfants, profitez-en."
La gentille dame nous offre un sourire réconfortant. Shouto attrape aussitôt ma main, la serrant fort dans la sienne. Je prends une grande inspiration et soudain, plus un bruit. Le tic toc de la pendule a disparu et la respiration forte de Kanae s'est arrêtée. J'ouvre les yeux et distingue quatre ombres blanches. L'une d'entre elle est assise dans un angle de la pièce devenue néant, elle tient ses genoux contre sa poitrine. Shouto est avec moi parce que nous nous tenons la main.
Je me lève, quittant le fauteuil gris. Il disparaît. Toujours agrippée au garçon, je m'avance vers l'ombre assise. Une fois en face d'elle, le garçon aux cheveux bicolore s'agenouille et passe sa main à travers elle. Chaque fois qu'il essaye de la toucher, la partie de son corps visé s'évapore pour ne réapparaître qu'une fois qu'il ne retire sa main.
J'observe silencieusement son regard habituellement inexpressif s'adoucir. Des larmes menacent de couler. J'exerce une légère pression sur sa main en guise d'encouragement.
Nous ne parlons pas, il respecte le silence que je désire en me mettant dans cet état.
Là, tranquillement, Shouto profite de la présence de sa défunte mère.
* * * * * *
Il me serre tendrement dans ses bras. Je m'y blottis et respire joyeusement son parfum naturel.
"Quand je serai parti, tu sauras où me trouver?" Shouto me demande d'un ton amusé.
Je grimace en le repoussant légèrement. "Ne sois pas stupide! Pas besoin d'y penser, on a la vie devant nous."
Il ignore ma remarque et dit : "Je serai partout où tu seras."
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Très court je sais, mais je reprends tout juste! Je ne sais trop sur qui écrire donc n'hésitez pas à me faire des suggestions 😊