Vie éphémère comme l'amour

7 0 0
                                    

Je m'étais rendu à un gala, un soir d'été où le ciel était éclairé par de scintillantes étoiles, je portais l'un de mes plus beaux costumes, bien évidemment un sur-mesure réalisé par un tailleur renommé chez les gens fortunés.

Alors que je sortais de ma voiture sportive, un voiturier s'en empara pour aller la garer, et une hôtesse d'accueil me proposa un cocktail de bienvenue. Je m'enfonçai dans le grand manoir où se déroulait la soirée, tournant le dos à d'immenses jardins soigneusement entretenus et aux fontaines illuminées, pour rejoindre un immense hall très animé. La hauteur sous plafond était si d'au moins sept mètres, des fresques de l'époque de la Renaissance couvraient la surface soutenue par d'épaisses colonnes blanches. Le marbre noir au sol était luisant au point qu'il reflétait les invités.

Tandis que je me frayais un chemin, un vieil homme, très connu dans le milieu des affaires, m'aborda pour me féliciter de ma carrière, nous avons échangé quelques mots avant de nous séparer. Je me rapprochai du bar où j'allais chercher une deuxième boisson alcoolisée. C'est là que je découvris Alysson, une femme sublime aux jambes élancées et à la taille fine habillée d'une longue robe rouge en dentelle qui laissait ses épaules dénudées. Sa longue chevelure blonde était attachée en un chignon parfait, dégageant sa nuque et son cou paré d'un collier en or blanc parsemé d'éblouissants cristaux de saphir. Elle était assise seule, un verre de whisky à la main, le regard dans le vide. Je débutai la conversation avec elle, un sourire radieux vînt faire rayonner son doux visage quand elle leva la tête.

Mon cœur s'enflammait au fond de moi, il bondissait, s'agitait. Je tremblais, j'étais étourdi, mes jambes tressaillaient, je n'étais plus maître de ma personne. L'amour s'était emparé de mon corps tout entier, elle était devenue le centre de mon monde, plus aucune autre femme ne m'intéressait, plus aucune n'existait.

Ce soir-là fut magique, le coup de foudre que j'ai ressentit était réciproque. Nous avons fui la foule pour nous promener dans les allées fleuries du château. Tant de points communs nous unissaient, notre amour pour le cinéma d'art, notre fascination commune des courses de chevaux, et nos préférences culinaires identiques. C'était comme si nous étions exactement la même personne, mais du sexe opposé, la discussion était si fluide qu'on aurait pu croire que l'on se connaissait depuis toujours, mais je venais seulement de la découvrir.

Face à la fontaine j'avais voulu l'embrasser mais elle s'était écartée. Elle m'avait désigné son doigt entouré d'une alliance dorée surmontée d'un diamant énorme. Le temps s'était subitement arrêté, tout mes rêves d'un futur heureux avec elle étaient réduits à néant, mes envies de fonder une famille avec elle, de mes réveiller à ses côtés, de la chérir jusqu'à la mort, tout été fini avant même d'avoir commencé. Mon cœur avait cessé de battre, il était à jamais brisé.

Elle m'avait cependant donné un petit papier sur lequel était indiqué un lieu : un café réputé pour sa discrétion, et une horaire. Sans hésiter j'y étais allé, son image me hantait depuis notre première rencontre, sa beauté me suivait dans chacune de mes pensées, son souvenir réapparaissait quand je rejoignais les bras de Morphée. Ces rendez-vous cachés se sont étalés sur plusieurs mois, un lien fort s'est tissé entre nous deux au rythme de nos entrevues. Pour autant, elle restait énigmatique, elle ne me parlait pas réellement de sa vie.

Malgré les nombreuses zones d'ombre autour d'Alysson, je l'avais invitée chez moi, et elle avait accepté. Toujours vêtue d'une ravissante robe, elle entra dans mon immense loft parisien. Elle avait refusé de retirer sa veste, j'avais d'abord pensé qu'elle avait froid, mais quand nous avions commencé à nous embrasser sur le canapé, j'avais tenté de lui enlever, elle s'était brusquement relevée et s'était braquée. Malheureusement, j'avais eu le temps d'apercevoir un hématome sur son épaule droite. J'avais posé de multiples question, en vain, elle avait fini par retourner chez elle énervée.

Nous avions cessé de nous voir pendant plusieurs semaines, le temps paraissait si long, jusqu'au jour où elle avait débarqué paniquée. Les cheveux décoiffés, le maquillage qui coulait sur son visage, la joue boursouflée, le souffle coupé. J'avais mis quelques secondes uniquement avant de tout comprendre, elle avait juré fidélité à un homme qui la battait. Elle était prisonnière de cette situation, il avait tellement d'influence dans le pays qu'il avait la police et la justice de son côté. C'était même ce qui l'avait séduite, mais c'est ce qui la piégeait et l'étouffait désormais.

J'avais réussi à la calmer, à la soigner, elle avait pu se reposer à l'abri de toute agression, loin des cris de son mari, des insultes qu'il lui disait. Le soir même elle était dans le même lit que lui, j'en étais malade, furieux, attristé, inquiet, comment allait-elle débarquer la prochaine fois ? Allait-elle débarquer une autre fois au moins, ou l'aurait-il tuée avant ?

Alors que c'était elle que je pensais voir enterrée bientôt, c'est lui qui a fini inhumé quelques jours plus tard. Elle était bel et bien revenue me voir, encore une fois affolée, mais cette fois avec du sang sur les mains, et sur ses vêtements de luxe. Envahi par la stupéfaction, je n'avais pas réussi à parler. Elle m'avait alors tout raconté, elle était condamnée à finir en prison pour des années. Je ne pouvais pas la laisser se dénoncer, j'avais voulu le faire moi, mais elle avait catégoriquement refusé. Nous ne voulions plus être séparés, alors nous avions opté pour une cavale. Deux heures après nous étions à l'aéroport Roissy Charles de Gaulle. Le premier vol proposé était en direction de l'Afrique du Sud, parfait. Les portiques de sécurité passés, nous nous dirigions vers l'avion, ce dernier ne décollait pas, la police allait-elle venir nous chercher ?

Plusieurs hommes en uniforme entrèrent soudainement, je tournai la tête vers Alysson complètement dépitée et effrayée. Je saisis sa main fermement, la sortis de son siège et l'emmenai aux toilettes. Les officiers se mirent à courir dans notre direction. Avant qu'ils ne bloquent la porte nous avions eu le temps de la verrouiller.

Qu'allions-nous faire ici ? Alysson me fit signe qu'elle avait un plan, elle ouvrit son sac et sortit de je ne sais où un pistolet, comment avait-elle pu le faire passer ? Là n'était pas la question la plus importante, je me demandais ce qu'elle voulait faire avec cette chose. Elle me le tendit, timidement je le pris et haussai les épaules pour signifier que je ne savais pas quoi en faire. Elle approcha sa tête du canon, l'empoigna avec ses délicates mains, et prononça les mots les plus tranchants qu'il puisse exister « Tire, je t'en supplie, fais le pour moi ». Je m'étais alors concentré, j'avais fermé les yeux, le temps était figé, les coups contre la porte et les hurlement des policiers ne m'atteignaient plus, il n'y avait plus qu'elle et moi. Nous étions seuls, mais ensemble.

J'étais lâche et faible, je n'avais pas réussi à appuyer sur la gâchette, je ne cessais de m'excuser et elle pleurait. Elle me supplia encore et encore, répétait que je devais le faire au nom de l'amour, mais j'en étais incapable. Elle posa alors l'arme contre sa tempe, elle allait se suicider, nous allions être séparés à jamais. Je m'emparai de l'objet, le pointai dans sa direction, le baissai, l'embrassai, et dis « A tout de suite de l'autre côté ». Le coup de feu retentit dans l'avion, elle s'effondra et se noya peu à peu dans son sang. Je m'assis à côté d'elle, la regarda une dernière fois, ferma les yeux, pensa fort à elle, et un deuxième grondement se fit entendre. Je l'avais rejoint, nous étions tous les deux pour l'éternité, et rien ne pourrait plus jamais nous séparer.  

L'innocence finit toujours par s'envolerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant