Te souviens-tu ?

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 Te souviens-tu ? Te souviens-tu de ce moment magique que l'on a vécu ensemble à l'aube d'un jour d'été. Personnellement je n'ai rien oublié, comment pourrais-je ?me diras-tu.

Cette falaise, pratiquement inaccessible, où nous étions, était fabuleuse. Te souviens-tu quand nous étions assis au bord du gigantesque gouffre aquatique, les pieds balançant dans le vide ? Je te vois encore fixer l'horizon, la tête droite et statique, ton visage sans expression, tes yeux brillant d'excitation. Nous étions si heureux n'est-ce pas ? Je sais ce que tu attendais, le soleil n'étais pas encore apparu, tu attendais qu'il illumine ce ciel, qui d'un bleu timide, patientait avant de briller de mille feux. Puis il fut couvert d'un voile rose, les nuages avaient rejoint d'autre contrées, laissant le firmament nu. Ce voile avait viré en quelques minutes au orange, et cet astre tant désiré était enfin sorti de la mer, face à nous, il s'élevait dans les cieux avec tant de grâce que tu as laissé ruisseler une larme sur ta joue gauche.

La brise faisait danser mes cheveux lorsque nous attendions les baleines. Tu avais embarqué dans cette balade matinale, tes jumelles, tu les approcha près de tes yeux, mais après avoir fait pivoter ta tête à plusieurs reprises, tu les reposa, plein de déception. Aucun mammifère marin en vue. Je me souviens avoir posé ma main sur ton dos, comme pour te consoler, tu releva alors le menton, et me regarda, j'avais plongé dans tes yeux plus bleus que le large. Encore humides, ils formaient un océan d'émotions, j'y ai vu la joie, la tristesse, la colère, mais celle que je voyais à ce moment était l'amour. Ce regard bienveillant posé sur moi me rassurait.

Entends-tu encore les vagues se fracasser bruyamment sur les rochers au loin ? Elles roulaient jusqu'au rivage, naïves, elles ne s'attendaient pas à mourir une fois arrivées. Elles se jetaient à corps perdu dans cette course comme je me suis lancée dans cette aventure avec toi. J'avançais si vite, mais peut-être étais-je en train de me précipiter vers la fin de notre histoire, qui sait ?

Te souviens-tu de ce sourire que tu as fait lorsque tu as vu la Corse se dévoiler dans les horizons lointains ? Ce bonheur qui t'as envahi, m'avais contaminée tel un virus. Nous nous étions alors mis à rire bêtement, ensuite tu m'avais prêté ton matériel et à mon tour je découvrais l'île de beauté.

Te souviens-tu à quel point cela était sublime ? La nuit n'était plus qu'un vague souvenir mais je voyais encore des étoiles, dans tes yeux azurés. Tu avais posé ta main sur la mienne, étalée sur le sol poussiéreux et caillouteux. J'ai alors fermé les yeux pendant un instant, ne laissant place qu'a un fond noir. Quand je les ai ouverts rien n'avait changé, sauf ma détermination, j'ai patienté quelques secondes , je suis restée muette, puis je l'ai enfin dit « Je suis prête ». Sans prononcer un seul mot tu t'es levé et tu m'as tendu la main, une fois debout tu a pris la deuxième, et tu n'as pas lâché mon regard. Tu t'es tourné face à l'immensité de cette étendue bleue, et ensemble nous avons sauté dans l'eau glacée.

J'ai senti l'air frais me chatouiller durant cette chute, puis nous avons plongé entièrement dans la mer. Un bruit sourd a retentit et la pression a heurté nos tympans. Ensuite nous sommes remontés à la surface, tes cheveux noirs et mouillés étaient plaqués sur ton visage, cachant ainsi ton regard médusant et envoûtant. Tu les a retirés de là et tu m'a prise dans tes bras. Le temps s'était arrêté, plus rien n'existait sauf toi et moi, plus que nous deux.

Te souviens-tu de tout cela ? Te souviens-tu de nous ? Te souviens-tu de moi ?  

L'innocence finit toujours par s'envolerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant